Intervention de Bernard Cazeneuve

Séance en hémicycle du 24 janvier 2013 à 15h00
Débat sur le projet de fonds européen d'aide aux plus démunis

Bernard Cazeneuve, ministre délégué :

Madame la présidente Danielle Auroi, je tiens à vous remercier d'avoir organisé ce débat sur le Programme européen d'aide aux plus démunis. C'est là un sujet d'actualité, puisque nous devrons, à l'occasion du Conseil européen du 7 février prochain, discuter du volume du budget européen et définir les conditions dans lesquelles il est affecté aux différentes politiques de l'Union européenne.

J'ai écouté les différents orateurs qui se sont exprimés sur tous les bancs de l'Assemblée. Je voudrais les remercier, toutes tendances politiques confondues, pour la qualité de leur contribution à nos échanges et profiter de l'occasion qui m'est offerte de leur répondre pour apporter quelques informations sur des sujets qui me paraissent essentiels pour la clarté de nos débats et pour préciser les conditions dans lesquelles nous allons conduire la négociation dans les jours qui nous restent afin d'élaborer un bon budget en faveur de l'Union européenne et, plus particulièrement, en faveur des plus démunis.

J'insisterai, tout d'abord, sur les faits. Il me semble important, surtout lorsque l'on appelle à l'unité politique, de bien rappeler les événements qui ont jalonné les discussions qui se sont déroulées entre les partenaires de l'Union européenne depuis de nombreux mois autour des enjeux de l'aide aux plus démunis. La politique d'aide aux plus démunis a été, jusqu'à présent, adossée à la politique agricole commune. Ainsi, en 1987, l'existence de surplus agricoles a conduit les pays de l'Union européenne à proposer d'en affecter une partie à l'aide alimentaire directe. Les réformes successives et les évolutions qu'a connues la politique agricole commune ont entraîné la diminution de ces surplus agricoles. La Commission européenne a, alors, compensé leur disparition par une aide financière prélevée sur le budget de la politique agricole commune. Or le financement du Programme d'aide aux plus démunis au titre de la politique agricole commune, parce que sans fondement législatif, faisait reposer cette contribution sur des bases légales fragiles. Les Allemands, en désaccord avec le financement de ce programme, ont profité de la faiblesse de la base légale du PEAD pour interroger la Cour de justice de l'Union européenne, laquelle leur a donné raison. À partir de ce moment, il a été proposé de trouver des solutions pour maintenir ce programme en y affectant des sommes. Une minorité de blocage s'est, alors, constituée au sein de l'Union européenne qui a conduit au moins six pays de l'Union à s'opposer à ce qu'une solution soit trouvée. Les Français ont souhaité que l'on maintienne jusqu'en 2013 le financement de ce programme, mais ils l'ont fait, et il convient de le rappeler, car ce sont des faits incontestables, au prix d'un accord passé avec les Allemands aux termes duquel notre pays s'engageait à ne plus rien demander au titre de ce programme en faveur des plus démunis. Dans une déclaration commune inscrite au procès-verbal du Conseil, il était indiqué par les gouvernements français et allemand que les conditions n'étaient pas réunies pour la présentation par la Commission et l'adoption par le Conseil d'une proposition relative à un nouveau programme pour l'après 2013 et qu'ils ne pourraient pas accepter les propositions de nature juridique et financière que la Commission pourrait formuler, à l'avenir, concernant un tel programme. Cela signifie, très concrètement, que nous avons acté qu'il n'y avait ni d'issue juridique ni d'issue financière pour que ce programme puisse demeurer dans le temps.

Monsieur le député Arnaud Richard, vous appelez au consensus. Je suis tout à fait favorable au consensus et à l'unité politique parce qu'il est des moments où il convient de dépasser les clivages. Mais on dépasse d'autant mieux ces clivages que l'on connaît l'endroit d'où l'on part et la direction vers laquelle on veut aller ! Vous nous indiquez que nous devons faire aussi bien que le gouvernement précédent. Nous n'aurons pas de mal, puisqu'il a acté la disparition du programme ! Cela figure dans le compte rendu du Conseil européen. Donc faire mieux que le précédent ne sera pas un exercice très difficile, puisque nous partons, aujourd'hui, d'une situation où il n'existe plus aucun fondement juridique à l'existence de ce programme et qu'il a fallu que nous nous battions, dans le cadre de l'élaboration du budget de l'Union européenne pour la période 2014-2020, afin de réinscrire ce programme. Comme nous ne voulons pas qu'il fasse l'objet d'une discussion compromettant son avenir et qu'il soit aussi fragile juridiquement que l'était le précédent, mais qu'il dispose de bases légales lui permettant d'être stabilisé, donc de ne plus être remis en cause, nous avons demandé à ce qu'il soit rattaché à la politique de cohésion au titre du FSE.

Je vous rassure donc, monsieur le député, ainsi que M. Le Maire, nous sommes bien déterminés à nous battre pour que ce programme soit doté. Vous nous invitez à faire aussi bien qu'avant. Ce ne sera pas difficile puisque nous partons de rien, et nous essaierons de faire en sorte que le budget et les textes législatifs permettant son affectation en garantissent la prorogation.

Un grand nombre d'entre vous, Mme Guittet, dont je salue le travail, M. Chassaigne, M. Léonard, ont évoqué les problèmes posés par l'arrimage de ce programme au Fonds social européen.

