Je suis très heureuse, monsieur le commissaire, de vous recevoir aujourd'hui, pour la première fois à l'Assemblée nationale, pour parler de deux sujets majeurs, l'environnement et la pêche, dans le cadre de cette audition conjointe avec la commission du développement durable et la commission des affaires économiques. Nous essayons d'organiser ce type d'auditions communes le plus souvent possible, pour entendre ce que fait, ou ce que ne fait pas, l'Union européenne.
Deux textes importants de cette législature, la loi relative à la transition énergétique et le projet de loi sur la biodiversité, démontrent pleinement l'engagement de notre assemblée sur les priorités environnementales. Cette audition a également lieu sur le fond positif de la réussite de la COP 21, mais aussi sur le fond du scandale Volkswagen, événement certes moins positif.
Le programme de travail de la Commission pour 2016 donne la priorité aux « modifications législatives pouvant avoir un impact rapide et direct sur l'emploi et la croissance, sur l'environnement et le bien-être social, sur la sécurité et la manière d'aborder un monde interconnecté ».
Parmi les vingt-trois initiatives nouvelles, je regrette que seules deux concernent directement l'environnement, le paquet « économie circulaire » et l'initiative « Prochaines étapes pour un avenir européen durable ».
Après le retrait du premier paquet présenté en juillet 2014, qui avait provoqué des inquiétudes partagées par beaucoup, en particulier ici, la Commission a respecté son engagement et adopté le 2 décembre dernier un nouveau paquet « économie circulaire », que vous avez, avec les vice-présidents Timmermans et Katainen, présenté au Parlement européen le même jour.
Son approche a reçu un accueil très mitigé. Les ambitions que vous affichez en matière de gestion des déchets sont en effet revues à la baisse, par rapport à la première mouture, et si le plan d'action a pour ambition de permettre une transformation en profondeur du fonctionnement de notre économie, il laisse de côté la question – pourtant centrale – de l'efficacité de l'utilisation des ressources, ainsi que celle du marché des matières secondaires, questions que notre commission des affaires européennes a jugé essentielles à la réussite de cette transition vers un nouveau modèle d'économie, dans une résolution européenne adoptée en décembre dernier.
Quelles réponses pouvez-vous donc apporter à nos inquiétudes, également exprimées par le Parlement européen et les organisations non gouvernementales (ONG), quant à l'impact environnemental de ce paquet et au flou qui demeure sur la déclinaison opérationnelle du plan d'action, notamment en matière d'écoconception et d'empreinte environnementale ?
Parallèlement, un financement a été annoncé, de 5,5 milliards d'euros, issus à la fois des fonds structurels et d'investissement européens, du programme Horizon 2020, et des fonds structurels pour la gestion des déchets. Pouvez-vous nous préciser les modalités de ce financement ?
Ce paquet pose également la question de l'articulation avec la réglementation sur les substances chimiques, alors qu'est en cours un bilan de l'ensemble des réglementations sur les produits chimiques, hors règlement REACH, l'évaluation de ce dernier étant prévue en 2017. Fin novembre, le Parlement européen s'est ainsi massivement opposé à l'utilisation du phtalate DEHP dans des PVC recyclés. Comment comptez-vous procéder pour garantir un niveau élevé de protection de nos concitoyens ? Nous connaissons bien l'aspect nuisible des phtalates.
En matière de biodiversité, le récent rapport sur l'état de la nature dressé par l'Agence européenne de l'environnement montre que la stratégie mise en place en 2011 pour enrayer le déclin de la biodiversité à l'horizon 2020 et la dégradation des services systémiques est loin de produire les effets attendus : 30 % des espèces protégées sont menacées ; l'environnement marin est toujours surexploité. Un consensus semble pourtant émerger entre le Parlement européen et les États membres pour dire que la réglementation existante – notamment les directives Nature, à savoir la directive Habitat et la directive Oiseaux – a été efficace et qu'il conviendrait, d'une part, de renforcer sa mise en oeuvre, et, d'autre part, de renforcer les financements qui y sont consacrés. Pouvez-vous nous rassurer quant à ces derniers ?
Quelle réponse la Commission peut-elle apporter à cet égard ? Comment son action doit-elle et peut-elle s'articuler avec celle des États membres ? Dans cette assemblée, nous allons examiner d'ici peu, en deuxième lecture, le projet de loi sur la biodiversité, porté par Mme Ségolène Royal. Comment mieux intégrer la biodiversité à d'autres secteurs, en particulier à la pêche, mais aussi à l'agriculture ? Pouvez-vous nous indiquer comment vous entendez mieux agir contre le trafic illicite d'espèces sauvages, ainsi que la menace croissante que représente pour la biodiversité et les écosystèmes les espèces envahissantes, liées à des trafics commerciaux passés ou présents, alors que le Parlement européen a jugé en décembre dernier inadéquate la liste d'espèces invasives proposée par la Commission ? Pensez-vous revoir cette liste des espèces invasives ?
Enfin, et c'est un sujet d'actualité tant pour l'Union que pour la France – puisque la Cour des comptes vient de publier un rapport d'évaluation des politiques nationales de lutte contre les pollutions atmosphériques peu flatteur – comment mieux protéger nos concitoyens des effets de la pollution de l'air ? Chaque année, cette dernière est la cause de plus de 400 000 décès prématurés en Europe. Elle est à l'origine de nombreuses maladies respiratoires et cardio-vasculaires et d'un affaiblissement de la qualité de la vie des Européens, notamment dans les villes.
Les objectifs définis dans la directive de 2001 fixant des plafonds d'émission nationaux pour certains polluants atmosphériques sont arrivés à échéance en 2010, ils doivent donc être revus.
Une proposition de révision de cette directive a été faite par la Commission en décembre 2013. Plus de deux ans plus tard, où en sommes-nous ? Peut-on espérer un accord rapide sur un texte ambitieux, alors que le Conseil a amoindri le niveau d'ambition, n'a pas retenu la proposition du Parlement européen d'un objectif intermédiaire contraignant en 2025, et a prévu un système élargi de flexibilités ? Je dois vous dire que les récents développements sur la question des émissions de pollution automobile m'incitent au pessimisme, car je ne trouve guère encourageante la réponse donnée à la triche de Volkswagen. Quel signal cet assouplissement des normes d'émissions automobiles donne-t-il, à vos yeux comme aux yeux des consommateurs européens ?
Je ne veux pas être trop longue, et je serai donc volontairement brève à ce stade sur les questions de pêche, importantes et sensibles, que mes collègues vont certainement aborder, dans leurs dimensions économiques et sociales, mais aussi environnementales.
Je voudrais simplement dire à ce stade que nous sommes fortement inquiets pour l'avenir des ressources halieutiques, mais aussi des petits pêcheurs artisanaux, qui sont plus menacés que les gros pêcheurs industriels.
En Atlantique, le « rendement maximum durable », semble en voie d'être atteint pour de nombreux stocks, mais la connaissance des ressources halieutiques doit encore être renforcée et améliorée afin d'optimiser la politique des totaux admissibles de capture (TAC). En Méditerranée, la situation est particulièrement préoccupante, selon vos propres déclarations, du fait à la fois de la surpêche et de la pollution. À peine 4 % des stocks pêchés par les navires européens s'approcheraient du rendement maximum durable. Pouvez-vous nous préciser votre point de vue à ce sujet et les actions entreprises ou envisagées ?