Intervention de Arnaud Richard

Séance en hémicycle du 24 janvier 2013 à 15h00
Débat sur le projet de fonds européen d'aide aux plus démunis

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur un sujet aussi essentiel que l'avenir de l'aide européenne aux plus démunis, l'unité nationale doit être préservée.

Au nom du groupe UDI – et j'associe particulièrement à mon propos François Rochebloine – je tiens à saluer la commission des affaires européennes qui a pris l'initiative d'organiser ce débat ainsi que notre président Claude Bartolone qui a permis, lundi dernier, à l'ensemble des groupes politiques, en présence des quatre associations gestionnaires de ce programme en France, d'affirmer une volonté commune de préserver cette aide européenne.

Depuis 1987, le programme européen d'aide aux plus démunis a financé un dispositif original et pragmatique destiné à soulager les plus démunis. En vingt-cinq ans, ce système dont bénéficient plus de dix-huit millions d'Européens et quatre millions de Français a donné toute satisfaction.

Né d'une idée de Coluche et de Jacques Delors, ce programme original a montré sa grande utilité, que dis-je, son caractère indispensable. Au fil des ans, bien loin de s'amoindrir, le besoin d'aide alimentaire s'est fait de plus en plus criant. Alors que nous traversons une crise sans précédent, 116 millions de personnes sont menacées de pauvreté ou d'exclusion sociale dans l'Union européenne, et 40 millions d'entre elles souffrent de privation matérielle aiguë. Par rapport à l'an passé, l'augmentation du nombre de personnes venant chercher de l'aide serait supérieure à 10 %, selon les associations.

Ce fameux arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, daté d'avril 2011, annule le règlement du PEAD et fait désormais peser sur le devenir de l'aide alimentaire européenne une menace criante face à laquelle nous ne pouvons rester ni immobiles ni silencieux.

En effet, en annulant le règlement annuel pour l'année 2009, la CJUE a placé le réseau associatif dans une situation impossible puisque près d'un quart des repas distribués en France dépend directement de ce mode de financement. À l'échelle nationale, cela représente 130 millions de repas par an. On peut donc aisément comprendre la détresse profonde des associations qui perdraient de ce fait une grande part de leur capacité d'action.

En outre, comment l'Union européenne pourrait-elle dans ces conditions poursuivre l'objectif fixé par la stratégie Europe 2020 de réduire d'au moins 20 millions le nombre de personnes en situation ou menacées de pauvreté ?

Certes, et il faut s'en réjouir, le Conseil européen des ministres de l'agriculture, en novembre 2011, a permis de poursuivre le financement du programme pour les années 2012 et 2013, mais l'échéance approche. Il devient urgent d'agir non seulement pour maintenir mais pour pérenniser de manière pluriannuelle cette aide.

Le 24 octobre dernier, la Commission européenne a proposé un nouveau règlement qui suggère la création d'un Fonds européen d'aide aux plus démunis, dont les attributions seraient plus larges que celles de l'actuel programme et qui prendrait effet en 2014. Nous soutenons cette initiative mais des zones d'ombre subsistent : l'enveloppe budgétaire ne serait reconduite qu'à hauteur de 2,5 milliards d'euros sur sept ans contre 3,5 milliards d'euros précédemment, soit 360 millions d'euros par an contre 500 millions actuellement.

Et nos collègues l'ont signalé, la perspective légitime de l'ouverture de ce programme à tous les États européens induirait une baisse des montants affectés aux associations.

Après le triste constat d'échec à Bruxelles le 23 novembre dernier sur le budget européen, tout porte à croire que l'avenir du programme européen d'aide aux plus démunis se jouera lors du Conseil européen des 7 et 8 février prochains – espérons qu'il réussisse – consacré au cadre financier pluriannuel de l'Union européenne. Souhaitons, mais n'en doutons pas, que le Gouvernement mette autant d'énergie que son prédécesseur – je tiens à saluer la manière dont Bruno Le Maire a travaillé, je peux en témoigner comme parlementaire lors de la précédente législature – pour pérenniser ce dispositif si essentiel à la solidarité des populations européennes.

Enfin, à notre sens, le maintien de l'aide alimentaire européenne semble relever davantage d'un problème idéologique que d'un problème budgétaire.

Car, au fond, l'objectif du programme, pour certains, n'était plus l'écoulement des stocks d'intervention mais la couverture des besoins déclarés par les États membres participant au plan. Le programme aurait, selon les termes utilisés par notre partenaire allemand, « perdu tout lien avec la politique agricole commune » et serait en réalité « un élément de la politique sociale ». L'aide alimentaire serait donc une question subsidiaire qui devrait être confiée à la responsabilité de chacun des États.

L'argumentation de ceux qui s'opposent au maintien d'une aide alimentaire va au-delà d'une remise en cause du financement de cette aide. Elle témoigne d'une certaine vision de l'Europe, dénuée, à notre sens, de vocation sociale. L'Europe des pères fondateurs, celle qui devait notamment permettre à tous les Européens de se nourrir au lendemain de la guerre, ne serait-elle plus d'actualité de nos jours ?

L'UDI, porteuse d'une tradition profondément européenne, considère que la solidarité est non seulement l'héritage, mais également le fondement de la construction européenne.

À l'heure où l'on constate une tentation du repli sur soi, une montée en puissance des intérêts nationaux, une montée de l'inter gouvernementalisme, nous devons affirmer que la solidarité n'est pas une valeur dépassée mais qu'elle appartient à l'histoire de l'intégration européenne comme à son devenir.

Herman Van Rompuy l'a bien dit dans un discours prononcé à Bruxelles en 2010 : « le plus grand danger qui nous menace est l'abandon de la solidarité par l'égoïsme, c'est l'abdication du courage politique par la facilité ».

Alors que nous vivons une crise particulièrement grave, ce qui constitue la politique sociale phare de l'Union européenne ne doit pas disparaître, ne peut disparaître car ce serait un message bien désastreux que nous porterions à l'ensemble des peuples européens.

Plus que jamais, mes chers collègues, madame la ministre, monsieur le ministre, nous devons porter l'idée d'une Europe de la solidarité et non d'une Europe administrative. Plus que jamais, l'Europe doit rester aux côtés des citoyens qui en ont le plus besoin. Telle est la vision de l'Europe que nous défendons. Je finis mon propos par le préambule du plan de cohésion sociale : « La force d'une nation se mesure au bien-être des plus fragiles de ses membres. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

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