Intervention de Delphine Batho

Réunion du 1er mars 2016 à 21h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Batho :

Avant que nous n'abordions les amendements à l'article 2 bis, notamment ceux de la rapporteure et d'Arnaud Leroy, qui ont beaucoup travaillé sur la question du préjudice écologique, je souhaite débattre de l'aspect politique du sujet.

En 2012, un jugement de la Cour de cassation, rendu après plus de dix ans de procédures engagées à la suite de la marée noire provoquée par le naufrage du pétrolier Erika, a reconnu le préjudice écologique. C'était un grand jour pour le droit de l'environnement, cette décision jurisprudentielle impliquant qu'il n'y ait plus d'impunité en la matière. Le Gouvernement de l'époque – je m'en souviens bien puisque c'était par ma voix – avait annoncé sa volonté d'inscrire dans le code civil le préjudice écologique.

Par la suite, la Chancellerie a été chargée de préparer un projet de loi et, à cet effet, différents groupes de travail ont été conduits par Christiane Taubira, composés entre autres de juristes reconnus, spécialisés dans le droit de l'environnement. Puis une proposition de loi a été déposée au Sénat par Bruno Retailleau, qui n'a jamais été mise à l'ordre du jour des travaux de cette assemblée, si bien que c'est par voie d'amendement au présent texte que le dispositif a été introduit.

La ministre de l'environnement a annoncé, au cours du débat au Sénat, que l'article 2 bis serait récrit, et le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) a exprimé sa vive opposition à cette disposition.

Ce matin-même, nous avons découvert un amendement du Gouvernement qui récrit en effet entièrement cet article, amendement que j'ai dû relire deux fois pour en avoir le coeur net puisqu'il prévoit une impunité généralisée, remet en cause le principe pollueur-payeur, remet en question le principe même de la responsabilité de celui qui est à l'origine de la pollution dès lors qu'il aurait bénéficié, dans une vie antérieure, d'une quelconque autorisation administrative, et déclare irrecevable le principe des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés par les victimes. Il s'agirait d'une régression très grave, au point que je me suis demandé s'il n'y avait pas une « loi des séries » si l'on songe à ce qui s'est passé avec la loi sur le travail récemment – j'espère que non et j'espère, madame la secrétaire d'État, que, sur cette question politique plus que juridique, vous allez nous annoncer soit le retrait de l'amendement du Gouvernement, soit sa modification sur les deux points que je viens d'évoquer.

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