Intervention de Brigitte Bourguignon

Séance en hémicycle du 24 janvier 2013 à 15h00
Débat sur le projet de fonds européen d'aide aux plus démunis

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Bourguignon :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, chers collègues, nous sommes tous d'accord pour souligner la nécessité de sauver le dispositif d'aide alimentaire européenne.

Non, l'aide alimentaire aux plus démunis ne doit pas être uniquement du ressort des États Oui, ce qui nous est proposé aujourd'hui par la Commission européenne dénature l'idéal de solidarité que nous attendons de l'Europe. Solidarité pour nos banques, mais pas pour nos pauvres : quelle étrange logique !

Cette proposition intervient alors même qu'un rapport d'Eurostat, publié en décembre dernier, indique qu'un quart de la population européenne est menacé de pauvreté. Pour 18 millions d'Européens, la question n'est pas de savoir ce qu'ils mangeront le soir, mais tout simplement de savoir s'ils pourront manger quelque chose. Nous savons aussi que la position de la France, même si elle est soutenue par un certain nombre d'autres pays, n'est pas forcément majoritaire. Les négociations s'annoncent difficiles.

J'aimerais que, pour une fois, il n'y ait pas de polémique, et que le triste constat de la diminution drastique des moyens alloués aux fonds européens – voire de la disparition même de l'idée d'aide aux plus démunis – ne soit pas attribué au pouvoir en place. Efforçons-nous d'afficher un réel soutien aux négociateurs !

En effet, l'accord conclu il y a deux ans par nos prédécesseurs a validé – un peu trop vite – le principe de la disparition du programme européen d'aide aux plus démunis. Il a mis sérieusement en péril les négociations de février prochain. Certes, un sursis a été obtenu ; mais en échange, l'arrêt définitif du programme a été accepté. Le procès-verbal du Conseil en témoigne – je le cite : « c'est la raison pour laquelle les deux pays ne pourront pas accepter les propositions de nature juridique et financière que la Commission pourrait formuler à l'avenir concernant un tel programme. » Ce procès-verbal est aujourd'hui comme une épine dans le pied de nos négociateurs. Nous savons que certains États membres sauront l'utiliser contre notre soutien au nouveau dispositif proposé aujourd'hui. Ce dispositif, s'il est imparfait, a malgré tout le mérite d'exister.

Il y a donc bien urgence. La première urgence, essentielle, est de sauver l'idée même de l'aide alimentaire européenne. Urgence aussi de ne pas diminuer davantage l'enveloppe financière destinée à lutter contre la misère de nos concitoyens européens, laquelle enveloppe est déjà largement insuffisante dans sa forme actuelle pour répondre aux besoins. Saluons au passage le travail des réseaux d'aide alimentaire qui font des prodiges avec ce qu'ils ont.

Il y a urgence, ensuite, à ne pas dissoudre cette enveloppe dans le Fonds social européen, sans que la répartition proposée entre les différentes dépenses éligibles soit précisée, et sans que l'aide alimentaire – notamment d'urgence – soit clairement fléchée. Il y a urgence, enfin, à ne pas accepter les critères caricaturaux définis par le Conseil européen pour déterminer les bénéficiaires de l'aide alimentaire.

Nous devons réfléchir dès aujourd'hui à des solutions alternatives pour faire face aux besoins des plus démunis de nos concitoyens, dans l'hypothèse où le Conseil européen adopterait le financement tel qu'il est proposé en l'état actuel. La diminution des montants de l'aide alimentaire aurait en effet un impact très important. Par exemple, un certain nombre de procédures destinées à lutter contre le gaspillage doivent être accélérées. Ces procédures valorisent des produits alimentaires qui devaient finir dans des centres de tri et des déchetteries, en favorisant les circuits courts, et en finançant ainsi l'économie locale.

Tout repose sur un constat, que nous devrions entériner, selon lequel les réfrigérateurs de l'Europe sont vides. Mais le sont-ils vraiment ? Un certain nombre d'associations ont déjà avancé des solutions alternatives. J'en citerai quelques-unes que je connais particulièrement bien, pour avoir présidé une association mettant en oeuvre l'une d'entre elles : le Panier de la mer, qui récupère les poissons invendus dans les criées de France. Ces poissons, qui devaient être détruits pour des raisons uniquement économiques, sont ensuite transformés dans des ateliers d'insertion et distribués à l'aide alimentaire.

À partir de ces exemples, il me semble indispensable de réfléchir à la création de systèmes de production durables et d'approvisionnement de proximité. Nous savons que le Gouvernement réfléchit déjà à la question du changement des comportements vis-à-vis du gaspillage alimentaire. Un Pacte national contre le gaspillage sera ainsi mis en place. Oui, il convient de trouver des solutions alternatives, mais il faut avant tout pérenniser le fonds d'aide aux plus démunis.

Nous savons pouvoir compter sur vous, monsieur le ministre, et sur le Gouvernement pour transmettre au Conseil européen les inquiétudes que nous avons exprimées au sein de cette assemblée. En ce qui nous concerne, vous aurez tout notre soutien dans les négociations à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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