Comme nombre d'entre nous, j'ai passé beaucoup de temps avec des agriculteurs au cours du week-end. Agriculteur, je l'ai moi-même été, et certains de mes anciens collègues m'ont dit l'état de leur trésorerie, consternante, en effet, aux yeux de l'ancien cadre bancaire que je fus également. La situation est très inquiétante. Les mesures prises par le Gouvernement font du bien, mais elles ne changeront rien pour le long terme. Si les prix sont ce qu'ils doivent être, les agriculteurs s'adapteront comme ils l'ont fait depuis des décennies. La question de fond, c'est celle du revenu. Ce sont surtout les éleveurs qui sont en difficulté ; or leur niveau de compétitivité et de technicité est très élevé. On est donc arrivé au bout d'un système : des représentants des producteurs de lait nous parlent d'un prix de 220 euros la tonne dans six mois ; imaginez ce que cela représente ! Quant au porc, on s'attend à ce que son prix tombe à 1 euro le kilo dans quelque temps. Avec pareils prix, inférieurs à ce qu'ils étaient il y a trente ans, personne ne tiendra.
La situation est si sombre que je conseille aux jeunes qui souhaitent s'installer de différer leur projet. Personne ne sait où vont l'agriculture française et l'agriculture européenne. Quel est le projet collectif ? Veut-on, pour les consommateurs « avertis », vers qui sont dirigés de 20 à 30 % de la production, des produits de très grande qualité et, pour le reste de la population, supposément moins attentive à la qualité alimentaire, des produits importés dans leur totalité, ou veut-on continuer à les produire pour partie ? Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes engagé dans une discussion avec nos partenaires européens, mais j'ai des doutes certains sur ce que souhaite l'Union européenne en matière d'agriculture.