Intervention de Isabelle Attard

Réunion du 2 mars 2016 à 9h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

Le présent texte était nécessaire et, contrairement à certains de nos collègues, je comprends, dans le contexte actuel, l'urgence de légiférer sur l'indépendance de la presse et sur la protection des journalistes. Cette proposition de loi, parfois surnommée « anti-Bolloré », concerne aussi d'autres patrons de presse. Il reste que le fameux documentaire sur le Crédit Mutuel n'est pas le seul à avoir été censuré. D'autres censures, à Canal +, ont secoué l'univers des médias au cours des derniers mois. Il était temps de faire réapparaître ce texte, rédigé dès 2011 par vous-même, monsieur Bloche, dans le cadre du programme du Parti socialiste.

Cela étant, je suis aujourd'hui dans le même état d'esprit que lorsque nous avons examiné la loi « anti-Amazon ». Il y avait alors urgence à protéger les petits libraires, qui travaillent magnifiquement dans nos communes, mais qui, pour beaucoup, ferment boutique à cause des conditions de vente et de distribution d'Amazon. Nous avons adopté une proposition de loi qui était, certes, louable, mais qui n'a eu quasiment aucun effet. Nous avions expliqué en commission des Lois comment Amazon contournerait le problème.

Je crains que cette proposition de loi, qui va dans le bon sens, je le répète, n'ait guère plus d'effets et ne nous permettent pas d'atteindre notre objectif. Nommer des amis pour être membres d'un comité éthique sera toujours possible, en effet. Ce n'est pas moi qui le dis, mais le journaliste Jean-Baptiste Rivoire, qui vous interpellait récemment sur cette question dans l'émission « Arrêt sur images ». Vincent Bolloré pourra toujours demander à ses amis de faire partie des comités d'éthique dès lors qu'ils n'auront pas de lien direct avec lui, économiquement parlant.

Si j'insiste, depuis 2012, sur l'importance d'un documentaire tel que Les nouveaux chiens de garde, c'est précisément parce qu'il montre à quel point la concentration de la presse dans les mains de quelques personnes au sommet de la puissance économique, l'imbroglio entre politiques, empires de presse et empires financiers ne sont bons ni pour la pluralité de la presse, ni pour la liberté de pensée, ni pour la liberté des journalistes. Je regrette que nous n'allions pas aussi loin que ce que vous-même aviez prévu en 2011 pour lutter contre la concentration des pouvoirs.

Chers collègues, je n'ai rien contre les patrons de presse. J'estime simplement qu'ils ne peuvent pas tout contrôler. La règle des deux tiers, qui interdit qu'une même personne ne puisse contrôler des acteurs puissants à la fois à la télévision, à la radio, et dans la presse écrite ou en ligne, ne suffit plus, les faits le montrent. Dans ce contexte nous avons déjà, aujourd'hui, des problèmes de censure et même d'autocensure. Certains journalistes, en effet, craignant les répercussions, n'osent plus proposer certains sujets à leur rédaction. Il est donc extrêmement important de lutter contre la concentration des pouvoirs pour garantir la liberté de pensée et permettre à nos concitoyens d'avoir accès à toute l'information, quelle qu'elle soit, même si elle dérange, même si elle déplaît. Nos amendements vont dans ce sens.

Par ailleurs, nous sommes nombreux, sur tous les bancs – Michel Pouzol, Stéphane Travert, Marie-George Buffet, vous-même, Patrick Bloche – à avoir rédigé des amendements concernant la protection du secret des sources ou les lanceurs d'alerte. Nous en avions déjà débattu lors de l'examen du premier projet de loi sur la protection des sources, qui a été enterré, et que nous avons, avec Marie-George Buffet et certains de nos collègues, essayé de ranimer par le biais d'une nouvelle proposition de loi.

Nous irons plus loin également en ce qui concerne la constitution des comités d'éthique. Et nous reviendrons comme je le disais sur la concentration des pouvoirs, car c'est à nos yeux la question majeure, s'agissant de la pluralité de la presse.

En tout état de cause, je vous remercie d'avoir mis ce sujet rapidement sur la table, car en la matière, il y a effectivement urgence.

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