Madame la présidente, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, Renault va bien ! Renault a réussi le renouvellement de sa gamme, avec des voitures qui plaisent manifestement. Nous en avons vendu plus de 2,8 millions en 2015, un record pour le groupe, et, grâce à la réussite de notre accord de compétitivité, nous avons maintenu tous nos sites industriels en France. Vous savez qu'il y avait au cours des années 2010-2011 beaucoup de doutes, surtout nourris par les difficultés de notre principal concurrent national. Comment allions-nous procéder ? Allions-nous effectuer des restructurations ? Grâce à cet accord de compétitivité, nous avons évité tout cela. Nous nous étions engagés à ne fermer aucun site industriel en France, et nous n'en avons fermé aucun ; grâce au talent et au travail de l'ensemble de nos équipes, le succès est au rendez-vous. Nous avons embauché, en 2015, en France, 2 000 collaborateurs : 1 000 en CDI dans nos usines et dans l'ingénierie et 1 000 jeunes sous contrat d'apprentissage. Nous venons d'annoncer la même chose pour cette année, ce qui est une bonne nouvelle alors que la courbe du chômage peine à s'infléchir.
Enfin, le groupe est financièrement sain et solide, avec une trésorerie nette positive depuis six ans, entièrement tournée vers son objectif de 2017 : un chiffre d'affaires de 50 milliards d'euros, avec une marge opérationnelle de plus de 5 %. Aujourd'hui, je peux donc dire que Renault est une belle entreprise, ancrée, évidemment, dans l'imaginaire national – dès que quelque chose touche Renault, cela prend tout de suite des proportions très importantes. La marque, aux racines françaises, est reconnue mondialement comme une marque française, et c'est la première marque automobile française. En même temps, elle se projette dans une économie mondialisée aux enjeux de plus en plus évidents.
Je propose de structurer cette intervention autour de trois axes. Je ferai d'abord un point rapide sur la stratégie et les perspectives de Renault, à la suite de nos résultats 2015 ; j'évoquerai ensuite les relations entre Renault et l'État actionnaire, plus particulièrement la montée provisoire de l'État dans notre capital ; j'évoquerai enfin l'innovation, puisque l'industrie automobile est en pleine évolution, en pleine révolution. Nous sommes bousculés par des tas de technologies, et si nous n'y sommes pas attentifs, si nous ne nous y préparons pas, les opportunités deviendront des risques.
Le 10 septembre 2014, une audition devant la commission des affaires économiques m'avait permis de constater que le groupe Renault est sorti plus fort de la crise économique et financière qu'il n'y était entré. Six années auparavant, en 2008, l'économie spéculative et les failles graves de la régulation avaient manqué d'emporter des pans entiers de l'économie réelle, au premier rang desquels l'industrie automobile. Partout dans le monde, les États se sont mobilisés pour préserver leurs industries automobiles nationales. Les États-Unis, le Japon, l'Allemagne, la France, tous l'ont fait – je m'appuie sur des faits pour l'affirmer. Renault et ses salariés ont alors pu compter sur le Gouvernement et le Parlement français.
Aujourd'hui, évidemment, vous pouvez compter sur Renault et sur ses salariés pour contribuer au développement de l'économie en France. Nos objectifs sont clairs. Il s'agit de conforter Renault comme première marque automobile française dans le monde, de positionner Renault de manière durable comme deuxième marque automobile en Europe, et d'installer l'alliance Renault-Nissan dans le « Top 3 » des constructeurs automobiles mondiaux – nous sommes aujourd'hui en quatrième position.
Les résultats sont aujourd'hui à la hauteur de nos espérances, grâce au renouvellement de la gamme et à une couverture géographique beaucoup plus équilibrée et beaucoup plus robuste. Nos résultats financiers pour 2015 sont positifs : plus de 45 milliards d'euros de chiffre d'affaires, soit une progression de 10,4 % – nous n'avons jamais connu cela d'une année normale à une année normale. Le profit opérationnel atteint le montant, inédit, de 2,3 milliards d'euros. Ses résultats commerciaux en 2015 ont permis à Renault de rester la première marque française, et je suis très confiant pour 2016, malgré la volatilité que nous connaissons actuellement. La croissance sera au rendez-vous sur le marché automobile mondial, quoique assez modeste. Nous attendons une progression du marché de 1 à 2 %, dont nos lancements de produits nombreux et variés ainsi que notre présence industrielle nouvelle en Chine nous permettront de capter une bonne part.
