Madame la présidente, madame la présidente et madame la rapporteure de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure pour avis de la commission des lois, mesdames et messieurs les députés, ce dernier examen de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant marque l’aboutissement d’un long travail parlementaire, fourni et passionnant.
Il me donne l’occasion de remercier tout d’abord les initiatrices de ce texte, Michèle Meunier et Muguette Dini, les deux sénatrices qui, par leur important travail d’audition des acteurs de la protection de l’enfance, d’analyse de la mise en oeuvre de la loi de 2007, puis, de rédaction de leur proposition de loi, ont donc été à l’origine de notre travail.
Je tiens à remercier aussi l’ensemble des parlementaires pour leur engagement sur ce texte qui, à bien des égards, n’a pas été facile en raison de son sujet – la protection de l’enfance – qui mobilise de nombreux affects, qui nous oblige à questionner nos a priori, nos inconscients, et qui aborde parfois ce qui relève de l’indicible.
Il n’a pas été facile non plus en raison de sa complexité et de la diversité des sujets abordés : la protection de l’enfance est une politique publique à la fois interministérielle et décentralisée qui mobilise, de près ou de loin, de très nombreux acteurs qui manifestent des attentes fortes vis-à-vis de l’État quant à sa responsabilité à l’égard des enfants les plus vulnérables.
C’est une question qui a donné lieu à quelques désaccords, dont certains ont d’ailleurs été très utiles au débat. Mais, malgré les désaccords, malgré les approches parfois partisanes, ou défensives, nous nous sommes collectivement efforcés de rechercher le meilleur intérêt de l’enfant. C’est l’angle que nous avons choisi pour ce texte ; c’est l’objectif qui nous a rassemblés.
Il fallait, pour réformer la protection de l’enfance, opérer un changement de perspective et accepter de centrer l’intervention sur la prise en compte des besoins de l’enfant. C’est l’attention portée à l’enfant qui devra permettre de modifier les logiques habituellement à l’oeuvre, encore trop souvent dominées par les prérogatives parentales ou institutionnelles. Mais c’est aussi l’attention portée à l’enfant qui devra faciliter le travail avec les parents et la prise en compte de leurs difficultés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives.
Plus largement, je travaille à ce que ce changement de regard sur l’enfance se traduise dans d’autres politiques publiques et que cette philosophie, qui place l’enfant, la multiplicité de ses besoins et son parcours au centre de toute action institutionnelle le concernant, puisse être retenue comme une nouvelle étape importante de la reconnaissance des droits de l’enfant. L’action menée en faveur de la protection de l’enfance a d’ailleurs été saluée comme une avancée importante par le comité des droits de l’enfant de l’ONU, qui a récemment rendu ses observations concernant le cinquième rapport de la France.
Je retiens enfin de ce texte la volonté politique de voir notre ambition partagée se traduire concrètement et rapidement dans le quotidien des enfants accompagnés en protection de l’enfance. Il nous appartient de faire vivre la réforme, une fois la loi promulguée, et de poursuivre la réflexion et l’échange dans le cadre de la mise en oeuvre de la feuille de route pour la protection de l’enfance. Vous le savez, de nombreuses mesures réglementaires et de soutien aux pratiques professionnelles y sont identifiées pour accompagner la mise en oeuvre de la loi. Des outils et des repères seront proposés aux professionnels. C’est dans ce sens que nous travaillons actuellement à la préparation des décrets, dans une démarche réaliste de prise en compte des besoins des enfants, mais aussi des professionnels qui les accompagnent.
Cette réforme de la politique publique de protection de l’enfance est forte de la démarche de coconstruction, de laquelle elle est issue. Le nombre important d’acteurs qui se sont exprimés dans le cadre de la concertation, la prise en compte de la parole des anciens enfants de l’Aide sociale à l’enfance, ainsi que de leurs parents, et l’échange permanent dans le cadre de groupes de travail et de suivi, nous a permis d’élaborer une feuille de route portée conjointement par le politique, la puissance publique et celles et ceux qui la mettent en oeuvre au quotidien.
