Intervention de Geneviève Gaillard

Réunion du 1er mars 2016 à 21h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeneviève Gaillard, rapporteure :

La rédaction de l'amendement CD943 rectifié s'inspire du rapport d'Yves Jegouzo, mais aussi de l'avis d'éminents spécialistes.

Il est proposé de créer un régime de responsabilité civile environnementale et de réparation du préjudice écologique, qui serait défini comme le préjudice résultant d'une atteinte grave aux éléments et aux fonctions des écosystèmes ainsi qu'aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement. Les actions en réparation du préjudice seraient ouvertes à l'État, au ministère public, à l'Agence française pour la biodiversité, aux collectivités territoriales et à leurs groupements dont le territoire est concerné, ainsi qu'aux établissements publics, fondations reconnues d'utilité publique et associations agréées ou ayant au moins cinq années d'existence, ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement.

La réparation du préjudice écologique s'effectuerait en priorité en nature. En cas d'impossibilité, des dommages et intérêts seraient versés à l'Agence française pour la biodiversité, qui les affecterait à la protection de l'environnement exclusivement.

L'action serait prescrite après un délai de dix ans à compter du jour où le titulaire de l'action a connu ou aurait dû connaître la manifestation du dommage environnemental, sans que ce délai puisse être porté au-delà de cinquante ans à compter du fait générateur du dommage. Le choix du délai de dix ans s'imposait. Quant au délai de cinquante ans, il a été fixé entre deux extrêmes : trente ans pour les uns, cent ans pour les autres. La spécificité de la matière concernée impose d'explorer des voies inédites et il conviendra bien de ne pas caricaturer le délai de cinquante ans qui ne trouvera à s'appliquer que pour des pollutions diffuses et lentes qui se caractériseront après un temps long et dont nous savons qu'elles existent.

Par conséquent, ces délais de dix et cinquante ans seraient également ceux fixés par l'article L. 152-1 du code de l'environnement, qui prévoit un délai de prescription particulièrement long, trente ans, pour les obligations financières liées aux dommages causés à l'environnement par certaines activités par rapport au droit commun de cinq ans ; mais ce délai court à partir du fait générateur du dommage, ce qui ne nous semble pas très protecteur.

Les présentes dispositions s'appliqueraient dès la publication de la loi. Le choix a été fait de ne pas créer d'amende civile en cas de faute grave dans la mesure où la pénalisation des comportements les plus graves est à même de garantir une dissuasion et une répression efficaces.

Le choix a été fait de ne pas créer de régime de sursis à statuer pour articuler les dispositions du présent article avec celles des articles L. 160-1 et suivants du code de l'environnement, créés par la loi du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale. Le juge, en effet, ne pourra pas ordonner de deuxième réparation pour le même préjudice qui aurait déjà été réparé. Il a déjà, en outre, la possibilité de surseoir à statuer, aux termes de l'article 377 du code civil, pour un motif de bonne administration de la justice. Cela viserait les cas dans lesquels le préfet et le juge agiraient de façon concomitante. La procédure judiciaire serait alors temporairement arrêtée.

Telle est, présentée de manière succincte, la teneur du présent amendement. Bien entendu le débat est ouvert tant le sujet est difficile. Il importe en tout cas que ce dispositif soit introduit dans le code civil, faute de quoi nous affaiblirions la portée du texte.

Ensuite, nous demandons en priorité une réparation en nature et, dans les cas exceptionnels, j'y insiste, où une telle réparation serait impossible, une réparation financière serait envisageable.

Nous avons tâché de tirer les conséquences de la très longue procédure concernant l'affaire Erika.

Nous avons par ailleurs beaucoup discuté de la question du sursis à statuer. On nous a expliqué qu'un tel dispositif n'était pas nécessaire puisque figurant déjà dans le code civil. Or j'ai tendance à croire ce que me disent d'éminents juristes même si le débat, je le répète, reste ouvert.

Quoi qu'il en soit, nous devons nous efforcer d'aboutir à une rédaction simple.

Je remercie ceux qui, en l'espace de quelques heures ont pu nous aider à mettre au propre les grandes lignes de ce que nous souhaitions. Enfin, je remercie la secrétaire d'État d'avoir retiré son amendement qui, en effet, n'était pas très heureux.

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