Monsieur le ministre délégué aux affaires européennes, je salue votre arrivée qui rééquilibre un peu la parité sur les bancs de la majorité. (Sourires)
Plus sérieusement, je me réjouis que nous ayons l'occasion de discuter de l'avenir du programme européen d'aide aux plus démunis. Comme Mme Guigou l'a rappelé, ce programme concerne des millions de citoyens européens. Il aide les plus démunis d'entre nous, les plus faibles, ceux qui sont les plus exposés aux conséquences de la crise. En France, il permet de financer 130 millions de repas chaque année.
Il est indispensable qu'il puisse se maintenir et hors de question qu'il soit supprimé. C'est une exigence aussi bien morale que politique : l'Europe, c'est la solidarité, l'aide à ceux qui sont frappés par la crise, la main tendue à tous ceux qui ne peuvent offrir à leur famille, à leurs enfants, un repas correct par jour.
L'origine des difficultés a été rappelée. Il faut avoir conscience de ces difficultés pour nos partenaires européens si nous voulons trouver la bonne solution. Le programme a été créé en 1997 à l'initiative de Jacques Delors et de Coluche, en s'inspirant du principe des surplus alimentaires réutilisés pour ceux qui ne peuvent pas s'offrir un repas par jour.
Ce projet a été contesté dès le début par l'Allemagne qui estimait que l'Europe n'avait pas à s'occuper de questions sociales et que la politique agricole commune n'avait pas à traiter de l'aide aux plus démunis. Elle s'est toujours opposée à ce que les fonds alloués au titre du programme européen d'aide aux plus démunis soient prorogés sur plusieurs années. En conformité avec sa position, elle a donc déposé un recours auprès de la Cour de justice des communautés européennes pour que ce programme soit abandonné.
En avril 2011, la Cour de justice des communautés européennes, saisie par l'Allemagne et d'autres États, a décidé que l'action du PEAD devait se limiter à l'écoulement des stocks et que le programme devait disparaître.
À dater de ce jour – je le dis notamment à Mme Guittet dont je viens d'entendre les reproches –, je me suis battu pied à pied, jour après jour, mois après mois, pour obtenir que nous revenions sur cette décision de la CJCE. Madame la députée, j'ai été le seul ministre des affaires européennes à avoir obtenu en un an que la Commission dépose une nouvelle base légale afin de s'opposer à une décision de la CJCE.
Il n'est donc ni habile ni honnête de critiquer l'action du précédent gouvernement sur ce sujet. Je préfère retenir les propos de Mme la présidente de la commission des affaires étrangères : il n'y a place pour aucune polémique politique sur ce sujet ; il n'y a de place que pour le rassemblement de toutes les forces politiques sur les bancs de cette assemblée.
De manière plus politique, je rappelle que l'Allemagne payait 220 millions d'euros sur les cinq ans pour ce programme sans toucher un centime pour ses propres citoyens. Il ne s'agit pas de défendre la position allemande mais d'expliquer la difficulté de la négociation. Supposez que la France paie un jour 220 millions d'euros pour un programme et ne touche pas un centime en retour pour ses propres citoyens, et imaginez quelle serait la réaction politique de l'opinion publique française §
Le 14 novembre 2011, sur la base de la nouvelle proposition légale de la Commission européenne, nous avons obtenu la prorogation pour deux ans du programme européen d'aide aux plus démunis. Je ne dis pas que c'est formidable ou parfait, mais c'était cela ou la disparition du programme. Dans ce cas, nous ne serions même pas là aujourd'hui pour discuter du nouveau programme européen d'aide aux plus démunis pour les années à venir.
Que pouvons-nous faire pour être le plus efficace possible ? D'abord, nous devons avoir un objectif clair et je vais vous donner la position de mon groupe sur ce sujet.
Premièrement, nous devons garder la même enveloppe financière, à l'euro près, sachant que le PEAD représente un euro par citoyen européen et par an et que ce programme permet à des familles de se nourrir correctement alors qu'elles n'ont pas d'autres moyens pour le faire. J'estime que ce n'est pas cher payé et qu'il y a bien d'autres programmes européens moins utiles et plus cher qui ne sont pas menacés par quelque État que ce soit.
