Intervention de éric Vinesse

Réunion du 1er mars 2016 à 12h00
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

éric Vinesse, directeur du pré-développement :

Je vous propose de revenir en détail sur les trois points clés mentionnés dans le propos liminaire d'Éric Le Corre.

Je commencerai par les enjeux associés à l'engagement proactif de Michelin pour la réduction de la consommation d'énergie des émissions de CO2 liées aux transports.

On peut estimer qu'en un peu plus de vingt ans, les efforts réalisés par Michelin pour améliorer l'efficience énergétique de ses produits ont permis d'économiser environ 330 millions de tonnes de CO2, soit à peu près l'équivalent de la quantité d'émissions produites par un pays comme la France en 2014.

Comment cela est-il possible ?

Rappelons d'abord quelques chiffres sur le transport et la consommation d'énergie.

Le transport représente approximativement 15 % du total des émissions de CO2 générées par l'activité humaine. Dans ces 15 %, le transport routier est majoritaire, avec environ 12 %. Dans ces 12 %, la contribution que l'on peut attribuer aux pneumatiques représente à peu près un quart, c'est-à-dire 2,8 % du total des émissions de CO2 générées par l'activité humaine. Cela montre que le pneumatique a un rôle significatif à jouer dans la réduction des émissions de CO2 dans les années à venir, comme c'est déjà le cas depuis quelques décennies.

Le pneumatique joue un rôle essentiel dans sa phase d'usage, c'est-à-dire lorsqu'il est monté sur un véhicule et que celui-ci roule. Cette phase représente à elle seule plus de 90 % de la consommation totale d'énergie liée au pneumatique dans tout son cycle de vie, c'est-à-dire depuis l'acquisition des matières premières jusqu'à son recyclage en fin de vie.

L'origine de cette contribution, c'est qu'à chaque fois que le pneumatique entre en contact avec le sol, à chaque tour de roue, une force de résistance à l'avancement s'exerce, que le moteur doit vaincre pour maintenir le véhicule en mouvement. On appelle cette force la résistance au roulement du pneumatique. On peut aussi entendre parler, à charge donnée, de « coefficient de résistance au roulement ».

Plus la résistance au roulement est élevée, plus le moteur doit fournir de l'énergie pour faire avancer le véhicule ; et plus il fournit de l'énergie, plus il y a d'émissions de CO2. À l'inverse, un pneumatique à très basse résistance au roulement est un équipement dont les composantes techniques, les briques technologiques permettent de limiter la dissipation énergétique et par le fait de moins solliciter le moteur et de réduire les émissions de CO2.

Michelin est engagé depuis plusieurs décennies pour améliorer la contribution énergétique de ses produits, et donc réduire la consommation d'énergie liée aux transports. Dès les années quatre-vingt, nous avions lancé nos premiers programmes de recherche en interne pour identifier des technologies, de nouveaux matériaux qui nous permettraient d'améliorer significativement la résistance au roulement des produits.

Ces travaux ont débouché, dès 1992, sur la mise sur le marché des premiers « pneus verts », les pneus « Energy Saver », dans lesquels l'introduction de la silice, à la place du noir de carbone, dans la formulation des mélanges « caoutchoutiques », permettait de réduire la résistance au roulement, mais surtout de le faire sans impact négatif sur les autres performances du pneumatique, et notamment les performances d'adhérence sur sol mouillé, qui constituent un critère essentiel sur le plan de la sécurité dans la mesure où le pneumatique est le seul point de contact physique entre la voiture et le sol.

Vingt-cinq ans après, nous en sommes aujourd'hui à la cinquième génération de pneus verts et nous sommes en train de préparer la sixième. Nos pneumatiques les plus efficients ont atteint à ce jour un niveau de résistance au roulement inférieur de moitié à ce qu'il était il y a vingt-cinq ans. Dans le même temps, nous avons pu faire progresser de manière significative l'adhérence sur sol mouillé de nos produits.

Dans l'avenir, le groupe Michelin a l'ambition de poursuivre cette démarche d'amélioration de l'efficience énergétique de ses produits et de le faire sur l'ensemble des produits qu'il développe, au rythme d'au moins 1 % par an pour les quinze ans à venir.

Deuxième point clé, les méthodes de test et d'évaluation des pneumatiques.

