Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est toujours difficile de prendre la parole cinq minutes après un travail de presque une année d'évaluation et de contrôle d'une politique publique qui est certainement l'une des plus délicates et des plus complexes dans notre pays, même si elles le sont toutes.
Je tiens moi aussi à saluer les conditions dans lesquelles nous avons travaillé. Je salue les services de l'Assemblée, le comité d'évaluation et de contrôle, l'ensemble des membres de la Cour des comptes et de l'administration qui nous ont accompagnés pour produire un rapport qui, je crois, fait assez référence en la matière, et c'est une vraie satisfaction.
Je salue le fait de vous retrouver toutes les deux au banc, madame la ministre, madame Hoffman-Rispal. Nous avions quelques petites inquiétudes pendant ces travaux mais vous avez trouvé une solution et j'en suis très heureux.
En menant ce travail sérieux et transpartisan, nous avons rencontré des situations très difficiles, au centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre notamment.
L'appui de la Cour des comptes s'est révélé essentiel dans un domaine où l'anathème et les postures sont souvent de mise, et sur un sujet complexe, à la croisée de la précarité, du quart-monde français, de l'asile et du logement social, qui touche en somme à l'ensemble des politiques sociales.
Le travail que nous avons réalisé me donne à penser – ne le prenez pas mal, madame la ministre (Sourires) – que les propositions que vous faites s'inscrivent, malgré quelques petits changements, dans la continuité de la politique publique menée par votre prédécesseur, Benoist Apparu, et, avant lui, par Catherine Vautrin, Marc-Philippe Daubresse ou Nelly Olin. C'est heureux.
Nous prenons acte des propositions faites il y a quelques jours par le Gouvernement sur l'hébergement et le plan quinquennal de lutte contre la pauvreté, l'augmentation du nombre de places de CADA – centre d'accueil pour demandeurs d'asile – et d'hébergement d'urgence, comme la volonté réaffirmée de développer l'intermédiation locative. Pour autant, ces annonces interviennent, alors que les diagnostics territoriaux ne seront réalisés par les préfets qu'au 1er trimestre 2013.
Par ailleurs, si elles marquent une différence par rapport aux positions défendues par Benoist Apparu, elles masquent mal que l'orientation globale de votre politique demeure proche de ce qu'ont réalisé les précédents gouvernements avec les SIAO – services intégrés d'accueil et d'orientation – et les CCAPEX –commissions de coordination des actions de prévention des expulsions. La refondation qui avait était entreprise se poursuit donc, et je m'en félicite. Elle n'était pas parfaite et beaucoup restait encore à faire, mais le sillon creusé l'était assez profondément.
Le gouvernement actuel met l'accent sur la construction et l'élargissement de l'offre de logement pour les plus défavorisés : c'était déjà l'engagement pris par la nation, dans le cadre de la première loi de programmation sur la cohésion sociale, portant sur les années 2005 à 2010.
Je sais, pour être membre du CNLE, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, et avoir oeuvré, aux côtés de son président, Étienne Pinte, auprès du précédent Premier ministre, que la question du mal-logement et des sans-domicile-fixe méritait d'être intégré à un plan d'ensemble. Vous l'avez fait, et c'est une bonne chose pour qui veut remettre de la cohérence dans les politiques publiques.
Danièle Hoffman-Rispal l'a dit, beaucoup de nos préconisations ont été, sont ou seront mises en oeuvre. Nous nous en félicitons car elles correspondent aux attentes de tous les acteurs qui oeuvrent dans ce domaine. J'ai confiance en la capacité de notre pays à résoudre ce problème lourd et complexe, loin de l'anathème et des postures.
Vous vous engagez à construire 150 000 logements par an. C'est courageux, et je vous demanderai si vous pensez pouvoir vous y conformer dès 2013, car cette production massive de logements sociaux est indispensable pour la réussite du plan d'ensemble.
Pour résumer notre rapport, je citerai, sans le tronquer, un ancien élu des Yvelines, Michel Rocard, selon qui « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre fidèlement sa part ». On a longtemps oublié de finir le propos de Michel Rocard, ce qui était assez inconvenant à son égard. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Reprenant ces propos, je suis convaincu que notre pays est un État de droit et que nous devons respecter les conventions de Genève sur l'asile, mais pas plus. Pour cela, et face à la raréfaction des finances publiques, il me semble nécessaire de désengorger les structures d'hébergement d'urgence et de réinsertion sociale par une meilleure prévention des expulsions locatives ; par des financements pluriannuels et des budgets sincères – mais je sais que, dans la négociation que vous menez avec le ministère des finances, vous vous y employez, madame la ministre ; par un renforcement des dispositifs du logement d'insertion que sont les maisons relais, les pensions de famille ou l'intermédiation locative, à laquelle je crois beaucoup ; par une réorganisation de l'État au niveau local comme national, cohérente et stable ; par des financements et des lignes budgétaires souples entre les programmes, que ce soit pour les démunis ou les exclus ; par une meilleure articulation enfin entre les actions menées par l'État et par les collectivités locales, notamment les conseils généraux.
Malgré la brièveté de mon propos, je me devais de saluer l'ensemble des associations et des bénévoles qui oeuvrent dans ce secteur. Il s'agit en effet d'une politique massivement financée par l'État mais s'appuyant pour l'essentiel sur des opérateurs associatifs. Il faut ici leur rendre un grand hommage, comme nous l'avons fait lors du débat précédent, sur l'aide alimentaire aux plus démunis.
L'inconditionnalité a toujours été réaffirmée, par tous les présidents de la République, qu'il s'agisse de Jacques Chirac, de Nicolas Sarkozy ou de François Hollande. C'est la grandeur de la France, même si je demeure convaincu qu'il faudra sans doute, compte tenu des financements de plus en plus réduits, savoir être innovants et faire preuve de volontarisme pour affronter cette question sensible. Et je vous fait entièrement confiance, madame la ministre, pour ne pas oublier les « SDF invisibles », ceux qui vivent dans leur voiture ou dans une cage d'escalier, loin des regards et des médias. Ils sont une frange de ce quart-monde français auquel nous devons apporter une réponse politique. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)