Madame la présidente, madame la rapporteure, chère Danièle, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je me réjouis que vous souhaité consacrer un temps de la semaine de contrôle aux suites données au rapport sur l'évaluation de la politique de l'hébergement d'urgence et que la Conférence des présidents ait fait droit à cette demande.
Je souhaite à ce propos, chère Danièle, cher Arnaud, saluer l'excellente qualité et la richesse de ce document. Je ferai le lien avec le plan que nous mettons en oeuvre et, comme vous l'avez indiqué, vous constaterez qu'un certain nombre de vos préconisations ont été prises en considération. Un an s'est écoulé depuis la présentation du rapport, mais je peux affirmer que les analyses développées par ses auteurs demeurent tout à fait pertinentes.
Je tiens également à vous remercier, mesdames, messieurs les députés – j'ai d'ailleurs remarqué que la plupart des orateurs sur ce sujet étaient des femmes – de vos interventions. Depuis mon arrivée au ministère de l'égalité des territoires et du logement, chacun a pu le constater, j'attache une importance très forte à l'amélioration de la politique d'accueil et d'hébergement des personnes sans abri ou mal logées. Plus qu'une priorité, c'est un devoir moral envers les personnes concernées. C'est, selon la formule de Mme Lepetit, que je trouve très juste, « retrouver le sens de l'humain ».
Je sais que nous partageons ce point de vue.
Dans votre rapport, vous appeliez de vos voeux l'adoption d'engagements traduisant une priorité collective accordée au sort des plus précarisés.
Je suis convaincue que le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, officiellement été adopté il y a trois jours et qui engage le Gouvernement dans son ensemble et pour la durée du quinquennat, répond largement à cette demande.
Que ce soit dans les principes qu'il pose ou dans les mesures qu'il prévoit, ce plan représente l'engagement du Gouvernement pour une nouvelle politique en faveur d'une société inclusive. Les priorités que je porte pour le secteur de l'hébergement et de l'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées s'inscrivent dans ce cadre.
C'est avec détermination, et dans le droit fil des propositions que vous avez formulées, que j'ai amorcé une réforme structurelle de la politique d'accueil et d'hébergement des personnes sans abri ou mal logées. Je suis résolue à la mener à bien.
M. Hanotin a fait référence à une obligation d'hébergement. Celle-ci figure dans la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion. Sans être assortie d'une quelconque sanction financière, elle porte sur les communes et est, dans le même temps, accompagnée d'un financement de l'État. M. Kemel a justement évoqué la question des compétences : il convient de les articuler au mieux.
Afin de répondre aux besoins identifiés par les acteurs les plus engagés, cette réforme structurelle doit avoir un double objectif : l'orientation vers le logement et l'ancrage dans les territoires.
Comme certains l'ont rappelé, les engagements pris par le Gouvernement en matière de construction de logements sont très ambitieux. Mais parallèlement, et tant que cela sera nécessaire, nous devons garantir l'accueil et l'hébergement des personnes qui en ont besoin, dans des conditions dignes et selon les trois critères de continuité de prise en charge, d'inconditionnalité d'accueil et d'égalité de traitement.
À cet égard, il nous faut faire montre d'une sensibilité particulière aux SDF « invisibles », non identifiés comme tels, à l'image de ces familles qui n'osent se signaler de peur que leurs enfants leur soient retirés ou de ces travailleurs pauvres qui refusent d'entrer dans un dispositif susceptible de les couper de l'emploi ou de les stigmatiser. M. Richard a eu parfaitement raison d'indiquer qu'aux côtés des personnes « sans abri », il existe toute une zone grise de personnes en grande fragilité, en grande précarité, qui peuvent basculer. Nous devons intervenir auprès de ces populations.
La politique de l'hébergement – et les personnes qu'elle concerne – ont trop longtemps souffert d'une approche segmentée et d'une gestion dans l'urgence, sans anticipation.
Le Premier ministre a acté très clairement la volonté de notre gouvernement de mettre fin à la « gestion au thermomètre », contre laquelle vous avez beaucoup plaidé, madame la rapporteure, rappelant qu'il était aussi pénible d'être à la rue lorsqu'il fait trois degrés que lorsqu'il fait moins dix. Il a ainsi fixé le cap de l'amélioration et de la réorganisation de l'offre d'hébergement et de la veille sociale.
Les projets territoriaux de sortie de l'hiver sont une première étape. Concrètement, il s'agit de permettre aux personnes sans abri ou mal logées d'accéder soit à un logement classique, soit à un logement d'insertion, soit à un lieu d'hébergement pérenne, avec un accompagnement adapté.
À ce stade de mon intervention, je voudrais faire un point sur les réquisitions, en réponse à Mme Fraysse et à Mme Lacroute, qui ont tenu l'une comme l'autre des propos contradictoires.
Madame Lacroute, vous dites m'avoir beaucoup écoutée, mais sans doute ne m'avez-vous pas bien entendue. À aucun moment je n'ai dit que la politique de réquisition était la clé de voûte ou le centre de ma politique. Vous pourrez relire l'intégralité de mes déclarations à l'Assemblée, dans les médias, devant les acteurs de ce secteur : j'ai affirmé systématiquement le contraire. La réquisition est un outil, légal, qui n'est pas contraire au droit de propriété. Vous avez d'ailleurs détaillé parfaitement les mécanismes prévus par les lois de 1998 ou de 1945, qui ont permis d'aboutir, plus largement que ce que vous pouvez croire, à des résultats.
Le processus de réquisition, madame Fraysse, a été lancé dès le début du mois de décembre, après un mois d'identification, selon le calendrier qui avait été fixé. Je peux vous dire que les propriétaires qui ont reçu un courrier n'ont pas eu le sentiment une seule seconde que nous prenions notre temps ! (Sourires.)
Cela a ouvert des espaces de négociation : un certain nombre d'entre eux ont mis à la disposition de personnes morales leur bâtiment, dans un cadre contractuel, de façon beaucoup plus rapide. L'outil de la réquisition ne sert donc pas seulement à réquisitionner : il permet de mobiliser, de « stimuler » des propriétaires de biens vacants qui, sans cela, se sentiraient un peu moins engagés.