Permettez-moi de faire le point sur le renouvellement de notre gamme, qui est évidemment un élément clef pour la conquête de parts de marché. En 2015, nous avons lancé cinq nouveaux types de véhicules.
Vous en voyez certains rouler dans les rues de Paris : le nouvel Espace ; Kadjar, un crossover ; Talisman, le nouveau sedan de Renault. S'y ajoutent deux produits que vous ne voyez pas en France. Le premier est Kwid, voiture populaire en Inde, que nous vendons à moins de 4 000 euros au consommateur indien. Nous avons eu 100 000 commandes dès l'annonce de cette voiture ; Renault est pourtant une marque très peu connue en Inde, et venait d'y commencer son activité. Kwid est la nouvelle Logan, que vous avez connue il y a quinze ans. Eh bien, nous répétons l'expérience, avec un véhicule beaucoup plus compétitif, et beaucoup moins cher, essentiellement destiné aux pays émergents. Nous avons voulu la tester en Inde, et le résultat est fulgurant, puisque nos capacités de production sont bien inférieures aux 100 000 véhicules commandés. C'est une nouvelle aventure qui va commencer, car cette voiture est basée sur une plateforme révolutionnaire. Si elle est fabriquée en Inde, où se trouve l'ingénierie, elle va se répandre dans tous les pays émergents. Prochaine étape : le Brésil et l'Amérique du Sud. Ensuite ; l'Afrique et le Moyen-Orient, un espace qui, aujourd'hui, n'est occupé par personne. Enfin, avec Duster Oroch, Renault fait son entrée sur le marché des pick-up trucks – un énorme marché sur le plan mondial. Deux de ces nouveaux types de voitures lancés en 2015, l'Espace et le Talisman, véhicules haut de gamme, sont produits en France, à Douai.
En 2014, nous avions déjà lancé des voitures qui marchent très bien : la Clio IV, deuxième voiture la plus vendue en Europe ; Captur, qui est en tête de son segment en Europe, et, bien sûr, la Twingo III. La cadence n'a jamais été aussi intense chez Renault. Cela nous a demandé de démultiplier les efforts, mais cela en valait la peine et nous étions enfin prêts à le faire – et à le faire bien. En Europe, sur le marché du véhicule particulier, Renault affiche une croissance de 11,1 % et conserve sa position de leader sur le segment des citadines grâce aux succès de Clio et de Captur. Kadjar, qui est notre crossover du segment C, s'est déjà vendu à 50 000 exemplaires, et Talisman, très prometteur, vient d'être élu plus belle voiture de l'année 2015 en France – cela ne nous était pas arrivé depuis un certain temps. Quant à Kwid, je vous l'ai dit, avec 100 000 commandes, ses débuts sont très bons, et nous comptons évidemment développer ce véhicule à l'échelle mondiale.
L'année 2016 sera encore plus intense en matière de lancement de produits, avec dix nouveaux véhicules. Bien sûr, en Europe, ce sera le lancement de la nouvelle Mégane, qui est le coeur de notre offre, et du nouveau Scénic, que nous allons dévoiler au mois de mars à Genève. En Russie, nous continuons d'investir. Nous lançons un nouveau crossover ainsi qu'un nouveau véhicule sedan. Et, grâce à l'alliance Renault-Nissan, nous faisons notre entrée sur des segments porteurs, comme les crossover et les pick-up trucks. Un pick-up d'une tonne va être produit, aussi bien en Europe qu'en Argentine, et permettra à Renault de faire son entrée sur un segment très porteur.
Nous sommes de retour en Formule 1. Ce sera au coeur de nos efforts pour accroître la notoriété de notre marque, ce sera également un accélérateur de transferts de technologie, de la piste à la route. Pour une marque peu connue en Chine, en Inde, au Moyen-Orient, en Afrique, et qui est en train de se développer en Amérique du Sud, le meilleur vecteur en termes d'image de marque, de technologie et de fiabilité, c'est la Formule 1. Nous avons donc décidé de « mettre le paquet », avec une équipe 100 % Renault, et une technologie totalement contrôlée par Renault. Évidemment, nous allons mettre du temps à remonter sur le podium, constituer des équipes gagnantes prend du temps, mais nous sommes prêts à faire cet effort, qui n'est pas uniquement sportif et technologique, c'est aussi un effort de renforcement de notre gamme, de notre marque et de notre nom sur le plan mondial.