J'ai reçu ce matin avec Marie-Arlette Carlotti l'ensemble des représentants des associations, qui sont mobilisées, pour leur expliquer où en était la négociation et pourquoi nous avions finalement intérêt, en dépit des inconvénients que cela représentait, à arrimer ce programme au Fonds social européen. D'abord, c'est le pérenniser, parce que nous aurons la base législative garantissant qu'il ne sera pas remis en cause année après année. Par ailleurs, une négociation budgétaire au sein de l'Union européenne, ce sont des discussions sur un volume budgétaire, et ce sont des discussions sur les textes législatifs élaborés en codécision par le Parlement et la Commission qui permettront de déterminer les conditions d'affectation de ces sommes. Lors de l'élaboration des bases légales à partir desquelles on affectera ces sommes, nous pourrons donc prévoir des conditions de souplesse qui permettront aux associations de ne pas subir de préjudice en raison du rattachement de ces fonds au FSE.

Nous devrons être très vigilants, les parlementaires européens mobilisés, le gouvernement français attentif, et nous devrons continuer à travailler collectivement pour que les bases législatives qui permettront l'affectation des sommes soient bien conformes à ce que les associations attendent. Nous en avons parlé de façon très approfondie avec elles ce matin et nous serons très vigilants sur ce point.

Vous avez raison, monsieur Richard, 2,5 milliards, ce n'est pas suffisant, mais, lorsque nous sommes arrivés il y a six mois dans la négociation avec nos partenaires européens sur le budget de l'Union européenne pour la période 2014-2020, la position française était alignée sur celle du gouvernement britannique, qui demandait 200 milliards de coupes. Par ailleurs, on avait promis le maintien intégral du budget de la politique agricole commune. Le précédent gouvernement voulait une diminution de 200 milliards du budget de l'Union européenne comme le demandent les Britanniques et le maintien de la politique agricole commune.

Moi, je ne sais pas comment on peut diminuer l'enveloppe de 200 milliards en maintenant le budget de la politique agricole commune tout en maintenant les autres budgets, voire en les augmentant. Pour réussir une telle équation, il fallait avoir un talent dont nous ne disposons pas, je le reconnais bien volontiers, qui consiste à dépenser plus avec moins d'argent. Je ne sais pas le faire, c'est la raison pour laquelle nous n'avons pas repris la position du précédent gouvernement, nous n'avons pas souhaité qu'il y ait 200 milliards de coupes dans le budget de l'Union européenne.

Pour un certain nombre de pays, la négociation à vingt-sept sur le budget de l'Union européenne doit se réduire à des discussions sur des coupes dans le budget et des rabais et des chèques pour les États. Tel n'est pas notre cas. Lorsque nous serons autour de la table du Conseil européen la semaine prochaine, nous aurons à discuter avec bien des pays qui demanderont des coupes, drastiques, dans le budget, et des chèques pour eux-mêmes. Nous, nous ne voulons pas que le budget connaisse des coupes supplémentaires et nous ne demandons pas de chèques pour nous. Nous voulons un bon budget pour la croissance. Aujourd'hui, le budget de l'Union européenne consacré à la croissance, la rubrique 1a, augmente de 57 %, le programme Connecting Europe,pour la transition énergétique, les transports propres, la numérisation du territoire, de 400 %. Nous n'avons pas envie que ces sommes soient amputées et nous avons bien envie que le PEAD soit augmenté. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons changé de stratégie sur le budget de l'Union européenne en ne demandant pas des coupes et des chèques pour nous-mêmes.

Voilà quel est le cadre de la négociation. Ce sera difficile. Ce matin, lorsque nous avons reçu les associations, je n'ai pas souhaité qu'on leur raconte que les choses étaient réglées et que nous obtiendrions satisfaction au mois de février. L'Europe, c'est un combat. Cela ne se décrète pas, cela se construit. On mène des luttes, et on obtient des résultats parce que l'on essaie d'y mettre du coeur, de l'énergie, des convictions, une vision, et d'emporter les doutes de tous ceux qui ne sont pas en accord avec nous.

Monsieur Léonard, l'Europe en tant qu'institution n'a mobilisé aucun moyen pour la finance. Pas un euro n'a été mobilisé au titre du budget de la Commission. C'est contraire aux orientations de l'Union européenne, cela ne correspond pas à l'affectation de ses budgets. Les seuls moyens mobilisés par les pays de l'Union européenne l'ont été par le biais des mécanismes européens de stabilité, le fonds européen de stabilité financière, financé par les États et non par les institutions européennes, et pour venir au secours non pas des banques mais des États. La mobilisation de ces fonds pour recapitaliser les banques a dispensé les États de faire appel aux marchés financiers à des taux d'intérêt qui auraient ruiné les efforts de rétablissement de leurs comptes réalisés par ailleurs.

Nous avons donc un combat à mener, nous allons le mener avec détermination, et nous rendrons compte devant la représentation nationale des résultats que nous avons obtenus. Sachez, toutes tendances confondues dans cet hémicycle, que le Gouvernement français est absolument déterminé à faire en sorte que ce programme d'aide aux plus démunis soit correctement doté. Nous travaillerons en très étroite liaison avec les associations, dont les bénévoles donnent leur temps sans compter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et UDI.)

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