Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes, chers collègues, au moment où la pauvreté augmente dans toute l'Union européenne et dans le monde, et où nos concitoyens les plus démunis ont le plus besoin d'aide, comment envisager que l'Europe fasse défaut ? Comment expliquer à quoi sert l'Europe aux plus sceptiques si elle n'applique pas les valeurs les plus élémentaires de solidarité et d'entraide ? Comment tolérer que la spéculation sur les marchés agricoles nous ait conduits à cette situation ?
L'aide alimentaire n'est pas qu'une question de chiffres ou de concepts. Elle est concrète et permet d'assurer la survie de 18 millions d'Européens, dont 3 millions de Français. Elle n'est pas optionnelle, mais cruciale, face aux conséquences humaines de la crise brutale à laquelle nous sommes confrontés. Elle est nécessaire et vitale à notre pays pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion. Elle représente, pour nous, de 23 à 50 % des denrées alimentaires distribuées, soit 130 millions de repas.
Le constat émis par les quatre principales structures de l'aide alimentaire en France, à savoir les banques alimentaires, les Restos du Coeur, le Secours populaire et la Croix-Rouge française est identique : la crise provoque un accroissement sans précédent du nombre de bénéficiaires. Mais, au-delà de la fréquentation, c'est aussi la durée et le renouvellement des recours à l'aide alimentaire qui traduisent la nature et l'ampleur des besoins.
En tant que membre du Conseil national de lutte contre les exclusions, où je représente l'Assemblée, j'ai pu évoquer cette situation avec ces grandes associations bénéficiaires de l'aide alimentaire européenne et leur rappeler l'engagement de la France à défendre avec détermination auprès des autorités européennes la préservation d'un programme européen bénéficiant d'un financement conséquent et suffisant pour assurer l'aide alimentaire dans l'ensemble des pays de l'Union. Mais, dans le dispositif présenté par la Commission, des zones d'ombres subsistent. Le Fonds de solidarité de l'Union européenne tel qu'il existe n'a pas été conçu pour répondre à l'urgence alimentaire. De nouvelles procédures vont devoir être mises en place. Les associations risquent de ne pas toujours avoir les moyens de monter des dossiers complexes de demandes. Par ailleurs, elles ne possèdent pas forcément la trésorerie nécessaire à l'avance de fonds. Or le dispositif tel qu'il existait jusqu'à aujourd'hui constituait pratiquement une des seules politiques solidaires orientées vers les femmes et les hommes plutôt que vers les structures.
Le futur dispositif en discussion présente l'énorme handicap d'être financièrement insuffisamment doté, alors que les besoins ne cessent d'augmenter : entre 115 et 120 millions de personnes vivent actuellement en dessous du seuil de pauvreté en Europe, dont quarante millions n'ont pas accès à une alimentation saine. Nous sommes bien loin de l'objectif que s'était fixé l'Europe d'ici à 2020 d'atteindre le chiffre de vingt millions de personnes et je ne pense pas que ce nouveau dispositif puisse apporter une réponse adéquate. Or non seulement l'enveloppe diminue, mais elle bénéficiera aux vingt-sept pays de l'Union contre dix-huit aujourd'hui. Cela nous amène à la question du cofinancement par les gouvernements. Par exemple, quid des pays en grandes difficultés qui ne pourront pas abonder le Fonds ? Les associations ont besoin de nous et je leur confirme que notre majorité parlementaire ne leur fera pas défaut comme le leur a rappelé le Président Bartolone, lundi dernier, lors de sa conférence de presse à l'Assemblée. Mais je sais aussi que les négociations à venir seront extrêmement délicates, car, si une majorité de pays est aux côtés de la France pour soutenir un tel dispositif, l'idée même de son existence est encore contestée par certains États membres.
L'accord signé par le gouvernement précédent a condamné le PEAD et a malheureusement conforté l'idée que l'aide aux plus démunis était une question interne à chaque État. J'entends ce qu'a dit M. Le Maire et je le crois, mais c'est tout de même le gouvernement auquel il appartenait qui a entériné cette décision ! Dans tous les cas, telle n'est pas notre position et il est temps, aujourd'hui, de rappeler à nos partenaires que la solidarité européenne ne doit pas s'exercer qu'au bénéfice du système financier, mais aussi et avant tout pour les peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)