Madame la présidente de la commission des affaires européennes, madame la ministre, mes chers collègues, contrairement à la coutume, je crois que les interventions lors de ce débat iront probablement toutes dans le même sens. C'est tant mieux !
Il existe en effet une menace, non plus sur la sauvegarde de l'aide alimentaire européenne aux plus démunis, qui paraît acquise, mais sur son maintien à un niveau correspondant aux besoins. Un véritable sentiment d'urgence s'impose aux responsables de notre pays, qui a été exprimé depuis cette tribune et qui devrait être partagé par l'ensemble des dirigeants et citoyens des autres États.
Le programme européen d'aide aux plus démunis, qui serait remplacé par un nouveau fonds, permet de distribuer des repas à 18 millions d'Européens, dont 4 millions de Français. Ce programme était initialement financé par les excédents de la rubrique 2 du budget de l'Union européenne, c'est-à-dire la politique agricole commune. La PAC n'ayant plus vocation à produire des excédents, il a fallu, à un moment donné, abonder de 500 millions d'euros le budget du PEAD – cette somme étant équivalente au financement jusqu'alors existant.
La décision initiale de la Commission a été alors attaquée en justice par l'Allemagne et par la Suède. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec les propos tenus tout à l'heure par M. Le Maire à propos de l'Allemagne. En effet, la Loi fondamentale de la République fédérale d'Allemagne dispose que l'aide aux plus démunis est du ressort de l'État fédéral. Cela explique ses réticences à en assurer un financement significatif. Je note que l'absence de mobilisation outre-Rhin sur ce sujet qui nous préoccupe s'explique aussi par la façon dont les grandes associations caritatives y mobilisent les surplus de denrées consommables et y reçoivent une aide des collectivités locales.
Suite à cela, la proposition de la Commission sur le futur cadre financier pluriannuel européen a repris le principe d'un programme en l'asseyant sur une nouvelle base juridique. Le 24 octobre 2012, la Commission européenne a ainsi publié une proposition de règlement créant un Fonds européen d'aide aux plus démunis. Depuis lors, le sujet fait partie des négociations budgétaires sur le cadre financier pluriannuel.
Venons-en à présent aux enjeux humains et financiers de ce dossier. On estime à 80 millions le nombre de personnes menacées par la pauvreté dans l'Union européenne, dont 43 millions seraient concernées par la pauvreté alimentaire. La flambée des prix des denrées alimentaires n'a fait que rendre plus difficile cette situation. L'insuffisance des moyens prévus pour assurer la sécurité alimentaire des plus fragiles aura des conséquences dramatiques si l'ensemble des associations humanitaires n'ont plus les moyens de travailler. Cela a été rappelé tout au long de cet après-midi.
Par rapport à l'ampleur de ces problèmes, la discussion sur le montant des crédits serait presque dérisoire si leur remise en cause ne compromettait un droit que nous considérons essentiel : celui de manger à sa faim. Le montant du futur programme serait de 350 millions d'euros par an contre 500 millions d'euros auparavant. Rapportée aux presque 151 milliards d'euros de crédits d'engagement et aux 133 milliards d'euros de crédits de paiement du projet de budget européen pour 2013, cette somme représente respectivement 0,2 % ou 0,3 % du budget total. La faire passer de 350 millions d'euros à 500 millions, voire 650 millions d'euros comme cela serait nécessaire pour faire face aux besoins, suppose de faire croître respectivement de moins de 0,1 % ou de 0,2 % les crédits du budget européen. Pour mémoire, les irrégularités détectées par les systèmes de contrôle des crédits européens se sont élevées en 2010 à près de 2,2 milliards d'euros. Les erreurs matérielles affecteraient un peu moins de 4 % des crédits du budget.
Ainsi donc, si les enjeux humains sont énormes pour ceux qui en ont besoin, les enjeux financiers, strictement budgétaires, restent minimes par rapport à la gestion rigoureuse que chacun souhaite. Le dispositif que nous attendons et pour lequel nous nous mobilisons devra en tout état de cause respecter quelques principes. Des crédits devront être dédiés à la solidarité et fléchés pour cela. Les actions devront être efficaces ; les associations sont malheureusement trop souvent les seules à pouvoir les mener au plus près de ceux qui en ont besoin. Enfin, l'utilisation des crédits doit être transparente.
Il faut agir et répondre aux besoins urgents nés de la pauvreté. Mais ce serait une négligence aussi grave que de ne pas lutter contre les causes de la pauvreté. Au-delà de la négociation sur les montants nécessaires à l'aide alimentaire, il convient que des mesures structurelles soient réellement mises en oeuvre pour combattre la pauvreté en Europe. Il faut que l'Europe progresse dans le domaine de la fiscalité : cela a déjà été dit. Il faut lancer des politiques ambitieuses de construction de logements sociaux. Il faut aussi favoriser l'emploi : nous en avons débattu hier dans cette assemblée. Il faut effectivement aller dans ce sens-là.
Pour terminer, une attention particulière doit être portée par l'Europe aux infrastructures financées, aux interconnexions qu'elles permettent et à leurs retombées positives en termes d'emplois pour le plus grand nombre. La lutte contre la pauvreté nécessite donc de répondre en urgence aux besoins les plus élémentaire. Elle ne dispense pas et ne dispensera pas de lutter contre les causes de la pauvreté.
Comme le disait Aristote, « c'est en vue d'une vie heureuse qu'on s'assemble en une cité ». La Cité européenne ne doit pas perdre de vue ce qui a motivé ses créateurs il y a cinquante ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)