Les rapports que j’ai évoqués rappellent que beaucoup d’entre elles n’apportent rien au justiciable ou à la sauvegarde des libertés et, dans tous les cas, ces lourdeurs rendent notre procédure incohérente et incompréhensible pour nos concitoyens, lesquels finissent par l’estimer, à tort, déconnectée de la réalité. Pis encore, elles peuvent même finir par créer une insécurité juridique démobilisatrice. En tout état de cause, elles gaspillent un temps précieux, qui pourrait être consacré à l’examen des dossiers.
Ce texte donne donc l’occasion de combattre cette situation. Il ne suffira pas à lui seul, mais j’ai bien l’intention, par tous les moyens législatifs ou réglementaires, d’y revenir dans les prochains mois.
Concrètement, dans ce texte, nous ouvrons déjà, par exemple, la possibilité de faire procéder à la convocation en justice par le délégué du procureur. Cela fera gagner plusieurs mois en évitant une nouvelle transmission du dossier aux enquêteurs pour convocation de l’intéressé, leur permettant ainsi de se concentrer sur leur travail d’enquête.
Nous étendons la possibilité de recourir à la visioconférence pour limiter les transfèrements de personnes détenues lorsque ce n’est pas nécessaire. Ce sera un gain notable de coût et de temps de travail pour les forces de sécurité, qui n’auront plus à organiser des escortes.
Nous simplifions la possibilité, en matière de peines, de prononcer des mesures de travail d’intérêt général, même en l’absence du prévenu à l’audience, lorsque celui-ci a donné son accord et qu’il est représenté par son avocat.
Mais, dans le même temps, à côté de ces simplifications, nous vous proposons de renforcer les garanties dans la procédure pénale, en assurant notamment la place du contradictoire. Depuis vingt ans, l’évolution des pratiques et des textes a consacré un accroissement progressif des enquêtes dirigées par le procureur de la République par rapport à celles confiées au juge d’instruction. Or, ces enquêtes se caractérisent par une présence moindre de l’avocat au cours de la procédure et par l’absence de contradictoire, c’est-à-dire d’accès au dossier et de possibilité de produire des observations.
Si cette situation ne soulève pas de difficultés dans les affaires les plus simples, où les faits sont souvent reconnus, elle n’est plus satisfaisante dans les affaires plus complexes. Le moment est donc venu de renforcer le contradictoire et la présence de l’avocat dans la procédure, et de créer des mesures renforçant la possibilité d’exercer des recours.
Ainsi, l’accès au dossier sera possible, pour le justiciable mis en cause ou pour son avocat, dans les enquêtes dirigées par le procureur, avant l’engagement des poursuites.
De même, la présence de l’avocat sera garantie, lors des reconstitutions et des séances d’identification des suspects.
Nous instaurons, pour les personnes placées en garde à vue, un droit de communication avec les tiers – sauf, bien entendu, en cas d’incompatibilité avec les objectifs de l’enquête.
Nous généralisons la possibilité d’exercer un recours en l’absence de réponse à une demande, quelle qu’elle soit, dans un délai de deux mois – ce qui sera donc applicable en matière de saisie, de contestations concernant les fichiers ou de permis de visite.
Nous créons une procédure de référé-restitution visant à obtenir en urgence la restitution d’un bien saisi lorsque le maintien de la mesure causerait un préjudice irrémédiable dans l’exercice d’une activité professionnelle.
Enfin, le texte comporte des garanties sur les délais de détention provisoire et sur la présentation dans les plus brefs délais, dans le cadre d’une garde à vue, devant le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction, qui pourra ordonner la remise en liberté, ce qui respecte évidemment, et j’espère que vous y serez sensibles, les exigences de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Je veux encore citer l’encadrement des perquisitions susceptibles de porter atteinte au secret du délibéré, afin de respecter les exigences constitutionnelles, résultant de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité le 4 décembre 2016, ou les dispositions relatives aux garanties en matière de droit de la défense exigées par la transposition de la directive du 22 octobre 2013 relative au droit d’accès à un avocat.
Un dernier mot sur la modernisation des techniques spéciales d’enquête. Nous répétons souvent dans cet hémicycle qu’il faut en permanence adapter notre réponse face à l’évolution des réseaux criminels. Certaines critiques évoquent à ce propos l’insécurité juridique ou l’instabilité que cela peut générer, mais je ne les pense pas fondées. En effet, si nous ne prenons pas en compte l’évolution des moyens technologiques et nous considérons le droit comme intangible, nous finirons comme le chêne qui se déracine, alors que nous devons être comme le roseau qui résiste.
C’est donc pour qu’il y ait une réponse toujours plus efficace que ce texte propose, par exemple, de permettre au procureur de procéder aux premières vérifications utiles et de corroborer les premiers soupçons pour saisir utilement le juge d’instruction : cela évitera notamment d’engorger inutilement les cabinets d’instructions si les interceptions décidées ne débouchent sur rien.
Mesdames et messieurs les députés, nous poursuivons un objectif commun : consolider, adapter, parfaire notre État de droit. C’est un travail exigeant, semblable à ce qu’est, dans l’univers de la musique, la recherche de l’harmonie ou de l’accord « juste », au double sens de « justice » et de « justesse ». Personne n’a la solution pour y parvenir avec certitude. C’est donc à un travail collectif que je vous invite.
Victor Hugo disait que la conscience est la loi intérieure et que la loi est la conscience extérieure. C’est avec cette conscience que nous saurons construire la loi dont nous avons besoin.