Hier, j'ai annoncé le retour d'Alpine, qui fait partie du patrimoine de Renault et permettra d'élargir l'offre du groupe et d'attirer de nouveaux clients, passionnés de sport automobile. La voiture que j'ai montrée hier est à plus de 80 % celle qui va être produite et que vous verrez sur les routes l'année prochaine ; la production commence en 2017, dans l'usine française de Dieppe.
Ce qui me paraît important, c'est que Renault est vraiment entré dans une phase de croissance soutenue, et ce pour plusieurs années. C'est le fruit non pas uniquement des efforts de 2014 et 2015, mais des efforts de plusieurs années qui ont précédé, dans des circonstances difficiles. Il fallait alors continuer d'investir sur la marque, sur la technologie, préparer le terrain, renforcer la compétitivité, sans en voir les résultats. Il y avait donc quand même beaucoup de doutes. Il fallait tenir bon, en attendant de voir les résultats au moment du lancement de ces nouveaux véhicules.
En 2005, Renault vivait essentiellement sur Mégane, en Europe. Je dirais même que Renault, c'était avant tout Scénic, en France : un produit, dans un pays. Pour le reste, nous ne gagnions pas notre vie. C'était à peu près ça, Renault. Et si nous avions « pris un coup » sur Scénic ou sur le marché français, nous aurions été en difficulté. Aujourd'hui, nous avons une offre beaucoup plus large, avec une gamme M0, basée sur Logan, Duster et Sandero, qui marche très bien, pas uniquement en Europe mais partout dans le monde ; une gamme AB Clio, Captur et Twingo, qui marche bien en Europe et dans tous les pays où ces véhicules sont exportés ; une gamme Mégane, dont vous allez voir les résultats cette année, puisque nous renouvelons Mégane – vous allez voir, en 2016 et 2017, l'effet de Mégane sur les comptes de Renault. On nous a beaucoup tancés sur le haut de gamme : nous n'aurions pas été capables, nous disait-on, d'être compétitifs ni de proposer des produits attractifs. Or nous arrivons avec l'Espace, qui marche très bien ; nous n'avons que le recul de quelques mois, mais c'est très bien parti. Talisman est bien accepté, et puis nous avons surtout une série de crossover tous très profitables, basés sur des plateformes de l'alliance Renault-Nissan, sans compter les pick-up trucks qui vont nous permettre de chatouiller des marchés et des segments sur lesquels nous n'avons jamais été présents.
En outre, l'Europe est très profitable. Le marché russe, pour sa part, a baissé de 50 % sur les trois dernières années, mais, auparavant, la Russie était notre marché le plus profitable : c'est là que nous faisions les marges les plus élevées, et c'était devenu un centre de profit très important pour Renault. L'Amérique du Sud est aussi un centre de profit très important, de même que la Corée. Et nous allons en Chine non seulement pour contribuer au développement du marché chinois, mais aussi parce que tous les constructeurs y ont des retours sur investissement exceptionnels.
Je pense pouvoir dire que c'est une période de croissance soutenue, sur plusieurs années, qui s'ouvre pour Renault, grâce à tous ces investissements. Évidemment, comme nous ne savons pas d'où viendra la prochaine crise, il est fondamental de ne dépendre ni d'un produit, ni d'un marché. Je vous rappelle que la Russie et le Brésil, actuellement en crise, étaient nos deuxième et troisième marchés il y a trois ans. Nos résultats 2015 sont bons malgré le fait que deux marchés sur lesquels nous avons beaucoup investi sont en pleine déconfiture, avec de fortes baisses – 35 % pour le marché brésilien, 50 % pour le marché russe – par rapport au niveau d'il y a trois ans. Malgré cela, le groupe tient le coup, il est sain financièrement. Quand ces marchés vont se redresser, parce qu'il ne fait aucun doute qu'ils se redresseront, nous allons rééquilibrer et ne pas trop dépendre de l'exploitation européenne ou nord-africaine – nous avons aussi des positions très solides en Afrique du Nord, de même qu'en Corée.
