Intervention de Annick Girardin

Séance en hémicycle du 24 janvier 2013 à 15h00
Débat sur le projet de fonds européen d'aide aux plus démunis

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Girardin :

Madame la présidente, madame la ministre déléguée, monsieur le ministre délégué, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, lorsqu'en 1987 Jacques Delors, président de la Commission européenne, et Henri Nallet, ministre de l'agriculture, ont décidé « d'ouvrir les frigos de l'Europe », pour reprendre le mot employé par notre collègue Chantal Guittet en commission des affaires européennes le 11 décembre dernier et aussi il y a quelques minutes dans notre hémicycle, en créant le Programme européen d'aide aux plus démunis, le PEAD, ils visaient un objectif : distribuer une aide alimentaire aux plus démunis des ressortissants communautaires, tout en diminuant le stock d'invendus issus de la PAC. Les surplus des matières premières agricoles issus des stocks d'intervention de la PAC constituaient en effet un double échec : une échec en termes de politique alimentaire fondée sur l'autosuffisance et la préférence communautaire et un échec en termes de solidarité et d'entraide sociale.

Or, si ce programme pouvait être adossé à la PAC tant que celle-ci générait des stocks d'invendus, la réorientation de la PAC a, heureusement, conduit à la disparition de ces stocks. La conséquence en fut une substitution, en 1995, d'un système d'allocation d'enveloppe budgétaire permettant l'achat de denrées directement sur le marché au système de troc des denrées alimentaires entre États membres.

En 2008, l'enveloppe financière annuelle était d'un peu moins de 500 millions d'euros, ce qui permettait aux associations de s'approvisionner sur les marchés, – 500 millions d'euros, soit 1 % du budget de la PAC, ou, comme le rappellent très régulièrement les associations caritatives, seulement un euro par an et par Européen.

Le 13 avril 2011, la Cour de justice de l'Union européenne, saisie par l'Allemagne qui contestait d'autant plus l'existence de ce programme qu'elle n'avait jamais demandé à en bénéficier, a considéré qu'il consistait en une aide sociale ne pouvant relever de la PAC. Sauvegardé jusqu'à la fin de l'année 2013 grâce à un règlement du 15 février 2012 – et je rends ici hommage à l'action du commissaire européen à l'agriculture –, le programme devrait être inclus pour la période 2014-2020 au sein d'un Fonds européen d'aide aux plus démunis, ou FEAD, dans le cadre de la politique de cohésion, au sein du FSE.

La Commission européenne a proposé que soit allouée au FEAD une enveloppe d'un montant de 2,5 milliards d'euros sur sept ans, alors que le PEAD bénéficiait d'environ 500 millions d'euros par an. Cela correspond, en euros constants, à une baisse de plus du quart.

À ce propos, pouvez-vous, monsieur le ministre, confirmer une source européenne selon laquelle il n'était pas prévu de transférer les sommes affectées à l'ancien PEAD au nouveau fonds, celles-ci restant attachées à la PAC, ce qui permet ainsi de combler les trous dans les années à venir, le budget de la PAC devant être gelé sur la période 2014-2020 ? Comme j'ai pu l'exprimer lors de la conférence de presse réunie lundi matin à l'Assemblée nationale, sous l'égide du président Claude Bartolone et en présence des associations caritatives françaises, cette proposition est, en l'état, inacceptable.

Le cofinancement imposé par la politique structurelle se heurtera de plein fouet à la politique d'austérité à l'oeuvre partout en Europe.

Je saisis l'occasion pour saluer ici le plan quinquennal de lutte contre la pauvreté, présenté lundi par le Gouvernement, qui prévoit notamment une augmentation sensible du RSA.

La réunion du Conseil européen des 7 et 8 février prochains décidera de l'avenir du PEAD. C'est pourquoi la mobilisation de tous les acteurs, leur union, sont nécessaires. L'initiative prise par la commission des affaires européennes et sa présidente Danielle Auroi, d'inscrire un débat sur le sujet à l'ordre du jour de cette semaine de contrôle, est excellente et arrive à point nommé. Il ne suffit pas de relayer le cri d'alarme des associations caritatives, il faut que nous nous mobilisions tous. Les associations caritatives françaises et allemandes qui défendent le PEAD ont rencontré le président du Parlement européen le 9 janvier dernier, et celui-ci les a assurés de son soutien. Je veux rendre hommage à ces associations et aux milliers de bénévoles qui s'impliquent au sein de la Fédération française des banques alimentaires, des Restos du coeur, du Secours populaire français et de la Croix-Rouge française, qui distribuent tous les ans des dizaines de millions de repas aux plus nécessiteux d'entre nous.

Les chefs d'État et de gouvernement doivent maintenant agir.

Il est regrettable qu'il n'ait été fait, à l'occasion de la célébration du cinquantenaire du traité de l'Élysée, qui s'est déroulée mardi à Berlin, aucune mention, dans la déclaration commune du Président et de la Chancelière, du maintien du PEAD à la hauteur des besoins des dix-huit millions d'Européens dans le dénuement, dont quatre millions de Français, à qui sont distribués des repas grâce aux associations.

Si la définition d'une politique sociale ambitieuse et cohérente à travers les fonds structurels est une exigence – et l'inclusion du PEAD au sein du FSE dont les missions sont plus larges ne suscite pas a priori, de notre part, une opposition de principe –, encore faut-il que cette politique structurelle devienne plus efficace qu'elle ne l'est actuellement. Après avoir gâché des denrées alimentaires dans les années quatre-vingt, il serait inconvenant de continuer à gâcher des allocations budgétaires en cette période de crise, alors que les fonds sont mal gérés et les sommes non utilisées.

La question des sommes non utilisées a d'ailleurs été abordée en commission des affaires européennes. Le problème ne se posait évidemment pas en ce qui concerne les stocks de beurre ou de lait, mais qu'adviendra-t-il des fonds attribués au titre du FEAD qui n'auront pas rencontré de cofinancement et qui, ainsi, ne pourront être crédités au profit des associations ? Cette question, comme celle du cofinancement, monsieur le ministre, devra également être abordée au cours des discussions lors du prochain Conseil européen et des rencontres des différents ministres.

Dépenser moins, ce n'est pas forcément dépenser mieux, contrairement à ce que nous répètent à l'envi les libéraux. Cela ne signifie pas qu'il faille dépenser plus, mais, en matière d'aide alimentaire et de secours aux plus démunis, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit de satisfaire le premier besoin humain, se nourrir, il faut certainement, alors que la pauvreté et la misère explosent en Europe, dépenser autant. Je réitère ici le voeu constamment exprimé par les radicaux en faveur d'une Europe sociale et solidaire qui puisse dépasser l'indispensable union bancaire enfin en marche après que l'on s'est longtemps contenté de la liberté de circulation des capitaux.

Une autre des libertés fondamentales prévue par le droit originaire communautaire est la liberté de circulation des travailleurs communautaires. Cette notion également mérite d'être approfondie afin de lui donner une dimension plus humaine qu'économique. Sinon, l'incompréhension des citoyens européens vis-à-vis des institutions communautaires ne fera que s'aggraver, et la distance envers leurs représentants ne fera que se creuser. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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