Monsieur le ministre, je voudrais faire quelques réflexions pour nourrir ce débat qui me semble structurant, et face auquel nous sommes dans l’incapacité de penser.
Premièrement, je me souviens que, lors de l’examen de la loi relative à la rétention de sûreté, sous la précédente législature, certains ne comprenaient pas, au départ, que cette loi concernait les pervers. La perversion est une structure mentale, et non une maladie au sens médical du terme. Le pervers a une organisation psychique qui fait qu’il est pervers. Il est capable d’attendre vingt ou trente ans en prison et, une fois sorti, de commettre les mêmes actes, avec la totale absence d’empathie qui caractérise cette structure mentale.
Deuxièmement, j’ai à l’esprit une émission de France Culture qui présentait dernièrement un ouvrage sur les crimes de guerre, qui indique que tous les individus, même dans des conditions extrêmes, ne passent pas à l’acte de manière violente.
Troisièmement, j’ai eu l’occasion, dans l’exercice de ma profession et en parcourant les centrales de France, de rencontrer des individus qui, pour moi, ont une structuration psychique qui n’est heureusement pas celle de la majorité de la population. Tout le monde ne devient pas terroriste ; tout le monde ne passe pas forcément à l’acte ; tout le monde n’a pas forcément une absence d’empathie pour l’autre.
En conséquence, même si l’amendement qui vous est présenté va, sur le plan juridique, à l’encontre du droit français existant, il n’en répond pas moins à un impératif majeur, qui est que tout individu n’est pas accessible à la rédemption. Je sais que c’est difficile à entendre, mais si tout individu n’est pas destiné à passer à l’acte, ceux qui le font ont un fonctionnement psychique particulier, auquel la loi doit répondre de manière particulière. Je crois savoir que s’agissant des individus concernés par les unités de déradicalisation, 800 sont en prison et 200 à 300 sont recherchés : or il n’y aura que 100 places, qui ne concerneront pas ce stock de 800 à 1 100 personnes.
Monsieur le ministre, il faut passer à une autre étape si nous voulons réussir à penser ensemble la question qui nous est posée par le terrorisme actuel, d’autant qu’il va durer encore vingt ou trente ans, car il s’agit avant tout d’un combat idéologique et culturel.