Intervention de Christophe Cavard

Séance en hémicycle du 8 mars 2016 à 15h00
Lutte contre le crime organisé le terrorisme et leur financement — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Cavard :

La menace terroriste à laquelle nous devons faire face est sérieuse et difficilement prévisible. Nous devons trouver des réponses pour tâcher de l’anticiper, en partant des failles constatées lors des précédents attentats, et en cherchant le bon équilibre entre le renforcement de la sécurité de nos concitoyens et la protection des libertés et droits individuels. Nous voulons continuer de vivre dans une société ouverte, créative et libre, mais nous ne pouvons pas faire comme s’il ne s’était rien passé, comme si rien ne pouvait se passer demain. Nous devons affronter le réel, avec sérénité et responsabilité.

Le présent projet de loi avait fait l’objet d’un examen approfondi en commission des lois, qui l’avait déjà amendé. Un certain nombre de points d’équilibre restaient toutefois à trouver parmi un ensemble de mesures concernant le pouvoir administratif. Celui-ci doit être concentré sur la prévention et la neutralisation du risque d’attentat, et faciliter l’instruction judiciaire qui conduira à déterminer, le cas échéant, les sanctions envers les personnes suspectées à raison ; mais cette volonté de neutraliser un risque d’acte terroriste nous oblige dans le même temps à garantir des droits de recours et la transmission par le pouvoir administratif de décisions motivées. De nombreuses dispositions allant dans ce sens ont été renforcées, dans l’intérêt des services de police comme dans celui des personnes concernées. En effet, comme je l’ai dit lors de ma précédente intervention, les dérapages, aussi peu nombreux soient-ils, nourrissent un sentiment d’injustice susceptible de constituer un terreau favorable pour l’endoctrinement.

En outre, les possibilités d’indemnisation des victimes d’attentats ont été renforcées et simplifiées ; c’était une demande forte.

Il reste que, vu la contrainte temporelle qui nous était impartie, un certain nombre de débats n’ont pu aller jusqu’au bout.

Ces débats ont parfois été vifs. Sur le récépissé lors de contrôles d’identité, sur le déclenchement obligatoire de caméras mobiles, nous savons que nous n’en avons pas terminé et que, pour reprendre les mots du ministre de l’intérieur, « il faudra rapidement envisager l’amélioration des modalités de contrôle une fois qu’elles seront opérationnelles ».

Cette exigence d’évaluation concerne d’autres dispositions du texte. Il en va ainsi des mesures qui traitent des activités économiques ou sociales, qu’il va falloir protéger sans les mettre à mal, comme les grands événements sportifs et culturels. Les parlementaires que nous sommes seront attentifs à leur évaluation.

S’agissant de la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, nous avons entendu l’engagement du ministre de la justice de revenir sur ce point lors de l’examen des projets de loi de réforme judiciaire « J21 ». Je souhaite que cet engagement soit tenu.

D’autres débats sont des débats de fond qui ne seront pas tranchés.

Nous avons ainsi eu de longs échanges sur le rôle de la prison. La droite pense que durcir les peines permettrait d’endiguer les actes ; nous estimons que c’est illusoire. La prison doit être un lieu de privation de liberté pour celles et ceux qui sont condamnés, mais aussi un lieu où l’on puisse se reconstruire, se réinsérer, de manière à éviter des aggravations que l’on paye parfois « cash » lorsque les personnes sont libérées. L’amendement adopté sur l’extension des peines de sûreté, dont la durée va passer de vingt-deux à trente ans, est inutile ; nous espérons que la navette parlementaire permettra de revenir à la raison.

De même, si le juge des libertés a été réintroduit dans un certain nombre de dispositions touchant au renforcement du rôle du parquet, il faudra bien un jour se poser la question du statut et de l’indépendance de celui-ci.

Enfin, et c’est un enjeu majeur, certaines dispositions découlant de l’article 20 et visant à la réinsertion et au désendoctrinement de personnes radicalisées devront être assorties d’une obligation de moyens pour les structures chargées d’y procéder.

Le chantier n’est donc pas terminé.

Il est toujours difficile d’être pleinement satisfait sur l’ensemble d’un texte aussi complexe. Nous recherchons ici l’adaptation la plus efficace possible de nos règles administratives et judiciaires. L’Assemblée nationale a joué pleinement son rôle.

Alors, verre à moitié vide ou verre à moitié plein ? Pour ma part, comme un certain nombre de mes collègues écologistes, je penche pour le verre à moitié plein, et je voterai le texte ; d’autres collègues considèrent le verre à moitié vide, et ne le voteront pas. Sur ces questions si difficiles de sécurité, la pluralité de nos expressions et notre engagement dans le débat restent, me semble-t-il, la meilleure des garanties démocratiques.

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