Le CEC permet une évaluation des politiques publiques objective et non politicienne, puisque ce sont toujours un député de la majorité et un député de l'opposition qui s'emparent d'un sujet et travaillent de concert. Fait nouveau, la mission conduite par Danièle Hoffman-Rispal et Arnaud Richard a été enrichie d'un rapport de la Cour des Comptes, bénéficiant ainsi d'une expertise technique supplémentaire dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Quelle que soit la place que nous occupons sur ces bancs, nous partageons tous le même constat alarmant : trop de personnes restent en attente d'un hébergement adapté à leur situation. Au cours de la décennie écoulée, la politique d'hébergement d'urgence a connu des améliorations significatives. Le rapport reconnaît que les capacités d'accueil ont sensiblement augmenté entre 2004 et 2010, et plus particulièrement entre 2007 et 2009 : 32 000 places supplémentaires ont été ouvertes, soit une croissance de 62,2 %. À la fin de la législature précédente, ce sont 116 000 places qui ont été ouvertes.
En outre, la Cour des comptes a justement observé que l'augmentation du nombre des places s'est accompagnée, en particulier dans le cadre du plan de relance de l'économie, d'un plan d'humanisation des centres d'hébergement existants. Entre 2008 et 2010, ce ne sont pas moins de 175 millions d'euros qui ont été consacrés à la rénovation, la réhabilitation ou la construction de 23 % du parc, soit un total de 15 348 places ou logements. Ces initiatives concrètes ont été rendues possibles grâce à un substantiel effort budgétaire de l'État, en particulier du programme 177.
Au-delà de ces réponses chiffrées, bien évidemment attendues par nos concitoyens, le gouvernement précédent, sous l'impulsion de Benoist Apparu, secrétaire d'État puis ministre délégué au logement, a rénové l'organisation et la coordination en matière d'hébergement d'urgence et de logement social. La stratégie nationale 2009-2012 de prise en charge des personnes sans abri ou mal logées a mis en avant le « logement d'abord », avec l'objectif d'améliorer le service rendu aux personnes privées de logement en favorisant l'accès direct à un logement pérenne et en offrant un accompagnement social si nécessaire.
La circulaire du 8 avril 2010 a ainsi mis en place dans chaque département un service intégré d'accueil et d'orientation. Les rapporteurs constatent qu'il s'agit là d'une « réforme fondamentale pour la régulation de l'offre et de la demande d'hébergement d'urgence et d'orientation ». Ils ajoutent que « le SIAO doit constituer le premier maillon d'une chaîne rénovée de l'hébergement et de l'insertion des personnes sans domicile, dans le contexte de la stratégie du « logement d'abord » ». La Cour des Comptes précise que les SIAO « assurent la régulation des orientations car ils disposent d'une vision exhaustive du parc d'hébergement d'urgence, de stabilisation et d'insertion ainsi que de tout ou partie du parc de logement de transition. Ils reçoivent toutes les demandes de prise en charge et orientent les personnes vers la solution la plus adaptée à leur situation ». Les SIAO ont donc pour vocation de coordonner et de simplifier le travail effectué par les associations, les bailleurs sociaux et les différents services publics afin de proposer une offre d'hébergement et d'accès au logement plus structurée et plus efficace.
Ainsi, la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion du 25 mars 2009 a prévu la planification de l'offre au moyen de plans départementaux d'accueil, d'hébergement et d'insertion des personnes sans domicile. Très concrètement, ces plans ont permis de réunir autour d'une même table les acteurs locaux – collectivités territoriales, associations, bailleurs sociaux, CAF et usagers – afin de définir pour cinq ans un état des lieux et des objectifs à atteindre. Il s'agit là encore de rationaliser les initiatives et de favoriser une action concertée au bénéfice de la prise en charge des personnes sans domicile.
Nous entendons les critiques ici ou là. Nous constatons les retards et certaines insuffisances. Mais ces outils sont neufs. Les acteurs locaux doivent bien évidemment se les approprier et les intégrer dans leurs missions quotidiennes. Les élus du groupe UMP sont donc très attentifs à la bonne utilisation de ces outils que vous piloterez, madame la ministre, nous n'en doutons pas.
