Intervention de Audrey Azoulay

Séance en hémicycle du 8 mars 2016 à 15h00
Liberté indépendance et pluralisme des médias — Discussion générale

Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication :

J’aimerais, au nom du Gouvernement, revenir sur certains des points qui ont été abordés au cours de cette discussion générale.

Premièrement, certains d’entre vous se sont demandé s’il était nécessaire de légiférer. Il a été suggéré de faire confiance à l’idéal et au sentiment des journalistes. Je crois au contraire, comme l’un d’entre vous l’a rappelé, que la loi est le socle des libertés qui ont été patiemment construites. Et l’histoire nous l’a suffisamment rappelé pour que nous nous attachions à protéger les libertés dont il s’agit ici par une loi.

Je voudrais par ailleurs revenir sur l’idée selon laquelle cette loi serait de circonstance. Je crois qu’il faut faire une distinction entre une loi de circonstance et une loi qui est ancrée dans la réalité. Des problèmes existent, que l’on ne saurait ignorer : dans un monde qui est de plus en plus dur pour les éditeurs, qui sont confrontés à une compétition mondialisée, des pressions économiques s’exercent. Les prendre en compte est une nécessité, mais cela ne fait pas de cette loi une loi de circonstance.

Deuxièmement, certains ont exprimé la crainte que l’on aboutisse à un dispositif de régulation fragmenté avec, d’un côté, un audiovisuel sur-réglementé et, de l’autre, une presse qui ne serait soumise à aucune régulation et laissée aux libres mains du marché. Il faut bien avoir conscience qu’il y a une spécificité de l’audiovisuel, sur laquelle nous reviendrons au cours de notre débat. L’audiovisuel se déploie sur des fréquences hertziennes, qui sont rares, qui appartiennent au domaine public, et qui justifient une régulation particulière. Par ailleurs, et c’est l’un des intérêts de cette proposition de loi, l’article 1er, qui apporte de nouvelles garanties aux journalistes, a vocation à s’appliquer à l’ensemble des journalistes, quel que soit leur support d’intervention, aux 36 000 hommes et femmes qui détiennent une carte de presse. C’est là un élément important qu’il faut avoir à l’esprit.

Troisièmement, vous avez parfois exprimé une méfiance vis-à-vis du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Or il me semble que la proposition de loi définit précisément son rôle : il ne s’occupe pas de déontologie, mais d’indépendance. Il n’agit pas ex ante, mais vérifie, dans les conventions, les mécanismes à même de garantir cette indépendance. J’ajoute que cette proposition de loi rassemble et met en cohérence des compétences dont l’instance de régulation dispose déjà. En effet, la loi de 1986 et la jurisprudence constitutionnelle lui demandent déjà de garantir l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information et des programmes. Je voudrais enfin rappeler, même si je l’avais déjà indiqué dans mon propos liminaire, que la loi de novembre 2013 a renforcé les garanties d’indépendance du CSA, en modifiant notamment les conditions de nomination de ses membres, à laquelle le Parlement est plus étroitement associé qu’avant, puisque la commission des affaires culturelles des deux assemblées doit donner un avis conforme, à la majorité des trois cinquièmes.

Quatrièmement, certains d’entre vous ont exprimé la crainte d’une loi de circonstance qui produirait des constructions juridiques hâtives, en évoquant notamment l’intime conviction professionnelle. Je rappelle que cette notion existe dans le droit depuis 1983, dans les conventions collectives des journalistes de l’audiovisuel public, et qu’elle est même entrée dans la loi en 2009, sous la précédente majorité.

J’en viens à mon cinquième et dernier point, qui est néanmoins majeur : celui du secret des sources. Ce secret n’était pas suffisamment garanti par la loi de 2010 : je crois que cela a été dit sur tous les bancs de l’assemblée. Pour ma part, j’ai tenu à ce que ce sujet soit abordé dans ce texte, car il me semble être tout à fait cohérent avec l’esprit de cette proposition de loi. Je proposerai un équilibre qui me semble satisfaisant entre la nécessité de mieux garantir la protection des sources des journalistes et les impératifs de sécurité publique que nous devons à nos concitoyens. Je ne doute pas que nous débattrons de ce sujet en profondeur, à l’occasion de la discussion des articles.

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