Intervention de Stéphane Travert

Réunion du 2 mars 2016 à 9h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Travert :

Je tiens d'abord à saluer, au nom de l'ensemble de mes collègues du groupe Socialiste, républicain et citoyen, l'excellent travail mené par notre président Patrick Bloche sur cette proposition de loi.

Ce texte poursuit plusieurs objectifs : renforcer la liberté, préserver l'indépendance des journalistes et la pluralité des médias.

Les événements récents relatifs à la non-diffusion de documentaires sur Canal + ou encore les propos sans équivoque du dirigeant de M6 qui indiquait « ne pas supporter que l'on dise du mal de ses clients sur sa chaîne », ont pu inquiéter sur l'évolution de la démarche informative de certaines chaînes, corrélée à une forte concentration en marche depuis près de deux ans dans le secteur des médias.

Face à ce mouvement inédit, il nous est proposé aujourd'hui d'examiner une proposition de loi qui n'est ni punitive ni « anti-Bolloré », comme certains voudraient l'imaginer, mais qui vise à rappeler le rôle essentiel des journalistes au coeur du processus de fabrication de l'information et des programmes, et à leur garantir le droit de refuser toute pression pour modifier la forme ou le contenu d'un article, d'une émission ou d'une contribution.

Il n'est donc pas proposé ici de court-circuiter la chaîne des responsabilités au sein des rédactions, comme s'en inquiètent certains dans la presse écrite, mais de garantir à tous les journalistes un droit opposable, fondé sur l'intime conviction des professionnels du journalisme. Cette intime conviction reposera bien sûr sur les chartes des devoirs et des droits des journalistes – telle la charte de déontologie de Munich – signées dans les entreprises de presse.

En ce sens, l'article 1er de la proposition de loi étend à tous les journalistes, quel que soit le média dans lequel ils exercent, un droit d'opposition, réservé aujourd'hui aux seuls journalistes de l'audiovisuel public à l'article 44 de la loi de 1986. Le groupe Socialiste, républicain et citoyen salue la proposition d'amendement du rapporteur, qui vise à reprendre l'intégralité de cet article de la loi de 1986 en ajoutant également que tout journaliste a le droit de refuser de divulguer ses sources. Il proposera un amendement visant à renforcer la dimension collective de ce droit de refus individuel, en permettant la consultation du comité d'entreprise chaque année sur le respect de ce nouvel article de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

Je veux relever également un amendement de notre rapporteur, que nous jugeons intéressant, visant à créer un collège électoral spécifique aux journalistes professionnels au sein des comités d'entreprise.

L'article 2 de la proposition de loi définit le rôle joué par le CSA afin de garantir le triptyque que nous mettons au coeur de cette loi : honnêteté, indépendance et pluralisme de l'information et des programmes. Il s'agit là d'une avancée certaine pour l'autorité de régulation puisque, aujourd'hui, elle n'émet des recommandations qu'au regard du respect du seul principe du pluralisme. Cet article étend donc la possibilité au CSA d'émettre des recommandations en matière d'honnêteté et d'indépendance de l'information et des programmes. Ces trois principes seront inscrits dans les conventions liant les chaînes de télévision au CSA et leur respect sera examiné au moment du renouvellement d'une convention ou de la délivrance d'une autorisation d'émettre. Il est également proposé que le CSA veille à ce que les intérêts économiques ne portent pas atteinte à ces principes.

Le groupe Socialiste, républicain et citoyen salue l'amendement de notre rapporteur, qui vise à clarifier le rôle du CSA et à ne pas créer un contrôle ex ante de la mise en oeuvre de ces principes, évitant ainsi l'écueil de faire de l'autorité de régulation un arbitre entre les journalistes et la direction.

L'article 7 instaure un comité d'éthique au sein de chaque chaîne de radio ou de télévision. Si certaines sociétés ont d'ores et déjà instauré des comités d'éthique en leur sein, la loi vient définir ce qui est entendu par « personnalité indépendante », tout en laissant ensuite à la société le loisir de définir la composition et les modalités de son fonctionnement dans sa convention la liant au CSA. Je tiens à souligner que le groupe Socialiste, républicain et citoyen présentera, à l'initiative de notre collègue Émeric Bréhier, un amendement visant à prolonger d'un an après le mandat l'impossibilité de prendre part aux activités de la société par toute personne ayant été membre du comité d'éthique.

Ce comité veillera à la bonne mise en oeuvre du triptyque « honnêteté, indépendance et pluralisme » et pourra s'autosaisir ou être consulté pour avis par un tiers. Il est à préciser que cette consultation « par toute personne », qui inquiète nombre de sociétés, n'est pas une saisine et n'engage pas, de fait, une procédure puisque le comité d'éthique sera chargé de se déclarer compétent ou pas sur la question éthique qui lui sera soumise.

Permettez-moi également de souligner que cette proposition de loi n'oubliera pas les médiateurs, d'ores et déjà présents dans un certain nombre de radios et de télévisions et qui jouent un rôle essentiel, le plus souvent entre le public et les journalistes de la chaîne ou de la radio. Aussi, je veux mettre en avant l'amendement proposé par notre rapporteur et ouvrant au médiateur, s'il existe, la possibilité de consulter le comité d'éthique.

Enfin, le secteur de la presse n'étant pas visé par les articles précédents puisque celui-ci ne dispose pas d'autorité de régulation, je souhaite évoquer l'article 11, qui tend à rendre plus transparente, aux yeux des lecteurs, la composition capitalistique des entreprises de presse, leur modification de statut ou le changement de dirigeant. Rendu obligatoire dans la loi « Warsmann » de simplification du droit du 17 mai 2011, les articles 5 et 6 de la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse obligent les entreprises éditrices à publier, dans chacun de leurs numéros, les noms des personnes physiques ou morales détenant au moins 10 % de leur capital. Il est quotidiennement constaté que cette disposition est peu ou pas appliquée. Aussi, nous vous proposerons d'adopter un amendement visant à entraîner la suspension de tout ou partie des aides à la presse dont bénéficie la société en cas de manquement à cette obligation légale, ainsi qu'en cas de non-respect du droit d'opposition des journalistes étendu par l'article 1er de cette proposition de loi.

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