Intervention de Marie-George Buffet

Réunion du 2 mars 2016 à 9h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

Monsieur le rapporteur, je commencerai en reprenant une phrase que vous avez prononcée : « la liberté, l'indépendance et le pluralisme de la presse relèvent d'un combat permanent ». Ce combat doit être mené par les journalistes et les rédactions ainsi que par leurs organisations représentatives. Mais nous le savons tous ici, tout combat a besoin d'une loi à laquelle s'adosser. La loi ne règle pas tout mais elle est un point d'appui dans le combat pour la démocratie.

Cette proposition de loi me semble relever de l'urgence. Vous avez souligné les menaces que constituent la concentration des médias et la précarité grandissante de la profession de journaliste. J'en ajoute une autre, présente dans certains pays européens, je pense à la Pologne : l'arrivée au pouvoir de gouvernements dont l'idéologie commande une reprise en main des médias, avec parfois une violence assez impressionnante.

L'urgence de cette proposition de loi ne se discute pas. Nous devons la travailler ensemble, comme le veut la tradition de notre Commission, afin d'apporter aux journalistes la garantie de leur liberté et de leur indépendance.

L'article 1er propose d'étendre, dans la loi sur la liberté de la presse, à l'ensemble des journalistes la protection dont bénéficient les journalistes de l'audiovisuel public en vertu de l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986. Cela me paraît très positif. Les journalistes ne pourront ainsi pas être contraints d'accepter des actes contraires à leur intime conviction professionnelle – vous avez insisté à juste tire sur ce caractère professionnel, monsieur le rapporteur.

Cet article s'inscrit dans la lignée de la Déclaration des droits et devoirs des journalistes, adoptée à Munich en 1971. Celle-ci précise que les « journalistes revendiquent le libre accès à toutes les sources de l'information et le droit d'enquêter librement sur tous les faits qui conditionnent la vie publique ». Elle prévoit que « le journaliste a le droit de refuser toute subordination qui serait contraire à la ligne générale de l'organe d'information auquel il collabore, telle qu'elle est déterminée par écrit dans son contrat d'engagement, de même que toute subordination qui ne serait pas clairement impliquée dans cette ligne générale » et qu'il « ne peut être contraint à accomplir un acte professionnel ou à exprimer une opinion qui serait contraire à sa conviction ou à sa conscience. »

La référence à la charte de Munich accentue mon regret que le texte soit muet sur la protection du secret des sources, sujet – l'actualité récente nous le rappelle – qu'il est urgent de traiter, avec par exemple le fait relevé par l'AFP, que le ministre de la défense aurait décidé d'ordonner une enquête pour compromission du secret de la défense nationale après la parution d'un article dans Le Monde sur l'implication de services spéciaux français en Libye.

Il me semble également nécessaire d'aller plus loin concernant la garantie de l'indépendance des rédactions. À cet égard, monsieur le rapporteur, la proposition de loi dont vous étiez l'auteur en 2010 constitue une source d'inspiration pour des amendements que nous avons déposés. Je proposerai également un amendement sur l'hyperconcentration, non pas pour limiter les investissements – la presse en a besoin – mais pour préserver l'indépendance des rédactions.

Enfin, je m'interroge sur le rôle confié au CSA. J'espère que le débat nous éclairera. Je suis dubitative sur la faculté donnée à cette instance de décider de ce qui relève de l'honnêteté. Sur cette question délicate, nous devons être à l'écoute des organisations représentatives de journalistes.

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine participera dès lors à ce débat avec l'envie d'adopter mais aussi d'enrichir votre proposition de loi.

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