Intervention de Gilda Hobert

Réunion du 2 mars 2016 à 9h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilda Hobert :

L'examen de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias nous éclaire sur les objectifs qu'elle vise et qui revêtent un caractère urgent et obligatoire.

Liberté, indépendance, pluralisme… Ces mots, ces valeurs ont chacun leur importance et sont intimement liés. Il s'agit, en effet, de veiller à la liberté d'information dans le respect du pluralisme des opinions ; une liberté qui ne saurait s'exercer sans l'indépendance dans le traitement de l'information.

Pour cela, vous avez, monsieur le rapporteur, mené un grand nombre d'auditions, qui ont toutes abouti au même constat. La situation, que vous décrivez dans votre rapport, s'est aggravée : je pense à la précarité des journalistes et à la fragilité des rédactions due à une baisse d'effectifs. Je citerai pour exemple une révélation du Canard enchaîné d'aujourd'hui concernant le nouveau statut de « journalistes itinérants » qui auront un salaire deux fois moins élevé que celui des journalistes du Monde, et ce, depuis le rachat de Rue89 par le « trio » Bergé-Niel-Pigasse.

Votre rapport trace les droits, mais également les devoirs des journalistes, à travers de grands principes déontologiques : le respect du secret professionnel, des preuves nécessaires pour étayer chaque propos, ou la lutte contre la calomnie. Sans interférer dans la définition des règles déontologiques, vous rappelez leur importance, et par-là même toute la complexité de ce corps de métier, ainsi que la difficulté à garder une éthique.

L'article 1er est clair : tout journaliste, et non plus uniquement ceux de l'audiovisuel public, est libre, non pas d'écrire ce qu'il veut – cela est fixé par la ligne éditoriale et par le rédacteur en chef –, mais de refuser d'écrire ce qui serait contraire à son intime conviction professionnelle.

Pour ce faire, cette proposition de loi a pour vocation de renforcer le pouvoir du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Outre ses missions de régulation, il pourra veiller à ce que les intérêts économiques des groupes ne portent pas atteinte aux principes que j'ai évoqués. Il sera également attentif au respect du pluralisme.

Le CSA, dont les missions sont définies par l'article 3-1 de la loi Léotard du 30 septembre 1986, devra donc garantir « l'honnêteté, l'indépendance, le pluralisme de l'information et des programmes ». Un CSA aux missions renforcées, mais qui devra, grâce à l'article 8 de la proposition, rendre compte de son action au Parlement. C'est une mesure indispensable, que je tiens à saluer. Il ne se substituera en rien, rappelons-le devant l'inquiétude de certains syndicats, aux relations professionnelles effectives entre le journaliste et la chaîne qui l'emploie, ou au juge du travail.

Néanmoins, et malgré cet objectif que je partage, qu'aurait, par exemple, pu faire le CSA face à la censure, sur Canal +, du documentaire sur le Crédit Mutuel ? Quel dispositif permettrait, selon vous, de lutter réellement contre la concentration des médias quand on sait que les grands groupes détiennent une part toujours plus importante de l'audiovisuel français ? Une concentration qui est préjudiciable pour le pluralisme auquel vous êtes attaché, monsieur le rapporteur, et qui devra être encore davantage l'objectif du CSA.

La question se pose, de fait, de l'efficacité des missions qui lui sont confiées. Je m'étais inquiétée, avec d'autres collègues, de l'affaire de la chaîne Numéro 23, comme de l'absence de sanctions sur le dérapage constaté dans les publicités. Comment pouvons-nous empêcher ces dérives de se renouveler, et encourager des initiatives destinées à limiter la concentration des médias ?

Je tiens à saluer à cet égard l'article 9, qui apporte une réponse concrète à la concentration grandissante. Il restaure, en effet, une interdiction plus solide de la détention de plus de 20 % du capital d'une société audiovisuelle par une personne de nationalité étrangère.

Comme vous le soulignez dans votre rapport, l'article 11, qui prévoit une modification de l'article 6 de la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, impose aussi une transparence supplémentaire bienvenue sur les changements dans les équipes dirigeantes et sur l'actionnariat des entreprises de presse.

Liberté, indépendance, pluralisme… Pour que le voeu de la garantie de ces principes ne soit pas pieux, cette proposition de loi est indéniablement nécessaire. Cependant, pour la rendre plus efficace, il conviendrait de prévoir des sanctions en cas de non-respect de leurs obligations par les rédactions. L'article additionnel après l'article 11 proposé par mes collègues du groupe Socialiste, républicain et citoyen visant à suspendre les aides publiques à la presse en cas de violation par les éditeurs me paraît totalement justifié.

Enfin, en tant que cosignataires d'une proposition de loi sur la protection du secret des sources, nous soutiendrons les amendements qui vont dans ce sens.

Au total, le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste sera favorable à cette proposition de loi.

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