Le sens de l'histoire, pour les prochaines années, c'est sans aucun doute le renforcement de l'accès à l'automobile dans les pays émergents. En Eurasie, c'est-à-dire essentiellement en Russie et dans les pays limitrophes, notre part de marché a progressé, quand bien même les ventes baissaient. C'est très important : nous ne lâchons pas prise sur ces marchés. En Afrique, au Moyen-Orient et en Inde, nos immatriculations sont en hausse de près de 17 % ; nous n'y sommes pourtant pas particulièrement connus. En Inde, nous sommes d'ores et déjà la première marque européenne, grâce au premier succès de Kwid. En Asie-Pacifique, la Corée reste un point d'ancrage important pour Renault, et, évidemment, nous avons donné la priorité à la Chine. Nous avons commencé la production il y a quelques semaines, et pour nous la Chine ne représente que des opportunités. Les constructeurs qui s'inquiètent du ralentissement économique du pays sont ceux déjà présents sur le marché chinois. Pour Nissan, qui vend 1,250 million de voitures en Chine, le ralentissement du marché chinois est une préoccupation ; pas pour Renault. Nous y avons vendu 25 000 voitures l'an dernier, mais la Chine est un marché de 25 millions de voitures. Que ce marché progresse de 4 %, 6 % ou 8 % n'est pas un problème pour nous : un boulevard nous est ouvert et nous nous préparons à occuper une place croissante, avec une capacité de 150 000 voitures dans un premier temps – mais nous avons déjà des plans pour la doubler très, très vite, dès que nous verrons les résultats commerciaux de Kadjar, véhicule très prometteur, qui est la première voiture que nous lancerons en Chine.
La Chine est aussi un enjeu colossal pour le développement du véhicule électrique. Le gouvernement chinois a pris des positions extrêmement ambitieuses en matière de véhicules à énergie nouvelle, véhicules électriques et plug-in hybrid. Le plug-in hybrid est une voiture électrique avec un petit moteur qui permet d'augmenter l'autonomie de la voiture ; ce n'est pas vraiment un véhicule hybride, c'est beaucoup plus un véhicule électrique. Les Chinois veulent dépasser les 5 millions de véhicules électriques en circulation en 2020, ce qui est colossal quand on sait qu'il s'est vendu moins de 100 000 véhicules électriques – tout compris, en comptant les minibus, les utilitaires, etc. – en Chine en 2015. C'est en effet un domaine dans lequel nous sommes bien positionnés, puisque l'alliance Renault-Nissan est leader de la voiture électrique dans le monde. ZOE a été la voiture électrique la plus vendue en Europe, et nous sommes très contents de cette performance. Plusieurs États en Europe, la Norvège et la France notamment, sont en pointe sur le soutien à la voiture électrique, mais il circule beaucoup de bruits selon lesquels l'Allemagne va suivre, car les constructeurs allemands ont décidé de se mettre à la voiture électrique, et quand les constructeurs allemands commencent à développer une technologie, il y a souvent un appui public. Volkswagen, Mercedes, etc., ont tous annoncé des voitures électriques, et il commence à y avoir des pressions en vue d'une aide à la voiture électrique.
Notre stratégie internationale est parfois difficile à faire comprendre, à faire admettre. L'idée dominante, en effet, est que le gâteau est de taille fixe, et que si on met plus l'accent sur l'international, ce sera au détriment de l'Europe ou de la France. C'est complètement faux, mais quand nous le disons, nous ne sommes pas crus : il faut donc le prouver. Ce qui s'est passé en 2015 et ce qui va se passer en 2016 et 2017 l'illustrera : plus le groupe est fort à l'international, plus il renforce ses positions en France et plus il embauche en France. Il y a naturellement plus d'embauches d'ouvriers, car nous avons besoin d'assembler plus de voitures, mais il y a aussi beaucoup d'embauches dans l'ingénierie et dans le tertiaire.
En conclusion de cette première partie, je veux souligner que la France tient un rôle de premier ordre dans notre stratégie. Elle s'est renforcée grâce à l'accord de compétitivité que nous avons conclu. Cet accord a suscité doutes et scepticisme de la part d'un certain nombre de partenaires sociaux, mais il a tout de même été signé par la Confédération générale des cadres (CFE-CGC), la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et Force ouvrière (FO). Il engageait l'ensemble des salariés du groupe à des efforts, notamment en matière de modération salariale et de temps de travail – pour remonter à 35 heures hebdomadaires, car dans certains cas on était tombé en dessous de cette durée –, mais, en même temps, Renault prenait des engagements très forts sur des points qui préoccupaient l'ensemble du personnel. On s'inquiétait d'éventuelles fermetures d'usine ; nous avons promis qu'aucun site ne serait fermé. Nous avions aussi la volonté de « recharger » la France, de mettre encore plus de production en France et de maintenir un taux très élevé de travail dans nos centres d'ingénierie. Aujourd'hui plus de 75 % de nos coûts d'ingénierie sont en France. L'ingénierie mondiale de Renault est donc vraiment très dépendante de notre centre de Billancourt.
