Malgré le soin que vous avez apporté à sa rédaction et à sa présentation, le titre de la proposition de loi, qui affirme des principes de liberté et d'indépendance des médias que nous défendons tous, me semble un peu trompeur.
L'article 1er généralise le statut de protection spécifique pour tous les journalistes. Mais, si le journaliste exerce ce droit, quelle sera sa protection concrète ? Ne sera-t-il pas mis à l'écart ? Ce droit a-t-il déjà été exercé par les journalistes de l'audiovisuel public ? Existe-t-il une jurisprudence ?
L'article 2 et les suivants accroissent considérablement les pouvoirs du CSA, en en faisant le garant des principes d'honnêteté, d'indépendance et de pluralisme de l'information. Il devient juge de la neutralité des programmes diffusés par la chaîne. On peut s'inquiéter de cette forme de droit d'ingérence dans la ligne éditoriale.
Dans l'affaire du reportage non diffusé par Canal +, dans laquelle Vincent Bolloré dément être intervenu, le CSA, avec votre texte, s'en tiendrait-il aux déclarations ou disposerait-il d'un droit d'enquête ? Je crains en effet que le droit de regard du CSA ne produise aux yeux du public des effets inverses de ceux recherchés par la proposition de loi.
Enfin, l'article 7 rend obligatoires les comités d'éthique. N'y a-t-il pas un risque d'autocensure de la part des rédactions ? Qui aura le dernier mot, le directeur de la publication ou le comité d'éthique ? Les relations sociales ne vont-elles pas s'en trouver affectées – risque de chantage, saisie systématique du comité, accusations de censure etc. ? Ne risque-t-on pas d'aboutir à une information aseptisée ? Évitons cela aussi !