Intervention de Stéphane le Foll

Réunion du 16 février 2016 à 21h30
Commission des affaires économiques

Stéphane le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement :

Pour ce qui est des OGM, il n'y a aucune raison de penser qu'ils constituent la solution la plus efficace. En matière de mycorhization des sols, Monsanto vient de découvrir un champignon permettant d'accroître de 5 % le rendement de la production de maïs. Le Monsanto qui nous a bassinés pendant des années avec les seuls OGM comme solution de rendement ! C'est bien la preuve que nous avons tout à gagner à explorer les multiples pistes, extrêmement productives et performantes du point de vue environnemental, offertes par l'agroécologie.

En matière de modèles de production, M. Charles de Courson a évoqué les cultures intermédiaires pièges à nitrates (CIPAN), consistant, en vertu d'une réglementation appliquée depuis une quinzaine d'années, à couvrir les sols de certaines cultures en hiver, afin d'éviter que l'azote épandu sur les sols ne parte dans les rivières. Je rappelle que la France a été condamnée en 2014 par la Cour de justice de l'Union européenne pour n'être pas parvenue à respecter la directive de 1991 sur les nitrates et les pollutions d'origine agricole. Dans un modèle agroécologique, les sols sont beaucoup plus épais, plus spongieux, et présentent donc une capacité plus importante à retenir l'eau et l'azote – une substance qui est d'ailleurs nécessaire à leur bon fonctionnement –, ainsi qu'un système microbiologique très développé. Ces sols présentent, en termes de structure et de composition chimique, des caractéristiques qui rendent beaucoup plus rare le dépassement des taux de matière organique dans les cours d'eaux : de ce fait, ils présentent des potentialités en matière d'épandage qui n'ont rien à voir avec celles des sols traités de façon conventionnelle. Je vais proposer aux agriculteurs qui le souhaitent de s'engager sur cette voie, ce qui leur permettra de sortir des normes actuelles en matière d'épandage sans se départir des objectifs environnementaux, qui constitueront, au contraire, l'un des éléments de notre future stratégie de compétitivité. Comme je l'ai déjà dit, quand je quitte Moscou en novembre, les récoltes sont terminées et les champs déjà recouverts de neige : les agriculteurs doivent attendre le printemps pour reprendre le travail. À mon retour dans la Sarthe, je vais voir mon ami Philippe Pastoureau dans sa ferme de Tassé, au milieu des champs couverts d'une herbe haute d'un mètre cinquante ! J'insiste donc sur ce point : nos territoires offrent un potentiel exceptionnel, que nous devons savoir exploiter.

Cela dit, nous traversons effectivement une crise majeure, qui justifie les baisses des charges et les simplifications administratives que nous mettons en oeuvre. Les surfaces non agricoles sont source de complications extrêmes. Nous avons souhaité que les haies fassent partie des surfaces éligibles aux aides, afin que les agriculteurs ne soient pas incités à les arracher : elles constituent donc des surfaces non agricoles primables, au contraire des mares, des rochers ou des chemins, par exemple. Il est aujourd'hui nécessaire de refaire tout le parcellaire graphique en intégrant les haies, ce qui pose de nombreuses difficultés techniques et peut donc se révéler très fastidieux : au congrès de la Fédération nationale bovine, un agriculteur mayennais m'a expliqué qu'il avait 150 corrections à effectuer sur les six kilomètres de haies que compte son exploitation – il n'en pouvait déjà plus au bout d'une vingtaine de corrections ! Je comprends l'exaspération des agriculteurs, qui ont déjà bien d'autres problèmes. C'est pourquoi, afin d'éviter que de telles situations ne se reproduisent, nous avons simplifié les procédures, en faisant en sorte que seules les corrections ayant un impact sur le versement des aides soient à apporter dans l'immédiat, les rectifications moins importantes pouvant être effectuées ultérieurement, au moyen des déclarations Télépac habituelles – cela vaudra pour les cinq années à venir. Il est nécessaire de disposer de documents à jour faisant apparaître un tracé aussi précis que possible des haies, afin de pouvoir les produire à l'échelle européenne et ainsi permettre aux agriculteurs concernés de toucher des primes pour les surfaces correspondantes – de ce point de vue, c'est un progrès.

Les apurements qui ont eu lieu au cours des années passées portaient sur des erreurs de surface de l'ordre de 0,5 %. J'ai siégé au Parlement européen au sein de la commission du contrôle budgétaire, où l'on fait preuve d'une méfiance a priori à l'égard des attributions des aides européennes : le système de décharge budgétaire – la décision par laquelle le Parlement européen « libère » la Commission européenne de sa responsabilité dans la gestion d'un budget donné – impose au commissaire concerné de justifier que les aides qu'il a versées ont toutes été vérifiées. De ce fait, les contrôles deviennent exagérément poussés, et l'on en vient à des situations où il faut corriger des erreurs au mètre carré – le degré de précision des photographies satellite sur la base desquelles les plans parcellaires sont revus. Je vais m'efforcer de convaincre la Commission européenne de l'absurdité d'un tel système mais, pour le moment, les agriculteurs qui veulent toucher leurs aides doivent se plier aux règles définies au niveau européen – je le déplore, mais je suis moi-même coincé.

Pour ce qui est du décret, il va être envoyé à la Commission européenne. J'en ai discuté avec les commissaires, et leur ai fait part de mon souhait de procéder à une expérimentation en France, en dépit de leurs réticences quant au coût de cette mesure. Pour ma part, je ne suis pas sûr que ce coût soit si élevé qu'ils l'affirment.

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