Intervention de Annick Lepetit

Séance en hémicycle du 24 janvier 2013 à 15h00
Débat sur la politique de l'hébergement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Lepetit :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous parlons souvent de « chaîne du logement » pour illustrer le lien fort qui unit les différentes strates de ce secteur. L'hébergement constitue, à n'en pas douter, le dernier maillon de cette chaîne, le plus fragile. Plus encore que dans d'autres domaines, la dimension profondément humaine du sujet est évidente : on parle ici de personnes sans domicile, de familles expulsées qui évitent la rue en s'entassant dans un foyer, de leurs doutes mais aussi de leur espoir de voir leur situation s'améliorer un jour.

Tirer un bilan de notre politique d'hébergement c'est aussi, d'une certaine manière, observer comment notre société considère et prend en charge les plus précaires et les plus fragiles de ses membres. La lecture de l'excellent rapport de nos collègues Danièle Hoffman-Rispal et Arnaud Richard montre qu'il reste beaucoup de travail.

Le premier constat, le plus symbolique, est le doublement en dix ans du nombre estimé de personnes sans domicile. Elles seraient environ 150 000 aujourd'hui, alors que la capacité d'hébergement ne s'élève qu'à 83 000 places. On en retrouve la conséquence dans le baromètre du 115 : une demande d'hébergement sur deux ne trouve pas de solution, et cette situation commence à s'étendre à des territoires jusqu'à présent épargnés.

Mais lorsque l'on arrive au stade de l'hébergement, c'est qu'il y a déjà eu un échec à l'étape précédente, c'est que les mécanismes de prévention n'ont pas fonctionné. Cette donnée que les rapporteurs soulèvent dans leur rapport est fondamentale : permettre aux personnes en difficulté de rester dans leur logement, éviter qu'une difficulté conjoncturelle ne se transforme en véritable descente aux enfers, voilà la priorité. Le plus souvent, ce sont des accidents de la vie – chômage, maladie, séparation – qui plongent les personnes dans une situation difficile, que la rue aggrave considérablement. Je me souviens qu'au moment du débat sur la loi Boutin en 2009, j'avais prévenu le Gouvernement qu'en réduisant les délais d'expulsion les difficultés seraient encore plus grandes pour les locataires d'abord, mais aussi pour l'ensemble de la collectivité.

Si des dispositifs tels que les CCAPEX – commissions de coordination des actions de prévention des expulsions – existent, la Cour des comptes indique qu'ils n'ont pas encore totalement fait leurs preuves. Depuis six mois, le gouvernement que vous représentez, madame la ministre, a pris la mesure de la situation en décidant et en annonçant un certain nombre de mesures allant dans le bon sens. En exposant le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, le Premier ministre a rappelé l'importance de la prévention des expulsions. La mise en oeuvre de la garantie universelle et solidaire des risques locatifs participera grandement à la prévention et à la gestion des situations d'impayés. Je ne doute pas que nous aurons l'occasion, cet été, de nous pencher longuement sur cette question. L'objectif affiché de rompre avec la « logique du thermomètre » est une nécessité : les gens ne dorment pas dans la rue qu'en hiver. La création annoncée de 8 000 places d'hébergement, cette année, pour les sans-abri et les demandeurs d'asile, est une première étape qui, je l'espère, en appellera d'autres.

L'examen du projet de loi de finances a également été l'occasion de montrer que ce sujet était bien une priorité pour ce gouvernement et sa majorité. Dans un contexte extrêmement contraint, les crédits consacrés à l'accès au logement des plus démunis ont augmenté de 4 % et ceux de l'hébergement d'urgence de 13 %, atteignant 275 millions d'euros.

Enfin, je note que, parmi les recommandations du rapport, figurait l'augmentation du taux de logements sociaux à atteindre dans les zones les plus tendues. C'est justement ce que nous avons voté en urgence, dès la rentrée, en portant ce taux de 20 % à 25 % dans la loi de mobilisation du foncier. La proportion de logements sociaux accessibles aux plus modestes va également augmenter puisque, par exemple, les villes dépourvues de PLH – programmes locaux de l'habitat – devront construire au moins 30 % de PLAI – prêts locatifs aidés d'intégration. Je suis heureuse, madame la ministre, que la loi ait été publiée au Journal officiel samedi dernier.

Il ressort de ce débat que la politique d'hébergement a autant besoin de moyens que de réorganisation pour gagner en efficacité. Je ne doute pas que nous nous retrouverons dans cet hémicycle, dans les mois et années qui viennent, pour lui permettre de répondre enfin efficacement et humainement aux milliers de personnes qui en ont besoin. Nous devons retrouver le sens de l'humain, le sens de l'intérêt général. Chacun de nous ayant à coeur d'y parvenir, je suis convaincue que nous arriverons à avancer sur ce chemin difficile. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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