Heureusement, quelques collègues masculins sont également venus soutenir ce programme.
Pourquoi est-il important d'avoir un débat sur un programme qui, il faut le dire, n'a pas été jusqu'ici au coeur des discussions internes à l'Union européenne, et qui mobilise d'ailleurs une part minime du budget de celle-ci ? Bien sûr, les associations se sont émues. Je me tourne vers M. Bruno Le Maire, qui a mené à ce sujet un combat dont je le félicite. J'espère que notre assemblée parviendra à une action unanime dans la direction que vient d'exprimer Mme Auroi.
Pourquoi, donc, est-il important d'avoir ce débat ? Tout d'abord, l'aide alimentaire aux plus démunis bénéficie de façon extrêmement concrète, sur le terrain, à des gens qui en ont besoin. C'est l'une des politiques de l'Union européenne dont l'effet est le plus directement mesurable par nombre de nos concitoyens ; elle soulage beaucoup de souffrance et de misère.
En France, l'actuel programme européen d'aide aux plus démunis fournit, selon les cas, entre le quart et plus de la moitié des ressources alimentaires des quatre grands réseaux associatifs que sont les banques alimentaires, la Croix-Rouge, les Restos du Coeur et le Secours populaire, qui distribuent chaque année 130 millions de repas à environ quatre millions de personnes.
Ces quatre réseaux sont bien sûr présents dans mon département d'élection, en Seine-Saint-Denis, et notamment dans ma circonscription, à Aubervilliers et à Pantin. Aubervilliers est l'une des villes les plus pauvres de France, puisque 39 % de ses habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Dans les deux communes, les Restos du coeur ont distribué pas moins de 300 000 repas en 2011, ce nombre augmentant de 10 % par an depuis le début de la crise.
Plus généralement, tous les acteurs dans ce domaine, dont je veux saluer l'implication et le dévouement, relèvent depuis plusieurs années l'augmentation continue de la demande d'aide alimentaire et le rôle crucial joué par le programme européen pour y répondre.
Cette dimension concrète fait de l'aide aux plus démunis une politique essentielle pour l'avenir de la construction européenne. Je suis très préoccupée, comme vous le savez, par le fossé qui est en train de se creuser entre l'Europe et nos concitoyens. Or nous tenons là l'une des politiques les plus éloquentes de ce que peut faire l'Europe.
Parce que, aujourd'hui, nous ne pouvons plus mobiliser les Européens seulement sur l'idée que l'Europe est un espace de paix, et encore moins sur l'idée qu'elle serait un espace de liberté économique – son dévoiement par des politiques ultra-libérales est perçu comme une menace – la construction européenne, pour susciter l'adhésion, doit s'incarner dans des projets concrets qui touchent directement la vie des citoyens européens.
Ces projets sont aujourd'hui trop peu nombreux. S'il existe la monnaie unique, la liberté de passage des frontières dans l'espace Schengen ou le programme Erasmus, il y a aussi l'aide aux plus démunis.
La seconde raison pour laquelle nous tenons à ce programme d'aide, c'est qu'il représente l'une des incarnations, trop peu nombreuses à ce jour, de l'Europe sociale. Le Président de la République a appelé à une intégration européenne qui soit plus solidaire : nous avons en effet besoin de renforcer la dimension de solidarité au sein de la construction européenne. Cette dimension est certes présente depuis longtemps, mais elle a été ces dernières années malheureusement trop oubliée, alors même que la crise aurait demandé qu'on l'accentue.
Ce que nous avons entrepris pour renforcer cette dimension solidaire est très important. Nous avons pris des mesures qui ont été rappelées ici par le Gouvernement et par les députés qui s'intéressent à ces questions : ce n'est pas rien d'avoir augmenté le capital de la Banque européenne d'investissement, d'avoir instauré une taxe sur les transactions financières, d'avoir décidé d'expérimenter des project bonds, qui constituent la prémisse d'un endettement commun, ou d'avoir annoncé un engagement total de la Banque centrale européenne pour soutenir les titres de la dette des États de la zone euro en difficulté.
Dans cette optique de solidarité, les perspectives à moyen terme sont encore plus grandes, si l'on pense aux récentes propositions de la Commission européenne et à la feuille de route confiée par le Conseil européen du 14 décembre dernier à M. Van Rompuy. Les institutions européennes parviennent désormais à envisager l'éventualité d'un budget de la zone euro, qui pourrait recourir à l'emprunt, d'un fonds d'amortissement commun d'une dette publique excessive et d'une relance de la dimension sociale de l'Union européenne.