Deuxièmement, nous devons garder un ciblage précis. Méfions-nous des fausses bonnes idées qui paraissent généreuses mais vont se traduire par l'affaiblissement du PEAD et du soutien à l'alimentation des plus faibles. Rajouter l'aide au logement et à l'habillement paraît très sympathique sur le papier ; j'ai peur que cela ne se solde par des difficultés de plus en plus importantes pour les Restos du coeur et pour toutes les associations qui font un travail exceptionnel pour aider ceux qui en ont le plus besoin.
Troisièmement, nous demandons un programme pluriannuel. Les associations ne peuvent pas vivre en étant suspendues aux décisions du Conseil européen ou de la Commission, et se demander tous les ans si le budget dont elles ont besoin pour fonctionner va être reconduit. Ces associations qui fonctionnent avec des stocks et des provisions ont besoin de programmes pluriannuels pour savoir chaque année de quelles sommes elles vont pouvoir disposer.
Enfin, nous nous opposons au cofinancement, synonyme de renationalisation des politiques, abandon des politiques communes. Le cofinancement, mot technocratique que personne ne comprend, signifie en clair : chacun pour soi, débrouillez-vous, l'Union européenne ne vous aidera pas. On commence par le cofinancement des politiques et on finit par des politiques strictement nationales auxquelles certains États comme l'Espagne ou le Portugal ne pourront pas faire face.
Outre avoir un objectif clair, nous devons discuter étroitement avec nos amis allemands dans cette négociation – et je fais tout à fait confiance aux ministres concernés sur ce point. Lors de la réunion organisée lundi dernier par Claude Bartolone, j'ai eu l'occasion de le dire : nos amis allemands détiennent une partie de la solution ; c'est eux qu'il faut convaincre. Mardi dernier, lors du cinquantenaire du traité de l'Élysée, j'ai dit à certains ministres allemands que nous restions totalement mobilisés et qu'ils devaient comprendre les arguments français sur ce dossier.
Nous devons aussi associer tout le monde à ce travail. Tous les représentants de l'Assemblée nationale doivent faire bloc sur ce sujet sans laisser place à la polémique. À votre question, madame la ministre, je répondrai ceci : vous aurez le soutien total du groupe UMP pour défendre le programme européen d'aide aux plus démunis et les solutions les plus efficaces possibles pour aider les associations.
Il faut s'appuyer également sur les parlementaires européens auxquels je rends hommage car sans leur soutien il y a deux ans, nous ne serions pas arrivés à maintenir le PEAD. Tous groupes confondus, ils ont joué un rôle essentiel pour convaincre la Commission européenne de déposer une nouvelle base légale et pour convaincre nos amis allemands de l'accepter.
Appuyons-nous aussi sur certains autres États qui partagent notre vision de la construction européenne. Appuyons-nous sur les associations, y compris les associations caritatives de pays qui ne soutiennent pas le PEAD. En Allemagne, il y a des associations comme Die Tafel qui, en liaison avec les Restos du coeur et le Secours populaire, essaient de convaincre les autorités politiques allemandes de bouger sur ce dossier. Il faut nous appuyer sur elles.
Enfin, dernier élément de réflexion : il est indispensable que nous inscrivions ce projet de fonds européen d'aide aux plus démunis dans une réflexion plus globale sur l'avenir de l'Europe. L'Europe est-elle une somme de politiques nationales ou la réalisation de nouvelles politiques communes ? Est-elle synonyme de chacun pour soi ou de solidarité européenne ? Est-elle strictement économique et budgétaire ou doit-elle aussi retrouver enfin un projet, une ambition, un sens politique ?
Pour notre groupe et beaucoup d'entre vous, je le sais, notre Europe doit défendre l'aide au plus démunis et le soutien aux plus faibles ; c'est une Europe des politiques communes et de la solidarité ; c'est une Europe qui donne sa place et sa chance à chacun. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)