Michelin s'est toujours fait un devoir d'assurer que les conditions dans lesquelles ses pneumatiques sont testés et évalués représentent au mieux les conditions rencontrées par les usagers dans leur vie de tous les jours. C'est ce que l'on appelle la « représentativité » des tests. De nombreuses études ont été conduites depuis les années soixante-dix, par Michelin ou, aux États-Unis, par la National Highway Traffic Safety (NHTSA) ou l'Environmental Protection Agency, ou encore au Japon. Ces études montrent l'effet des conditions de test de la résistance au roulement dans leur relation à la consommation d'énergie vue en usage réel sur le véhicule.

Mais si l'on veut juger une méthode de test, il faut aussi prendre en compte la précision avec laquelle elle permet de donner une information. Si vous testez des pneumatiques selon la méthode recommandée, mais pas le même jour ou sur une machine de test différente, le résultat doit être toujours le même, faute de quoi l'information apportée a peu de valeurs. Il faut donc juger une méthode de test à la fois sur sa représentativité et sur sa reproductivité. Nos efforts dans ce domaine visaient évidemment à progresser sur les deux aspects.

Nous avons ainsi contribué de façon proactive, depuis plus de dix ans, au progrès des méthodes normatives sur les tests de résistance au roulement du pneumatique.

Notre engagement pour l'évaluation de nos produits est un engagement de qualité. À ce titre, nous nous positionnons résolument pour le respect des réglementations en vigueur, tant dans la règle que dans l'esprit, partout dans le monde. Nous allons même souvent au-delà.

Pour illustrer mon propos, je prendrai deux exemples dans le domaine de l'homologation.

L'homologation E2, réalisée en France, permet la mise sur le marché européen de tout nouveau pneumatique, qu'il soit vendu sur le marché des pneus de remplacement ou à nos clients constructeurs. Il existe un autre type d'homologation : l'homologation par le constructeur d'un pneumatique développé pour son véhicule à sa demande.

L'homologation E2 est délivrée par le Gouvernement français, sur la base d'un dossier que nous lui soumettons et qui contient, notamment, tous les procès-verbaux des tests réalisés sur un nouveau produit pour assurer sa conformité aux requis réglementaires.

La qualité des informations contenues dans le dossier d'homologation est essentielle. Elle est garantie par de nombreuses exigences. Certaines de ces exigences sont définies dans le cadre réglementaire. D'autres vont au-delà, que nous nous imposons par nos propres systèmes qualité et nos propres processus internes.

La première exigence concerne les laboratoires dans lesquels sont faits ces tests. Un cadre réglementaire impose que ces laboratoires soient accrédités. Nos laboratoires sont accrédités par le Comité français d'accréditation (COFRAC). Cette accréditation est suivie d'audits annuels de surveillance. Au-delà de ce cadre réglementaire, le groupe Michelin a souhaité étendre cette accréditation à tous les tests qui sont faits dans le cadre du labelling, c'est-à-dire de l'étiquetage.

La deuxième exigence concerne l'audit des laboratoires. Le règlement exige que nous soyons audités tous les ans par l'Union technique de l'automobile, du motocycle et du cycle (UTAC), qui agit en tant que service technique du Gouvernement, tant sur le plan de nos systèmes qualité que sur le plan technique.

La troisième exigence concerne les méthodes de test. Les tests de résistance au roulement doivent respecter la norme mondiale ISO 28580. Le règlement, qui s'appuie sur cette norme, définit les conditions précises dans lesquelles le test peut être conduit. Il impose aussi des conditions très strictes d'alignement entre les laboratoires où sont conduits ces tests. Un laboratoire qui fournit des données en vue de l'homologation sur la résistance au roulement selon la norme doit aussi garantir son alignement à un ensemble de dix laboratoires européens de référence. L'alignement entre ces laboratoires de référence est lui-même revu tous les deux ans pour obtenir une précision de l'ordre de 2 %, quel que soit l'endroit où vous testez vos pneumatiques tant que vous êtes dans des laboratoires alignés entre eux. Cette mesure de résistance au roulement est extrêmement précise.

Michelin a fortement contribué à l'élaboration de cette norme, unique au monde par son exigence, qui est aujourd'hui reprise mondialement. Les États-Unis, qui s'acheminent vers un système de seuils et d'étiquetage, s'appuient sur cette norme pour mesurer la résistance au roulement.

