Intervention de Pascal Popelin

Séance en hémicycle du 2 mars 2016 à 21h30
Lutte contre le crime organisé le terrorisme et leur financement — Article 19

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Je reprendrai les termes employés par le Premier ministre : « Aux avant-postes de la République, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, 365 jours par an, les forces de l’ordre exposent leur vie au quotidien. En 2014, 5 834 policiers ont été blessés en mission de police. 1 769 gendarmes l’ont été par agression. Les atteintes graves à leur intégrité physique, par arme à feu ou par arme blanche, atteignent des niveaux inacceptables. »

Mes chers collègues, l’objectif de cet article n’est en rien de donner aux forces de l’ordre un permis de tuer. Il ne s’agit pas non plus de les insécuriser par une présomption de légitime défense qui paraîtrait à première vue protectrice, mais qui serait battue en brèche par la jurisprudence nationale et conventionnelle. En revanche, nous voulons leur donner les moyens de s’adapter à une menace qui évolue, en particulier lors des périples meurtriers comme à l’occasion des attentats de novembre.

Le I de l’article 19 crée un nouvel article L. 434-2 du code de la sécurité intérieure instituant un nouveau régime d’irresponsabilité pénale en raison de l’état de nécessité. Cette insertion dans le code de la sécurité intérieure plutôt que dans le code pénal se justifie par le fait que le dispositif proposé est une doctrine d’emploi de la force armée propre aux forces de l’ordre.

Ce régime bénéficie aux fonctionnaires de la police nationale et aux militaires de la gendarmerie nationale qui font un usage de leur arme rendu absolument nécessaire pour empêcher l’auteur d’un ou plusieurs homicides volontaires ou tentatives d’homicides volontaires dont il existe des raisons réelles et objectives de penser qu’il est susceptible de réitérer d’autres crimes dans un temps rapproché.

Ces dispositions répondent aux exigences conventionnelles et constitutionnelles. En effet, la Cour européenne des droits de l’homme juge qu’en principe, il ne peut y avoir nécessité absolue de mettre en danger les vies humaines que lorsque la personne qui doit être arrêtée représente une menace pour la vie ou l’intégrité physique de quiconque et qu’elle est soupçonnée d’avoir commis une infraction à caractère violent. De même, la Cour a été amenée à juger l’usage de la force meurtrière compatible avec l’article 2 de la convention européenne des droits de l’homme s’il existe « une menace réelle et sérieuse pour la vie ».

Le II de l’article 19 complète l’article L. 4123-12 du code de la défense pour prévoir l’application du I aux militaires des formes armées déployés sur le territoire national dans le cadre des réquisitions légales pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles.

Le III complète l’article 56 du code des douanes pour appliquer aux agents des douanes les dispositions du I.

Voilà pourquoi je souhaite le rejet de ces amendements de suppression de l’article 19. On peut probablement améliorer encore la rédaction de cet article, mais sa suppression constituerait à mon sens une erreur grave.

Lors de l’examen du texte en commission, nous avons déjà adopté un amendement apportant des précisions destinées à éclairer les raisons réelles et objectives pouvant conduire à justifier l’usage des armes dans le cadre du nouvel état de nécessité. L’appréciation faite par le fonctionnaire de police ou le militaire de gendarmerie au moment du tir doit prendre en compte à la fois des circonstances de la première agression, du caractère déterminé de leur auteur et de ses motivations, de la certitude d’une réitération des homicides ou tentatives d’homicides dans un temps rapproché, et de la nécessité de faire obstacle à la réitération.

Vous le voyez, nous sommes loin des possibilités d’ouvrir le feu dans n’importe quelles conditions. Nous répondons à des situations précises, qui ont été vécues, et qui posent des problèmes de droit que nous nous efforçons de résoudre, avec le souci d’apporter tant aux policiers qu’aux citoyens toutes les garanties nécessaires…

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