Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du 24 janvier 2013 à 15h00
Débat sur la politique de l'hébergement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili :

Si le gouvernement de l'époque s'est préoccupé du problème du logement, il a en effet délaissé celui de l'hébergement d'urgence.

Derrière un discours affichant une volonté de réforme, c'est en fait une politique restrictive, y compris sur le plan budgétaire, qui a été menée, sans considération des besoins réels et de leur aggravation.

Afin de remédier à la crise du logement qui touche de façon dramatique les plus démunis d'entre nous, l'excellent rapport de Danièle Hoffman-Rispal et d'Arnaud Richard comporte de nombreuses et très opportunes propositions.

Là est l'intérêt de ce débat : s'intéresser, à partir du douloureux bilan de la situation de l'hébergement d'urgence, aux propositions d'actions contenues dans ce rapport et mesurer combien la crise du logement à laquelle nous sommes confrontés exige des réponses fortes, un changement d'approche et un profond volontarisme.

C'est justement ce à quoi s'emploie le nouveau gouvernement. J'y reviendrai plus tard.

À quelle situation la nouvelle majorité doit-elle faire face ? Il manque encore aujourd'hui en France plus de 900 000 logements et pas moins de 3,6 millions de personnes sont mal logées ou sans abri, parmi lesquelles 600 000 enfants.

L'habitat est devenu un facteur déterminant, sans doute le facteur majeur, de la précarisation accrue d'une partie de la population, du fait de la hausse incontrôlée des prix du foncier et des loyers, mais également du renchérissement du coût de l'énergie.

Du fait de l'aggravation de la crise économique, la situation s'est encore dégradée pour les familles pauvres, les demandeurs d'asile, les jeunes sans ressources. En France, 23 % des jeunes sont pauvres.

Ces personnes se trouvent souvent, par défaut, dans des structures inadaptées à leur situation et en sortent avec beaucoup de difficultés, faute d'alternatives.

Selon le dernier baromètre du 115, rendu public le 14 janvier dernier, les demandes d'hébergement ont augmenté et certains territoires, jusque là préservés, rencontrent aujourd'hui des difficultés, comme la Dordogne, le Jura, le Morbihan, la Drôme ou encore les départements d'outre-mer.

La sociologie de ces appelants fait apparaître que les demandeurs d'hébergement sont majoritairement des familles. Or, ce sont elles qui essuient le plus de refus, les structures adaptées susceptibles de les recevoir étant nettement moins nombreuses.

Faute de places, certains départements doivent faire jouer l'alternance pour répondre au plus de demandes possibles.

De plus en plus de territoires sont aujourd'hui en flux tendu et les travailleurs sociaux ont d'énormes difficultés à faire face à ce raz-de-marée de pauvreté et de précarité. C'est pourquoi la territorialisation des politiques est nécessaire.

À cet égard, la mission de suivi, d'évaluation et de déclinaison territoriale du plan de lutte conte la pauvreté va dans le bon sens.

La bonne coordination de l'ensemble des acteurs concernés au niveau local est également un impératif : État, collectivités territoriales et associations doivent travailler main dans la main pour relever le défi de la lutte contre la pauvreté et de la crise du logement.

La participation de tous est nécessaire car la nouvelle majorité a bel et bien hérité d'une situation de crise en matière de logement.

La logique du « tous propriétaires » promue par la précédente majorité était très dangereuse, représentant un leurre prompt à endetter les ménages, creuser les inégalités et aggraver l'étalement urbain, sans pour autant permettre aux plus modestes d'accéder à la propriété.

Le chantier est titanesque et la refondation, telle que plaidée dans le rapport, urgente et nécessaire.

Le logement est devenu, avec l'emploi, l'une des préoccupations principales des Français et une question fondamentale pour nous, écologistes.

D'ailleurs, face à la crise, le logement est devenu un élément constitutif de l'attractivité et du dynamisme de notre économie. Selon une récente étude de l'OCDE, une hausse de 10 % du prix des logements fait ainsi baisser de 1,5 % les exportations, entraîne un gel de l'épargne et bloque la mobilité professionnelle.

Nous pouvons donc nous réjouir que le ministère du logement ait été confié à une écologiste. Ministre de plein exercice et numéro six dans l'ordre protocolaire gouvernemental, voilà qui témoigne de la priorité accordée par la majorité à la politique du logement.

Ce nouveau gouvernement a relevé le défi de la crise du logement et a su tenir compte des préconisations de ce rapport.

Des mesures fortes ont d'ores et déjà été prises ou annoncées, qu'il s'agisse de la loi sur le logement social et la mobilisation du foncier, qui a été votée, du futur projet de loi cadre sur l'urbanisme et le logement pour tous, ou des différentes mesures annoncées sur le volet logement dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale.