Notre production était tombée à 500 000 voitures par an. À la fin du plan, nous devions être à plus de 710 000 voitures en France. Sur l'année 2015, nous avons produit plus de 660 000 voitures ; autant vous dire que nous dépasserons largement les 710 000 voitures en France en 2016, alors que nous nous étions engagés à atteindre cet objectif en 2017, puisque c'est l'année de la fin du plan. Bien sûr, ce sont là les efforts propres de la marque, qui est en train de se développer, mais nous n'avons pas hésité, non plus, à signer des contrats avec de nombreux partenaires qui voient en Renault un constructeur capable, fort d'une technologie mais aussi d'une production de très haut niveau. Non seulement les productions confiées par Nissan à l'usine de Flins représenteront plus de la moitié de son activité, mais nous produisons aussi, pour Daimler, le Citan, qui est en fait un produit dérivé du Kangoo, un petit véhicule utilitaire (VU), et nous produisons aussi du VU pour General Motors. Nous avons annoncé ce matin que, à la suite d'un contrat, l'usine de Sandouville produirait aussi du VU pour Nissan, mais il n'y a pas que cela. Certes, cela a beaucoup renforcé notre production en France, mais n'oublions pas la croissance de la marque Renault en Europe, qui est essentiellement alimentée par les usines françaises. Signalons au passage que l'usine de Cléon a aussi beaucoup progressé au cours des dernières années, et plus de 50 % de sa production, tous les moteurs et pièces techniques de voitures, sont destinés à nos concurrents.
Je vous ai parlé des embauches. En 2016, nous allons continuer : 1 000 embauches en CDI et 1 000 apprentis. Il s'agit de renforcer les forces existantes mais aussi d'embaucher beaucoup de compétences nouvelles. De plus en plus, nous avons besoin d'ingénieurs versés dans l'électronique, dans le software, dans tout ce qui ressort de la computer science : la voiture sera de plus en plus bardée d'équipements basés sur des softwares – cela vaut pour la voiture autonome, pour la voiture connectée et en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de polluants.
Notre accord de compétitivité, équilibré, est en fait une preuve de la vitalité du modèle social de notre groupe ; nous avons toujours été un peu un laboratoire, nous avons été le premier groupe à signer un accord de compétitivité, et celui-ci est une réussite. J'ai déjà pris contact personnellement avec l'ensemble des leaders syndicaux qui ont des représentants chez Renault, pour leur dire que nous avons la ferme intention de recommencer. Nous voulons mettre à profit l'année 2016 pour mettre sur la table les préoccupations qui existent au sein de l'entreprise, ainsi que ce dont elle a besoin pour continuer sur sa lancée dans les trois prochaines années. Essayons de refaire un contrat de compétitivité, cette fois sur les années 2017 à 2019, avec des engagements très clairs et assumés de part et d'autre, qui nous garantissent une paix sociale et un horizon dégagé grâce auxquels tout le monde travaillera dans la même direction.
Les efforts consentis par tous les salariés français de Renault ont donc porté leurs fruits. Ces bons résultats dont les salariés sont la cheville ouvrière nous ont permis d'augmenter cette année l'intéressement de 46 %. Nous sommes très responsables, notamment en termes de salaires, mais quand les résultats sont au rendez-vous, l'intéressement est beaucoup plus élevé, car il est lié aux résultats.
J'en viens à la relation de Renault avec l'État actionnaire, qui, depuis la montée provisoire de l'État au capital de Renault, le 8 avril dernier, a défrayé la chronique. Je serai rapide, car cet épisode est désormais derrière nous. Pour mémoire, le conseil d'administration de Renault ne s'est pas opposé à l'application de la loi « Florange », qui a certes instauré le principe d'un droit de vote double, mais a également prévu la faculté de neutraliser l'application de ce principe au moyen d'une modification des statuts par l'assemblée générale des actionnaires.
