Nous sommes plusieurs à nourrir des inquiétudes quant à l'issue politique de l'intervention militaire de la France. Cette dernière est bien seule aux côtés d'une armée malienne qui a été défaite assez rapidement. Vous avez insisté sur la nécessité de rétablir une bonne gouvernance dans votre pays, mais le gouvernement auquel vous appartenez est fragile et le président Traoré, lorsqu'il a fait appel à la France, était sous le coup d'une menace de déposition imminente par l'armée. On est donc en droit de se demander comment vous parviendrez à rétablir l'intégrité et la souveraineté de votre pays.
Pour ce qui est de la souveraineté, vous ne pourrez rétablir l'intégralité du territoire sans engager des discussions politiques avec l'irrédentisme touareg, qui existe depuis des décennies. Quelle sont votre position et votre volonté en la matière ? Les propos que vous avez tenus sur le MNLA ne me convainquent pas de la volonté du gouvernement malien d'entreprendre, au terme du travail militaire, les négociations nécessaires au rétablissement de l'intégrité du Nord du Mali.
Enfin, sur un territoire grand comme la France et la Belgique, il est à craindre que les autres armées africaines dont vous évoquez la participation ne soient pas particulièrement formées aux spécificités d'une guerre du désert, sachant par ailleurs que la saison des pluies empêchera toute action militaire entre juin et septembre. Comment, dans ce contexte, sécuriser votre pays et l'ensemble de la région ? N'oublions pas, par exemple, que le Burkina Faso est un État fragile et que l'intervention de la France au Tchad en 2008 était destinée à protéger Idriss Déby, et non pas à lutter contre les islamistes – on trouve d'ailleurs aujourd'hui au Tchad une partie des militants de Boko Haram, aussi dangereux que ceux du Nord du Nigéria. Comment, au-delà de l'émotion et de l'unanimisme national – que je ne partage pas –, préparer l'« après » ?
Je connais votre détermination, mais il faut souligner aussi une autre limite, qui n'est pas de votre fait : au moment où une page se tourne et où la France doit soutenir d'abord les peuples, les démocrates et ceux qui veulent l'autodétermination et le développement durable de leur pays en termes politiques et économiques, nous sommes en droit de nous demander si des ajustements politiques ne seraient pas préférables aux ajustements structurels qui vous ont été imposés par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI). Par ailleurs, le fait que votre pays, qui a été l'un de ceux qui ont le plus bénéficié de l'aide au développement et de l'aide de la diaspora, soit en situation de très grande fragilité doit nous interroger quant à notre pratique des relations bilatérales et de l'aide au développement.