Intervention de Pascal Demarthe

Séance en hémicycle du 8 mars 2016 à 15h00
Liberté indépendance et pluralisme des médias — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Demarthe :

Vous m’autoriserez, en premier lieu, à exprimer à cette tribune une pensée émue pour notre regrettée Sophie Dessus, qui nous inspirait par son investissement et son sourire. Je pense à ses proches.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, mes chers collègues, je me réjouis de voir arriver aujourd’hui, dans cet hémicycle, la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias.

À l’heure d’une vague de concentrations sans précédent dans les médias, à l’heure d’une confiance effritée des citoyens à l’égard des médias en raison des pressions économiques que subissent les journalistes, cette loi est nécessaire. Son ambition est de répondre de manière efficace au contexte actuel, en garantissant la liberté des journalistes à l’égard des actionnaires – et je crois qu’elle y parvient.

Elle est un signal positif de notre part, adressé à la fois aux journalistes et aux citoyens, de notre soutien à la liberté de la presse. Garde-fous ou quatrième pouvoir, les journalistes doivent être protégés dans l’exercice libre de leur travail, pour permettre aux citoyens de se former librement leurs opinions dans le pluralisme des idées. À l’heure de la montée en puissance des rumeurs sur les réseaux sociaux, auxquelles un nombre croissant de citoyens perdus et défiants est tenté d’adhérer, garantir la liberté et l’indépendance des médias, c’est aussi lutter contre le développement de l’auditoire de ceux qui, sous couvert de vouloir informer les citoyens librement, en profitent en réalité pour semer les graines de la division au sein de la société.

Pour qu’une démocratie se porte bien, elle a besoin d’une sphère médiatique qui se porte bien, qui soit préservée des pressions économiques et politiques ; elle a besoin, aussi, que cette préservation se fasse en toute transparence. C’est aussi cela, l’ambition de ce texte.

Permettez-moi d’insister particulièrement sur certaines de ses dispositions.

L’article 1er prévoit d’étendre à tous les journalistes le principe selon lequel aucun d’entre eux ne peut être contraint à accepter un acte contraire à son intime conviction professionnelle. Cette protection, qui existait depuis la loi de 1986, ne concernait jusqu’ici que les journalistes de l’audiovisuel public. Ce sont tous les journalistes qui pourront désormais en bénéficier. Ce principe sera également inclus dans les conventions qui lient les chaînes de télévision au CSA.

L’article 7 généralise la création de comités relatifs à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information et des programmes pour toute société éditrice d’un service de radio ou de télévision, nationale ou locale, dès lors qu’elle diffuse des émissions d’information à caractère politique et général. Ces comités pourront s’autosaisir, mais également être saisis par toute personne, autrement dit par une personne salariée de la société éditrice, comme par n’importe quel citoyen. En outre, cet article prévoit que l’indépendance des personnalités composant ces comités soit garantie par l’absence, durant les trois années précédant sa nomination et l’année suivant la fin de ses fonctions, de tout intérêt commercial avec la société éditrice concernée. Il s’agit, par cette disposition, de ne plus connaître les situations rencontrées ces derniers mois, qui mettent à mal l’image des médias.

De la même manière, je me satisfais de l’obligation qui incombe aux entreprises éditrices de publications de faire connaître aux lecteurs et internautes toutes les informations relatives à la composition de leur capital et de leurs organes dirigeants.

Enfin, je me réjouis de l’introduction de l’article 1er ter, qui assure la protection des sources des journalistes. C’était un combat de mes collègues socialistes, et cet article reprend une proposition de loi que nous avions discutée et adoptée au sein de notre commission des affaires culturelles et de l’éducation. Protéger le secret des sources est une nécessité démocratique ; inscrire cela dans la loi, c’est témoigner de notre attachement au respect du travail d’investigation des journalistes.

À ceux qui nous disent que cette loi n’est pas suffisante, je réponds qu’elle a le mérite de poser des bases saines et efficientes, et qu’elle va très clairement dans le bon sens. Bien sûr, il nous faudra, en tant que législateurs, continuer à oeuvrer dans ce sens et nous adapter à l’actualité des problèmes rencontrés par les journalistes, afin de toujours protéger et garantir leur liberté et leur indépendance.

Bien sûr, il ne faut pas oublier certains problèmes, comme l’absence de définition juridique de la censure, qui ôte parfois aux journalistes le moyen de la contester et de saisir la justice quand elle se présente.

Bien sûr, il ne faut pas oublier non plus la relation de prestataire des rédactions externes, dans les sociétés de production notamment, envers les chaînes qui les font travailler ; l’enjeu étant de parvenir à maintenir l’indépendance éditoriale dans un contexte de dépendance économique.

Bien sûr, des choses restent à faire, mais cette proposition de loi est déjà une très belle avancée. À cet égard, M. Olivier Ravanello, président de la Société des journalistes de Canal PlusiTélé, a lui-même déclaré que : « Cette loi peut être l’occasion de faire évoluer les mentalités et de poser une nouvelle relation entre les rédactions et les actionnaires, mais aussi le public ».

C’est pourquoi, chers collègues, je vous invite à voter cette proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias.

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