Le conseil d'administration de Renault a considéré que l'intérêt social de Renault dans l'alliance conduisait à maintenir le principe des droits de vote simples. Faisant une juste application de la loi « Florange », il a proposé à l'assemblée générale des actionnaires du 30 avril 2015 d'adopter une résolution en ce sens. L'assemblée générale a approuvé à 60,53 % des votes exprimés le maintien des droits de vote simples chez Renault, mais la loi imposait une majorité qualifiée des deux tiers pour faire échec aux droits de vote double. Ceux-ci ont donc été adoptés chez Renault avec 39,47 % des suffrages seulement, ce qui n'a été rendu possible que par la montée provisoire de l'État au capital de Renault. Cette situation était intenable en matière d'équilibre historique de l'alliance, et du point de vue de la démocratie actionnariale. En effet, dans les accords fondateurs de l'alliance, l'équilibre entre Renault et Nissan est assuré par la limitation des droits de vote de l'État, contrepartie historique de la neutralisation des droits de vote de Nissan chez Renault.
L'accord de stabilisation acté par le conseil d'administration de Renault le 11 décembre 2015, à l'unanimité des participants, peut être résumé comme suit : conformément aux souhaits de l'État actionnaire, le principe des droits de vote double est maintenu au sein de Renault ; conformément aux souhaits de Nissan, les droits de vote de l'État actionnaire au sein de Renault sont plafonnés à 17,9 %, c'est-à-dire au niveau antérieur à sa montée provisoire au capital de Renault, mais ce plafond peut évoluer jusqu'à 20 % en cas de participation exceptionnelle constatée en assemblée générale : c'est-à-dire que nous avons pris la participation normale, historique, mais, s'il devait y avoir des évolutions importantes, la part de l'État monterait en conséquence. Nous avons acté aussi la non-interférence de Renault dans la gouvernance de Nissan, conformément à la pratique de Renault depuis 1999 – ce qui était auparavant un gentleman's agreement fait maintenant partie de l'accord. Ce dispositif de stabilisation prend juridiquement la forme de deux contrats : le premier, entre Renault et Nissan, qui modifie le contrat fondateur de l'alliance, porte sur la non-interférence de Renault dans la gouvernance de Nissan ; le second, entre l'État et Renault, porte sur le plafonnement des droits de vote de l'État, dont la sécurisation nécessitait une modification de l'arrêté du 16 avril 1942 relatif à la gestion des titres appartenant à l'État. Ces dix mois ont été très longs, mais ils ont été très utiles, parce que nous pouvons dire que tout cela est maintenant derrière nous et nous concentrer sur la croissance de Renault et le renforcement d'une alliance qui, à mon avis, a déjà prouvé sa solidité ; nous l'avons conclue en 1999, et nous sommes toujours là dix-sept ans après. Cette alliance est considérée par les deux parties, sans aucun doute, comme une association extrêmement positive pour l'une comme pour l'autre. Les récents accords ont permis de lever des incompréhensions entre l'État actionnaire, Renault et son partenaire Nissan, de faire la pédagogie, auprès de l'État actionnaire, de la réalité, de la vitalité et de l'équilibre subtil de l'alliance entre Renault et Nissan et, enfin, de conclure un accord de stabilisation utile à l'alliance Renault-Nissan.
Aujourd'hui quatrième constructeur mondial, nous avons l'ambition d'être dans les trois premiers. En effet, Renault connaît une période de croissance forte, qui devrait se poursuivre au cours des trois ou quatre prochaines années, et Nissan connaît la même dynamique. Voyons cela à la lumière de toutes les tentatives d'alliance dans l'industrie automobile qui ont échoué ! Je songe notamment à Daimler, avec qui un partenariat stratégique est noué. Ils ont été les premiers à faire une consolidation en s'alliant avec Chrysler, puis avec Mitsubishi. Cela a abouti à une destruction de valeur massive et l'alliance s'est disloquée. D'une certaine manière, le succès de l'alliance Renault-Nissan repose sur l'échec de l'alliance Renault-Volvo, qui a été très fortement ressenti au niveau de Renault : lorsqu'une nouvelle opportunité s'est présentée, Renault était muni des antidotes nécessaires et pouvait repartir du bon pied.