Lorsque nous étions à Berlin, lundi et mardi, pour la célébration du 50e anniversaire du Traité de l'Élysée, nous avons pu constater, avec une grande satisfaction, qu'en Allemagne enfin les principaux groupes politiques ont exprimé leur accord sur l'instauration d'un salaire minimum européen. Des points demeurent en discussion : les sociaux-démocrates souhaiteraient que cette instauration se fasse par l'élaboration d'une loi – ce serait une grande innovation –, les chrétiens-démocrates par les conventions collectives. Quoi qu'il en soit, le principe semble acquis, et j'espère vivement qu'il sera confirmé, car nous ne pouvons admettre que dans une union économique et monétaire intégrée, nous nous fassions entre États-membres une concurrence par le dumping fiscal et par le dumping social, qui plus est sur les bas salaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'espère que nous parviendrons à concrétiser bientôt cette évolution, dont il faut se féliciter et que soutiennent le Président de la République et le Gouvernement.
Toutefois, cette évolution parle encore très peu à nos concitoyens, alors que ce sont les peuples qui paient le plus cher le prix de la crise. Près d'un quart des Européens, soit 115 millions, étaient considérés en 2010 comme menacés par la pauvreté ou l'exclusion. Le nombre de chômeurs est passé dans l'Union européenne de 16 à 26 millions entre le début de l'année 2008 et la fin de l'année 2012 : le taux de chômage dépasse désormais 25 % en Grèce et en Espagne, et 50 % des jeunes, dans ces pays, sont au chômage.
Nous voyons des États-membres contraints de couper directement dans le budget des retraites ou des traitements des fonctionnaires, voire de réduire de 22 % le montant du salaire minimum, comme cela a été fait en Grèce. Aussi la solidarité européenne doit-elle s'adresser directement aux peuples. Il est essentiel de préserver a minima ce qui existe déjà à ce sujet, en particulier le programme d'aide aux plus démunis.
Le projet de règlement dont Mme la présidente de la commission européenne a donné dans le détail l'économie, établit un nouveau fondement à ce qui nous est présenté par la Commission européenne. Ce texte a un mérite : proposer une base juridique plus solide, en assumant pour la première fois la dimension sociale du programme.
Jusqu'ici, l'aide alimentaire, aujourd'hui menacée, avait été intégrée au sein de la Politique agricole commune et n'était pas considérée véritablement comme une politique sociale – elle avait en effet été créée dans les années 1980 à l'initiative de Jacques Delors et d'Henri Nallet, alors ministre de l'agriculture, afin de recycler les excédents agricoles.
De surcroît, la non-systématicité de la participation à l'aide alimentaire a créé une double fragilité : d'abord, d'un point de vue juridique, relativement à la base d'action des politiques communautaires ; d'autre part, une fragilité politique, vu la non-participation de certains États, dont l'Allemagne, qui a saisi en ce sens la Cour de justice européenne – celle-ci lui a donné raison.
La proposition de la Commission a pour mérite de refonder la base juridique de l'aide alimentaire. Toutefois, si son objet est élargi, ses moyens se voient réduits. Il ne s'agirait en effet plus seulement d'aide alimentaire, mais également de la fourniture de biens de consommation courante, et ce avec des moyens financiers plus faibles, puisque dans la dernière version du projet de compromis budgétaire sur les perspectives financières de l'Union européenne, ces moyens seraient en recul de 40 %.
Il faudrait donc mener avec beaucoup moins de moyens une politique plus ambitieuse – ce qui est en soi une bonne chose – et au bénéfice d'un plus grand nombre de pays, puisque certains États-membres qui jusque là ne recouraient pas au programme s'y joindraient, alors que la crise touche un plus grand nombre d'Européens et que les besoins sont en forte augmentation.
Cette situation n'est pas acceptable. C'est pourquoi j'espère que le Gouvernement s'engagera fortement afin de dégager d'importants moyens pour l'aide alimentaire, dans le cadre de la programmation budgétaire européenne. Vous serez d'autant plus en mesure de convaincre nos partenaires, Mme la ministre, que l'Assemblée nationale vous aura manifesté sur la question son soutien unanime – puissions-nous l'obtenir cet après-midi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)