Cette réforme s’inscrit dans une démarche réaliste qui vise son appropriation la plus large possible par les professionnels de terrain. Elle répond à leurs attentes de cadre, de visibilité et de reconnaissance. Elle fixe les objectifs communs, mais s’attache aussi à l’identification de leviers d’action favorisant la traduction concrète de ces belles intentions. C’est pourquoi la feuille de route, qui constitue le volet non législatif de la réforme, comprend aussi un ensemble de dispositions sur la formation, la recherche et l’amélioration de la gouvernance, qui est certainement l’un des enjeux majeurs de la réforme.
L’affirmation d’un État partenaire, qui trouve sa juste place aux côtés des départements, d’un État garant de la protection des plus vulnérables et de l’égalité de traitement sur son territoire, et l’organisation du décloisonnement des interventions sont autant de principes qui ont conduit à la proposition de création d’un Conseil national de la protection de l’enfance auprès du Premier ministre, une instance à la fois interministérielle et opérationnelle. Les observatoires départementaux et l’Observatoire national de l’enfance en danger – ONED –, dont les missions et les prérogatives sont renforcées, participeront eux aussi de cette gouvernance renouvelée et affineront notre connaissance et notre appréhension des besoins des enfants, donc des meilleures réponses à leur apporter.
Le travail d’évaluation partagée, que j’ai conduit avec les parlementaires et l’ensemble des acteurs de la protection de l’enfance à l’occasion de cette réforme, doit se poursuivre pour que la dynamique de travail s’installe dans la durée et que les mesures prises se traduisent par de réelles avancées pour les enfants.
Je suis, vous le savez, très attachée à de nombreuses mesures contenues dans la loi, des mesures souvent innovantes et de justice sociale. Je pense à toutes les mesures prises pour faciliter la transition vers l’âge adulte et permettre aux jeunes de l’Aide sociale à l’enfance – ASE – de bénéficier des dispositifs de droit commun, en matière de logement et d’emploi, notamment. Les protocoles prévus par la loi et le projet d’accès à l’autonomie devront permettre la mobilisation des garanties jeunes, du service civique et de tous les moyens utiles au soutien de leur réussite.
Le versement direct de l’allocation de rentrée scolaire au jeune à ses 18 ans est, vous le savez, une mesure à laquelle je suis personnellement très attachée, et que je continuerai bien entendu à défendre lors de cette lecture définitive. Parce que la sortie du dispositif est souvent brutale, parce qu’elle peut laisser le jeune dans une situation de complet dénuement, l’allocation de rentrée scolaire constituera un petit pécule, un filet de sécurité, pour démarrer dans la vie d’adulte. Mesure de justice sociale, elle est aussi un geste symbolique, témoignant de la confiance de l’institution et de sa volonté d’accompagner le jeune vers l’autonomie.
Plus généralement, des pistes de travail sont ouvertes par cette loi pour mieux mobiliser les ressources de l’environnement des enfants, depuis la prévention jusqu’aux mesures de substitution parentale. Des mesures sont prises pour limiter les ruptures dans leurs parcours et poursuivre les efforts de lutte contre la maltraitance. Ces pistes se prolongent dans les actions de la feuille de route et devraient permettre, si les acteurs s’en emparent, de se dégager des carcans institutionnels pour inventer de nouvelles réponses, en s’appuyant davantage sur les solidarités de proximité.
Les réponses à la pluralité des besoins des enfants, nous avons aussi été les chercher là où elles étaient. Dorénavant, les ressources de l’environnement de l’enfant, toutes les personnes qui comptent pour lui, seront intégrées au projet pour l’enfant, mais aussi aux démarches de prévention, dans le cadre notamment des réseaux de solidarité.
Mesdames et messieurs les députés, je ne vous ferai pas l’inventaire des 101 mesures de la feuille de route, que beaucoup d’entre vous connaissent déjà, pour m’avoir longuement entendue les exposer. J’insiste seulement sur le fait que le vote d’aujourd’hui ne signifie en rien l’arrêt de la démarche. Aujourd’hui est franchie une étape fondatrice de la réforme de la protection de l’enfance, mais nous continuerons de travailler au quotidien avec les élus, particulièrement avec les départements, et avec les professionnels, pour mettre en oeuvre concrètement l’ensemble de ces mesures.
Je crois, pour terminer, que nous pouvons être fiers d’avoir fait de l’enfance un sujet de débat et d’attention du Parlement et d’avoir permis à la protection de l’enfance de sortir de l’angle mort des politiques publiques.