J'en viens à l'innovation. L'alliance Renault-Nissan consacre à la recherche-développement et à l'investissement un budget annuel de plus de 10 milliards d'euros. C'est une des principales forces de frappe de l'industrie automobile, et le véhicule électrique en est la meilleure illustration : nous avons été les premiers à nous lancer, nous n'avons pas hésité à investir plus de 4 milliards d'euros depuis 2008 et, aujourd'hui, nous sommes le numéro un mondial. Un véhicule électrique sur deux dans le monde provient de l'alliance – ZOE et Kangoo du côté de Renault, LEAF et NV200 du côté de Nissan –, et nous sommes à l'offensive sur tous les marchés. La France, grâce à l'action cumulée de l'État pour soutenir le développement des infrastructures de charge et à l'aide à l'achat, est devenue le deuxième marché européen en 2015, derrière la Norvège. C'est évidemment très bon pour nous, puisque ZOE est ainsi devenue la voiture électrique la plus vendue en Europe. Pour nous, la voiture électrique est plus que jamais une priorité. Les investissements en cours vont permettre de doubler l'autonomie avant 2020. En même temps, le développement des infrastructures de charge va éliminer un des principaux motifs pour lesquels un client hésite à acheter une voiture électrique. Bien sûr, la baisse du prix de ces voitures joue aussi, puisqu'avec le développement de l'offre, les fournisseurs deviennent plus performants et nous-mêmes sommes capables d'étaler nos coûts sur un nombre plus élevé de voitures et donc de baisser les prix.
L'innovation en matière de véhicule autonome va également se poursuivre dans le cadre de l'alliance. Celle-ci a annoncé le lancement de plus de dix véhicules équipés à des degrés divers de la conduite autonome d'ici à 2020. Attention : un véhicule autonome n'est pas un véhicule sans chauffeur ; il y a quelqu'un dans la voiture, mais cette personne décide quand elle veut conduire ou pas. Beaucoup de gens pensent que nous allons enlever le plaisir de conduire. Ce n'est pas vrai : vous conduisez votre voiture, et quand vous n'avez plus envie de conduire, vous abandonnez les commandes. C'est un enjeu technique important et le développement sera progressif. En 2016, des systèmes d'autonomie permettront le contrôle de voie unique, qui permet de rouler de façon autonome et sans risque sur l'autoroute. En 2018, les technologies évolueront vers le contrôle de voies multiples, qui permet de négocier automatiquement, en fonction des besoins, les changements de voie sur les autoroutes. En 2020, le véhicule sera complètement autonome, y compris dans les intersections en ville, sans intervention du conducteur. C'est évidemment beaucoup plus compliqué, mais, en 2020, la technologie sera prête. Le régulateur le sera-t-il ? Dans de nombreux pays, la voiture autonome n'a pas de sens pour une raison très simple : la législation impose que le conducteur ait les mains sur le volant et le regard sur la route. Dans ces conditions, l'autonomie de la voiture n'apporte rien du tout. Il faut donc une évolution de la réglementation.
La voiture connectée est un deuxième enjeu technologique. Cette année, les nouveaux services connectés automobiles pour les smartphones permettront de simplifier le rapport entre le client, le véhicule et la marque. L'an prochain, la première gamme de systèmes multimédias de l'alliance verra le jour, avec les systèmes multimédias de navigation les plus modernes et une intégration complète des smartphones. En 2018, le lancement de la plateforme internet et connectivité de l'alliance offriront aux clients, particuliers et entreprises, de nouveaux services, un assistant personnel virtuel et des mises à jour en temps réel des itinéraires. Enfin, en 2020 et au-delà, les nouvelles technologies de connectivité en mode eyes off – vous n'avez même plus besoin de regarder ce qui se passe – permettront véritablement de mettre à profit le temps libre en voiture. Notre objectif est plus que jamais de développer des voitures innovantes, accessibles à tous.
Tout au long de cette présentation, je vous ai un peu parlé, d'une certaine manière, de patriotisme économique, qui a mû les États depuis le choc des révélations concernant Volkswagen par l'administration américaine. Les gouvernements se sont mobilisés derrière leurs constructeurs, et pas seulement aux États-Unis et en Allemagne, car les enjeux économiques sont colossaux et des milliers d'emplois sont concernés. Je voudrais saluer le travail de la commission technique indépendante (CTI), dite « commission Royal », qui a pu établir sans délai, sur la base des premiers tests effectués, que Renault n'a pas équipé ses véhicules de logiciels de fraude. Renault respecte la réglementation et les normes en vigueur. Nous le savons et nous l'avions dit, mais il est fondamental qu'une autorité extérieure, de surcroît la seule à pouvoir se prononcer, le dise aussi. Au total, sur cent véhicules testés aléatoirement, ce sont, compte tenu de notre part de marché, vingt-cinq véhicules Renault qui ont été passés au crible.