Intervention de Brigitte Allain

Séance en hémicycle du 24 janvier 2013 à 15h00
Débat sur le projet de fonds européen d'aide aux plus démunis

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Allain :

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, madame la ministre déléguée, chers collègues, je remercie la présidente de la commission des affaires européennes qui a bien voulu proposer ce débat sur un sujet aussi fondamental que l'aide alimentaire. Je remercie également Mme la présidente de la commission des affaires étrangères.

De nombreux politiques, organisations et personnalités se sont exprimés régulièrement ces derniers mois. L'émoi qu'avait suscité l'année dernière l'annonce de la fin du programme d'aide aux plus démunis laissait pressentir la vigueur des débats qui auraient lieu lors de sa renégociation au niveau européen. Ces prises de position sont le reflet de nos désirs d'Europe sociale, mais aussi d'agriculture nourricière et d'intégration de tous les citoyens européens.

Attaqué par plusieurs pays et condamné par la Cour de justice de l'Union européenne, ce programme d'aide aux plus démunis, anciennement sous la coupe de la PAC, est aujourd'hui repensé sous une nouvelle forme, celle du Fonds européen d'aide aux plus démunis, dans le cadre du Fonds social européen. On peut dire qu'en France la nécessité de la prolonger ou de faire renaître un tel programme sous une autre forme fait consensus ; on a pu le constater au cours de cette séance. Le débat d'aujourd'hui et la conférence de lundi en apportent effectivement la preuve, ainsi que la déclaration commune de treize pays de l'Union européenne au mois de septembre 2011.

En effet, depuis 1987, le programme européen d'aide aux plus démunis, permettait d'apporter une aide indispensable à dix-huit millions d'Européens, pour un coût relativement modeste – un euro par Européen, cela a été dit plusieurs fois – mais avec quel considérable effet de levier ! Par exemple, dans mon département de la Dordogne, ce fonds permet de financer 40 % des repas servis, à travers les associations des Restos du coeur, de la Banque alimentaire, du Secours populaire et de la Croix-Rouge. Près de 180 millions de repas sont distribués en France et 800 millions en Europe. Comment pourrait-on supprimer purement et simplement cette aide, alors qu'elle est fondamentale pour les associations qui apportent un soutien à des millions de personnes en situation de précarité et à de plus en plus de retraités, mères de familles seules ? Ces associations structurées, fiables, sont créatrices de lien social et d'intégration et pallient les défaillances étatiques en matière sociale.

Remettre sur pied un nouveau plan d'aide bien doté permettrait de lutter de la façon la plus efficace possible contre la malnutrition. Le Gouvernement a lancé un grand plan contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. Dans ses premières mesures, il assure que, sans la sécurité alimentaire, rien n'est possible. Il est indispensable de garantir à chacun la possibilité de se nourrir sainement et régulièrement.

L'Europe se doit, dans un contexte de crise et de précarisation, de mettre en place des mécanismes de solidarité qui la définissent. Les citoyens ne pourront se contenter d'une Europe qui exprime sa solidarité envers les banques lors de la crise financière et qui se refuserait à être solidaire des plus démunis lorsqu'il s'agit de renfloue les banques alimentaires. Les plus fragiles payent la crise d'un système économique et financier qui n'est plus protecteur.

Je tiens donc à assurer que les écologistes soutiennent fortement le gouvernement français et les eurodéputés dans les négociations qui ont lieu à Bruxelles pour la prolongation d'un tel programme.

Alors que la crise ne fait que s'amplifier et que le nombre de demandeurs ne cesse d'augmenter – trois millions de personnes, en France, sont démunies et bénéficient de l'aide alimentaire –, il est fort regrettable que l'enveloppe ne soit pas maintenue à l'identique. De plus, l'ouverture du fonds aux biens autres qu'alimentaires, comme les vêtements, l'aide au logement ou la lutte contre l'exclusion sociale pose question. En soi, il est extrêmement positif que l'échelon européen se saisisse de la lutte contre la pauvreté – il faut aller plus loin et créer une Europe plus solidaire et plus sociale – mais, en ce qui concerne notre fonds, je partage l'avis de certains de mes collègues : le risque est de diluer cette politique, et de rendre sa gestion difficile. Alors que le montant de l'enveloppe baisse pour l'aide alimentaire, on ne peut pas en plus élargir l'assiette des biens éligibles et augmenter le nombre d'États bénéficiaires.

Les associations estiment qu'il est nécessaire de doter le fonds de 4,7 milliards d'euros sur sept ans pour pouvoir assurer des prestations équivalentes. Où trouver l'argent ? Pourquoi ne pas faire basculer une partie du budget de la Politique agricole commune vers le Fonds social européen ? En effet, le cadre pluriannuel européen 2014-2020 est en cours de renégociation et la PAC est en train d'être refondée. On commence à voir plus clair sur les contours de cette nouvelle PAC. Elle devait retrouver une certaine légitimé aux yeux des Européens, puisqu'elle utilise 40 % du budget de l'Union européenne.

Pour ce faire, elle devrait inciter à des pratiques plus durables et garantir à tous une alimentation de proximité et saine. Elle devrait par ailleurs garantir à tous les agriculteurs un revenu décent. Pour cela, il convient de mieux répartir les revenus : à l'heure actuelle, 20 % des agriculteurs bénéficient de 80 % des primes versées au titre de la PAC. Utilisons le plafonnement des aides pour abonder ce budget indispensable ! S'il fallait trouver une justification au plafonnement des aides, la voilà : il convient de les redistribuer.

Si la PAC n'arrive pas à atteindre des objectifs relevant de la politique alimentaire, faisons-le par ce Fonds européen d'aide aux plus démunis. Donnons la priorité aux produits locaux, réalisés en France, distribués par des circuits courts et selon des démarches écologiques. Cela pourrait également accompagner le soutien à la création de filières locales et à la formation aux métiers de l'alimentaire. Il serait par exemple possible de mettre en place des programmes d'insertion assurant une formation à la production, à la transformation et à l'organisation commerciale dans le secteur alimentaire ou agrobiologique. Cela favoriserait la consommation locale, notamment pour les plus démunis.

Le transfert d'une partie des fonds de la PAC serait une solution juste et efficace sur les plans social, environnemental et économique. Elle permettrait, de plus, de contourner le problème précédemment évoqué du cofinancement des projets à hauteur de 15 %. Pour une fois, on ne prêterait pas qu'aux riches.

Madame la ministre, monsieur le ministre, je compte sur vous pour relayer toutes les propositions qui permettront d'abonder durablement le budget du Fonds européen d'aide aux plus démunis. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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