Merci, tout d'abord, monsieur le président-directeur général, pour votre analyse très complète, qui éclaire nos commissions, à la fois sur la conjoncture du marché automobile et sur l'évaluation des objectifs stratégiques de Renault. Je retiens de ce panorama deux principaux éléments.
Le premier est votre avance, qu'il faut conforter, certes, sur la feuille de route initiale, qu'il s'agisse du taux de marge opérationnel, des perspectives de recrutement, que vous avez évoquées, et du lancement de nouveaux produits, de nouveaux véhicules – et n'oublions pas les coopérations industrielles. Le second est que la méthode de l'accord de compétitivité, fondée sur le dialogue social et le respect des engagements, est un atout pour l'entreprise, pour l'économie et pour l'emploi.
Dirigeant le groupe depuis plus de dix ans, vous disposez du recul nécessaire pour évaluer l'impact de vos décisions et de vos choix. C'est cette dimension du temps long, indispensable à l'innovation et à l'industrie – les défis technologiques que vous avez évoqués le montrent – que je veux aborder.
Une remarque, tout d'abord, que je formule en tant que rapporteur spécial du compte d'affectation spéciale « Participation financières de l'État ». Vous avez évoqué les relations entre le constructeur et l'État actionnaire. Il me semble que la cause de l'industrie et l'intérêt général font de cette dimension du temps long une exigence que doivent partager à la fois les entreprises et la puissance publique. C'est pourquoi le législateur, parmi de nombreuses autres décisions en faveur de la compétitivité des entreprises, qui a voulu instaurer des droits de vote double pour les actionnaires de long terme – le rapport Gallois, rendu à l'automne 2012, le préconisait d'ailleurs. L'équilibre de l'alliance Renault-Nissan n'en était pas affecté ; d'ailleurs, en 2002 l'État disposait de plus de 40 % du capital… L'État est au capital de cette très grande entreprise, de ce fleuron qu'est Renault, depuis 1945, il a d'ailleurs été aux côtés du constructeur dans toutes les périodes, vous l'avez indiqué – les bonnes périodes comme les périodes plus difficiles. Vous avez notamment rappelé que l'État avait apporté son soutien – c'était nécessaire – au constructeur lors de la crise de liquidités de 2008-2009, et vous l'aviez aussi évoqué lors de notre précédent échange, en 2014. Je crois donc que c'est un atout pour une entreprise et ses salariés que de disposer d'un actionnaire de long terme, qui s'engage, c'est au fond le sens de l'accord de stabilisation de la fin de l'année dernière. Et j'ai aimé vous entendre parler de patriotisme économique.
Une autre dimension qui met en jeu le souci de l'avenir, c'est la transition énergétique. En matière de transports, la stratégie nationale « bas carbone » pour la période 2015-2028 prévoit une réduction de 29 % des émissions de gaz à effet de serre (GES). Des objectifs forts, un calendrier de moyen et long terme correspondent aussi au temps stratégique des grandes entreprises. Au-delà des éléments que vous nous avez donnés, comment Renault prépare-t-il cette mutation absolument inédite ? Comment envisagez-vous l'évolution à l'horizon 2030 de la part des véhicules propres dans la production globale de Renault, l'entreprise ayant, j'y insiste, fait avant d'autres le pari du véhicule électrique ? C'est un enjeu majeur pour l'environnement, pour l'investissement et pour l'emploi. Je pense notamment aux savoir-faire de l'usine de Cléon, que je connais bien et à laquelle vous avez fait allusion. Elle produit entre autres le moteur de la ZOE, performance technologique rendue possible par le temps long.