La quatrième exigence concerne les lieux de fabrication de nos produits. Le règlement requiert que les usines où sont fabriqués ces produits soient elles-mêmes évaluées pour la fabrication des pneus homologués E2. Elles deviennent alors éligibles à un audit réglementaire par l'UTAC tous les trois ans. Cela sous-entend qu'au-delà du dossier d'homologation, l'exigence de garantie se situe dans la durée, c'est-à-dire que la conformité au règlement doit porter, pour tous les pneumatiques fabriqués dans nos usines, sur toute la durée de leur fabrication.

Le règlement de la Commission économique pour l'Europe des Nations unies, ou United Nations Economic Commission for Europe (UNECE) exige de prouver la conformité de tous les types de pneumatiques produits tous les deux ans. C'est ce que l'on appelle la Conformity of production (COP), qui est vérifiée par l'UTAC.

Chez Michelin, nous allons au-delà : chaque jour, chaque pneumatique produit est soumis à des contrôles rigoureux. Toutes les caractéristiques qui déterminent ses performances, depuis les propriétés physiques des matériaux qui entrent dans sa composition jusqu'au positionnement géométrique de ces matériaux à l'intérieur du pneumatique aux diverses étapes de fabrication, sont vérifiées chaque jour, pour chaque type de produit. Ces informations sont archivées et consultables lors des audits.

Telles sont, en résumé, les exigences qui tournent autour de l'homologation E2 pour le marché européen.

J'en viens à l'homologation d'un pneumatique par le constructeur automobile pour l'un de ses véhicules.

Tout constructeur qui développe un nouveau véhicule rédige un cahier des charges pour les pneumatiques qui vont équiper ce véhicule. Ce cahier des charges couvre un large ensemble de performances attendues, depuis des performances très génériques, comme les caractéristiques de masse et de géométrie, jusqu'à des performances, beaucoup plus fines, de perception subjective, qui seront évaluées par des pilotes professionnels.

Michelin fournit des pneumatiques répondant au cahier des charges des constructeurs lors des homologations techniques, puis respecte le cahier des charges agréé lors des livraisons de pneumatiques sur toute la durée du contrat commercial.

Pour prendre un exemple concret, lorsqu'un constructeur vient nous voir au sujet d'un véhicule qu'il est en train de développer pour une mise sur le marché d'ici à quelques années, il nous soumet un cahier des charges pour les pneumatiques qui équiperont ce véhicule.

Dans une première phase, nous échangeons techniquement avec le constructeur, sur la base de calculs ou de simulations et sur la faisabilité du cahier des charges qu'il nous soumet. Il est important de noter que, dans cette première phase, nous intégrons aussi nos propres exigences de performances qui, dans un certain nombre de cas, vont au-delà des minima requis par le constructeur automobile, s'agissant, par exemple, de la durée de vie des pneumatiques.

Une fois la faisabilité acquise, nous engageons une seconde phase, itérative, de développement de pneumatiques permettant de répondre au cahier des charges. À chacune des itérations, les produits sont testés par nous-mêmes et par le constructeur, sur machine, sur nos véhicules et sur ses véhicules. En fonction du retour d'informations qui nous est fait, nous pouvons adapter légèrement la conception du pneumatique.

Après plusieurs itérations et une fois que nous avons suffisamment convergé, à la fois dans la conception du véhicule et dans la conception du pneumatique, nous engageons une phase d'industrialisation pour assurer la conformité du pneumatique fabriqué en usine au modèle répondant aux attentes du constructeur. Car ce sont bien les pneumatiques issus de productions, que l'on peut appeler les pneumatiques de grande série, qui sont, au bout du compte, testés par nous-mêmes et par le constructeur, et sur lesquels porte notre engagement de respect de performance.

Enfin, pour faire le lien avec la première homologation dont j'ai parlé, c'est Michelin qui fournit au constructeur la preuve de la conformité des pneumatiques à la réglementation du pays dans lequel sera mis en vente le véhicule. J'ai évoqué tout à l'heure le règlement UNECE et l'homologation E2 pour l'Europe ; ce serait également le cas pour la Federal Motor Vehicle Safety Standard (FMVSS) aux États-Unis.

Par contre, une fois les pneumatiques homologués pour le véhicule, le groupe Michelin ne participe pas au processus d'homologation technique du véhicule lui-même, qui relève de la responsabilité du constructeur automobile.

J'espère avoir clairement démontré, dans tous les exemples que j'ai donnés, que l'engagement de qualité et de représentativité de la performance de nos produits était au coeur de notre démarche.

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