Le rapport dont nous débattons aujourd'hui appelle à une « refondation » de la politique de l'État en matière d'hébergement et d'accès au logement. C'est exactement en ce sens que travaille la majorité !

La politique que vous menez, madame la ministre, reprend d'ailleurs la plupart des propositions de ce rapport.

Je prendrai un seul exemple, celui du déficit du nombre de places d'accueil d'urgence.

Pourquoi ce rapport préconise-t-il de mettre en place rapidement un service public efficace de l'hébergement et de l'accès au logement des plus démunis ? Parce qu'en France des dizaines de milliers de personnes dorment chaque nuit dans la rue.

En 2011, lorsque les auditions pour ce rapport ont été réalisées, le nombre de places d'hébergement était évalué à 80 000 pour 150 000 personnes sans domicile ! Et ce déficit n'est pas que saisonnier, ce qui explique que le rapport appelle à la pérennisation tout au long de l'année des places d'hébergement supplémentaires ouvertes l'hiver.

Pour répondre aux défis de l'hébergement d'urgence, le Premier ministre a fait plusieurs annonces, le 11 décembre dernier, en clôture de la Conférence nationale contre la pauvreté.

En 2013, 4 000 places d'hébergement d'urgence et 4 000 places en centre d'accueil pour demandeur d'asile seront créées, soit 8 000 places au total, lesquelles s'ajoutent aux 1 000 places déjà budgétées en 2013.

Au final, 9 000 places d'hébergement supplémentaires seront créées, en parallèle d'une réflexion sur la pérennisation de l'hébergement tout au long de l'année.

C'est là un enjeu de taille : ne plus gérer sur la seule période hivernale et dans l'urgence le problème des hébergements afin de ne plus voir se multiplier les expulsions au printemps et retrouver les mêmes problèmes, aggravés, l'hiver suivant.

Au-delà des solutions ponctuelles, la réflexion sur la pérennisation doit aussi être comprise plus globalement afin de proposer des logements dignes et dans la durée à ceux qui se retrouvent soudainement à la rue.

Par ailleurs, pour accompagner les sans-abri vers le logement, le Premier ministre s'est également engagé à créer 9 000 places en logement adapté, c'est-à-dire en maison-relais ou grâce au système d'intermédiation locative.

Lundi dernier, le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale a été adopté et de nombreuses mesures complètent celles annoncées courant décembre.

Ce plan s'articule autour de trois axes principaux : réduire les inégalités et prévenir les ruptures, venir en aide et accompagner vers l'insertion, coordonner l'action sociale et valoriser ses acteurs.

Le Gouvernement a annoncé la création de 7 000 places d'intermédiation locative, en alternative à l'hébergement, en 2013, et le renforcement des actions du fonds national de l'accompagnement vers et dans le logement.

Il a également été indiqué combien il était prioritaire de prévenir les expulsions afin d'éviter de nombreuses situations d'urgence qui pourraient être réglées différemment.

Votre ministère doit par ailleurs financer un appel à projets « innovants » visant à favoriser l'accès au logement et la prise en charge adaptée des personnes en situation de rupture.

Trois publics spécifiques sont particulièrement concernés : les femmes victimes de violences, les personnes sortant de prison, les jeunes en grande difficulté ou les grands exclus.

La question de l'hébergement des mineurs isolés étrangers est particulièrement préoccupante, notamment chez moi, dans la Somme, où le manque de places d'accueil spécifiques pour ce public conduit parfois à des drames.

Le conseil général fait son possible, mais nous aurions besoin d'une approche plus globale, qui tiendrait compte des différences territoriales avec un système de péréquation, y compris financière.

Il en est de même pour l'accueil des femmes victimes de violences. À Amiens, l'UDAUS – union départementale d'accueil d'urgence sociale – refuse régulièrement, faute de place, des femmes victimes de violences.

Nous savons combien cet enjeu préoccupe le Gouvernement mais il y a urgence : 2 millions de femmes sont victimes de violences conjugales chaque année.

Je le sais, le Gouvernement est attentif à ces situations spécifiques. Toutes les mesures annoncées vont d'ailleurs dans le bon sens. Elles attestent d'une volonté politique de changement et témoignent d'un effort certain en cette période de vache maigre budgétaire.

Des associations, comme la Fondation Abbé-Pierre, reconnaissent que ces mesures vont dans le bon sens, notamment les annonces de réquisition des immeubles vacants. Face à la gravité de la situation, face aux dizaines de milliers de personnes à la rue, il est plus que temps d'agir, et tous les moyens doivent être utilisés, y compris la réquisition.

La nécessaire « refondation » en termes de politique d'hébergement, nous y sommes !

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