Intervention de Martin Vial

Réunion du 1er mars 2016 à 16h00
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Martin Vial, commissaire aux participations de l'état, APE :

Vous avez soulevé, madame la rapporteure, la question du dialogue avec l'entreprise ; celui-ci se déroule dans le cadre des organes de gouvernance du groupe, et l'État joue un rôle particulier dans le processus de préparation des plans stratégiques. Ses représentants font partie des comités stratégiques de chacune des deux entreprises. À ce titre, son rôle est plus important que celui des autres administrateurs ou organes de décision, et il dispose par ailleurs de ses propres études sectorielles.

Fort pertinemment, vous m'avez interrogé sur les choix technologiques se rapportant à la lutte contre les émissions polluantes, particulièrement le NOx ; je dois tout d'abord confesser que l'APE ne dispose pas de compétences techniques industrielles particulières, car ce n'est pas son rôle, qui est celui d'un actionnaire. Dans ce contexte, notre dialogue avec les groupes est de comparaison des performances des différents opérateurs et de ce que nous connaissons de leurs orientations stratégiques.

À Monsieur de Courson, j'indiquerai que nous avons eu connaissance par voie de presse de la visite de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) chez Renault – qui a été révélée par une information syndicale –, et nous n'avons pu que constater son impact sur le cours des actions du groupe ; mes services n'ont pas bénéficié d'une information particulière en amont. Sans trahir les secrets des travaux des organes de décision de l'entreprise, je puis indiquer que nous avons été informés de façon très précise par le management de Renault sur les motivations qui, après le scandale Volkswagen, ont présidé à cette perquisition ainsi qu'aux questions posées par la commission technique indépendante chargée d'effectuer les tests – lesquels ne sont pas terminés – sur une centaine de véhicules. Par ailleurs, à l'occasion du comité d'audit qui a suivi, ainsi qu'au sein du conseil d'administration, nous avons eu des échanges relatifs aux choix technologiques et aux plans à mettre en oeuvre pour réduire les émissions de NOx. Les dispositions prises pour le rappel de véhicules, au demeurant peu nombreux, annoncées par l'entreprise, ainsi que les modifications à apporter aux nouveaux véhicules promis à la vente, ont aussi été évoquées.

Ainsi, l'État actionnaire, par le truchement de l'APE, entretient un dialogue stratégique permanent avec les deux groupes, qui concerne aussi les choix portant sur le diesel et la transformation du parc de véhicules. Comme vous l'avez souligné, madame la rapporteure, la fiscalité a longtemps favorisé l'utilisation du diesel, et la transition liée à l'évolution de ce régime fiscal fait partie des interrogations stratégiques du groupe PSA, qui est davantage concerné que Renault ; notre préoccupation est que cette transition s'effectue le mieux possible. C'est aussi la raison pour laquelle la réflexion sur la stratégie de ces deux groupes ne se borne pas à la France, mais porte sur l'ensemble du marché : il est donc indispensable que des débouchés soient ouverts dans des régions où les contraintes environnementales ne sont pas de même nature.

Nous sommes aussi attentifs à l'évolution des budgets de recherche et développement des deux entreprises. Aujourd'hui, celui du groupe PSA se situe entre 4 % et 5 % du chiffre d'affaires ; c'est un montant significatif, proche de celui de Renault, et lorsque l'on y intègre les autres investissements, il atteint 8 % à 9 %. C'est pourquoi la comparaison des chiffres d'affaires respectifs de PSA et Renault avec ceux des grands groupes mondiaux tels que Volkswagen, General Motors ou Toyota ne peut que conduire à contracter des alliances majeures : c'est le sens de l'alliance, que nous encourageons fortement, de Renault avec Nissan. Les synergies et les économies ainsi obtenues sont certes industrielles et commerciales, mais concernent aussi la recherche et développement ; nous poussons ces deux opérateurs à accroître leur taille critique afin d'acquérir une « force de frappe » importante.

Vous avez cité, madame la rapporteure, Élie Cohen, qui, comme Monsieur de Courson, s'interroge sur la nécessité pour l'État d'être actionnaire des groupes Renault et PSA. C'est une question que l'on se pose lorsque tout va bien, et elle ne s'est d'ailleurs pas posée aux États-Unis après la faillite de Lehman Brothers : le soutien que le gouvernement américain a apporté au secteur automobile, entièrement privé, a été sans précédent. Quant à la Grande-Bretagne, elle est le pays qui procédé au plus grand nombre de nationalisations de banques, alors qu'il était traditionnellement le plus opposé aux interventions étatiques. L'intervention étatique est liée aux périodes de crise, et c'est lorsque le groupe PSA a connu de graves difficultés que l'État français s'est porté à son secours.

La seconde question de Monsieur de Courson portait sur le fait de savoir si la présence de l'État dans le capital des entreprises n'est pas nuisible à la croissance de l'entreprise, au développement de ses alliances, etc. En tant que commissaire aux participations de l'Etat, telle n'est pas ma conviction, faute de quoi j'aurais conseillé à l'État de se désengager de Renault et de PSA. La présence de l'État ne nuit pas, quand bien même il peut y avoir des débats avec le management des entreprises ou d'autres actionnaires ; sa présence apporte un grand confort en matière d'actionnariat, la probabilité que ces entreprises puissent faire l'objet d'une offre publique d'achat (OPA) soudaine étant des plus faibles.

Par ailleurs, au cours de la décennie passée, le rôle de l'État actionnaire a gagné en maturité, lui permettant d'agir en partenaire minoritaire ordinaire – bien que de référence. Aussi, le débat avec Nissan a été celui de deux actionnaires détenant, à l'époque, chacun 15 % du capital, et dans lequel il était normal que l'État fasse valoir que, de son point de vue, la remise en cause de l'accord-cadre passé en 2002 avec Renault n'était pas acceptable. Le différentiel considérable de droit de vote et d'intervention en assemblée générale dont dispose l'État a permis que l'accord soit maintenu.

Je ne prétends pas que les choses soient faciles tous les jours, car l'État est souvent un actionnaire envers lequel on fait preuve de plus d'exigence : tour à tour on attend qu'il soit présent et puissant lorsque l'on a besoin de lui, mais qu'il soit passif en d'autres moments, chose que l'on ne demanderait pas à un actionnaire privé. Cette dialectique est constante, c'est notre lot quotidien, et c'est pourquoi l'APE souhaite tenir une place d'investisseur avisé de long terme, disposant de toute sa légitimité en tant qu'actionnaire de référence. S'agissant du rendement de l'actif engagé, j'ai dû mal m'exprimer, car je pense l'avoir clairement mentionné comme critère effectif. J'ai cité ce rendement last but not least car, pour l'actionnaire soucieux du patrimoine de l'État, il constitue une préoccupation permanente, sans pour autant être la seule motivation de notre action.

En ce qui concerne la valeur des titres acquis par l'État, si je ne cherche pas à m'esquiver, il m'est difficile de répondre, et j'ai d'ailleurs promis à la commission de finances – ou à la mission d'information si elle le souhaite – d'y revenir. Si ces actions ont été achetées dans des conditions publiques, n'est pas public, en revanche, ce que l'on appelle le « point mort », c'est-à-dire le niveau de cours à partir duquel ces titres sont susceptibles d'être revendus : il s'agit en effet d'une information de marché, dont la divulgation risquerait fortement d'obérer leur valeur. Je ne cherche pas à me « défiler » ni à masquer une information, mais à éviter une perturbation du marché qui, le cas échéant, nous serait reprochée.

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