Naturellement, ces outils ne sont pas opérationnels uniquement l'hiver. Ils ne se contentent pas de permettre un hébergement d'urgence par grand froid. Ils s'inscrivent dans une politique plus globale, celle du « logement d'abord ». Nous pensons en effet que la politique d'hébergement d'urgence passe par une politique de logement durable.
C'est d'ailleurs tout au long de l'année que le 115 enregistre des appels et c'est malheureusement aussi tout au long de l'année qu'il ne peut répondre à toutes les demandes. Il serait donc nécessaire, comme le préconisent les rapporteurs, d'une part de pérenniser les places d'hébergement, d'autre part de favoriser l'accès au logement durable, ce qui conduirait à une plus grande rotation dans l'hébergement d'urgence. Les personnes accueillies dans un hébergement d'urgence ne devraient donc y rester que le temps nécessaire et accéder ensuite à un logement dans les meilleurs délais. Je pense tout particulièrement aux femmes victimes de violences conjugales qui quittent leur domicile.
La clé de cette politique réside dans la construction de logements. C'est ce que nous avons fait lorsque nous avions la majorité, puisqu'en cinq ans nous avons permis la construction de deux millions de logements, contre 1,6 million entre 1997 et 2001, dont 600 000 logements sociaux. Le Gouvernement annonce vouloir aller encore plus loin puisque vous ambitionnez, madame la ministre, la construction de 500 000 logements par an dont 150 000 logements sociaux. Cette ambition est louable mais est-elle réalisable ?
Permettez-moi d'en douter. En effet, les mesures adoptées depuis huit mois vont à l'encontre de ces objectifs. Je vous en donnerai simplement quelques illustrations.
La loi sur le logement social prévoit la mise à disposition gratuite des terrains de l'État aux collectivités territoriales pour libérer du foncier. Tout au long des débats parlementaires, nous vous avons alertée sur le caractère potentiellement contre-productif de cette mesure. En effet, dans un contexte de baisse des dépenses de l'État, des personnes publiques pourraient souhaiter augmenter leur budget en vendant des terrains inutilisés. Or, avec une décote allant jusqu'à 100 %, il n'y a plus aucun intérêt à vendre ces terrains.
De même, dans le cadre de la loi de finances rectificatives adoptée fin décembre, le taux de TVA passe de 7 % à 10 %. Le secteur du bâtiment est une des premières victimes de cette mesure. Selon les estimations de la Fédération française du bâtiment, ce secteur devrait enregistrer en 2013 un recul de 3,5 % de son activité et une perte de 40 000 emplois.
Ces deux exemples illustrent à quel point vos objectifs en matière de construction de logement semblent difficiles à atteindre.
Enfin, depuis plusieurs semaines, nous vous entendons beaucoup parler de réquisitions de logements, comme si cette mesure était la solution miracle. Pour notre part, madame la ministre, nous pensons que cela ne peut constituer la clé de voûte d'une politique du logement efficace et durable. Non seulement la réquisition va à l'encontre du droit constitutionnel de propriété, mais surtout, elle n'est pas efficace.
Certes, en 1995, Jacques Chirac l'avait utilisée mais elle n'a concerné que 1 000 logements qui ont été rendus à leurs propriétaires au bout de cinq ans. En 2001, Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'État au logement du gouvernement Jospin, avait repéré 4 000 logements vides. Or, la réquisition a concerné 147 logements à Paris et seulement 70 à 80 en province. Un bilan bien maigre au regard des enjeux actuels !
La procédure de réquisition avec attributaire que vous souhaitez appliquer concernerait des locaux appartenant à une personne morale. Contrairement à ce que vous envisagiez en octobre dernier, une telle procédure ne peut être mise en oeuvre en quelques semaines. Il faut d'abord, vous le savez, repérer les logements vacants susceptibles d'être réquisitionnés. Du fait que nous sommes dans un État de droit, il y a ensuite des délais légaux à respecter. Enfin, une fois réquisitionnés, les locaux doivent être mis aux normes d'habitation, notamment en termes de sécurité. Cela peut durer plusieurs mois, uniquement pour quelques dizaines de logements.
Une telle solution est bien insuffisante face aux 3,6 millions de personnes mal logées, dont 85 000 vivent dans des mobile homes, caravanes et cabanes de fortune,…