Intervention de Patrick Bloche

Séance en hémicycle du 8 mars 2016 à 15h00
Liberté indépendance et pluralisme des médias — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation :

J’apporterai seulement quelques compléments à l’intervention de Mme la ministre. Il arrive souvent, lorsque l’on est amené à répondre à la discussion générale, que l’on évoque davantage ceux qui nous critiquent que ceux qui nous soutiennent. Vous me permettrez donc de remercier Mmes Isabelle Attard, Gilda Hobert, Marie-George Buffet, Julie Sommaruga, ainsi que MM. Stéphane Travert, Hervé Féron et Pascal Demarthe qui, même s’ils souhaitent compléter la proposition de loi, se sont inscrits dans la démarche qui est proposée à notre assemblée aujourd’hui. Je remercie également Mme Virginie Duby-Muller, ainsi que MM. Christian Kert, Rudy Salles et Michel Herbillon de s’être inscrits sereinement dans ce débat, ce qui a permis à notre discussion générale d’aborder des questions de fond.

Ces questions de fond, vous les avez rappelées, madame la ministre, et je n’y reviendrai pas, sinon pour rappeler aux membres de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, qu’ils siègent sur les bancs de l’opposition ou sur ceux de la majorité, que nous avons eu l’occasion de faire des travaux pratiques – si je puis dire – en janvier 2015, lorsque nous avons dû approuver, à la majorité des trois cinquièmes – c’est la grande nouveauté introduite par la loi du 15 novembre 2013 – la nomination de Nathalie Sonnac au collège du CSA, sur une proposition de Claude Bartolone.

Nous avons pu constater, à cette occasion, que ce qui avait pu être critiqué lors de l’examen de la loi du 15 novembre 2013 comme un risque de blocage – certains disant que nous ne pourrions jamais nous mettre d’accord sur un nom à la majorité des trois cinquièmes – avait finalement abouti à un vote à l’unanimité, compte tenu des qualités professionnelles de Nathalie Sonnac qui, comme chacun sait, est universitaire et économiste. Nous sommes parvenus, grâce à ce mode de nomination, à mettre en place un mécanisme de neutralisation politique qui évitera, à l’avenir, d’avoir un CSA monocolore, faute d’alternance. Nous avons ainsi donné à cette instance une indépendance dont je voudrais que chacun ait plus que jamais conscience, compte tenu du rôle que le CSA aura à jouer dans la mise en oeuvre de cette loi.

Je dis dans la mise en oeuvre de cette loi, parce que si nous invoquons le rôle du CSA, c’est simplement pour que ce texte ne soit pas une pétition de principe, mais s’applique. Comme il n’existe pas de CSA pour la presse écrite, eh bien, grâce à un amendement du groupe socialiste, nous jouerons, en termes de contrainte, sur les aides publiques à la presse, ce texte se voulant avant tout – est-il besoin de le rappeler ? – dissuasif.

S’agissant de l’intime conviction professionnelle, merci, madame la ministre, d’avoir rappelé que cette disposition conventionnelle a été adoptée par la précédente majorité en 2009. Je fais référence dans mon rapport aux conditions historiques dans lesquelles l’intime conviction s’est inscrite dans notre droit sous l’Assemblée constituante, en 1791. Monsieur Kert, ne confondons pas 1791 et 1793 : j’ai presque eu l’impression que, dans votre intervention, vous faisiez l’hypothèse que l’intime conviction professionnelle avait pour objectif de faire tomber des têtes d’actionnaires. Tel n’est pas notre objectif. C’est encore moins notre ambition, laquelle serait du reste difficilement réalisable.

Vous avez évoqué une loi de méfiance ou une loi de circonstance. Nous voudrions tellement, au cours du débat sur les amendements, vous convaincre qu’il s’agit au contraire d’une loi de confiance, c’est-à-dire qui vise à susciter une plus grande confiance chez nos concitoyens à l’égard des médias et de ceux qui font le beau métier de journaliste. C’est également une loi d’urgence : comment nous reprocher de prendre l’initiative d’agir ? Nous serions coupables si nous nous cantonnions dans notre monde clos, sans voir ce qui se passe à l’extérieur. D’ailleurs, la représentation nationale a été directement interpellée sur la nécessité de légiférer en ce domaine.

Il y avait sans doute beaucoup d’autres solutions. Je remercie Isabelle Attard et Marie-George Buffet du petit ton taquin avec lequel elles ont évoqué l’initiative que j’avais prise avec le groupe socialiste lorsque je siégeais dans l’opposition, en 2010. En légiférant alors sur l’indépendance des rédactions, nous n’avions pas voulu traiter directement du cadre économique, qui est celui du développement des médias, puisqu’il existe des seuils anti-concentration, auxquels, évidemment, il est hors de question de toucher.

Qui dit régulation peut dire aussi autorégulation. Il est souvent fait référence à la nécessité de créer une instance indépendante en matière de déontologie de l’information. Cette instance existe d’une certaine manière à travers l’Observatoire de la déontologie de l’information – ODI –, qui réalise un travail de veille. Cet observatoire réunit à la fois des représentants des journalistes, des entreprises et des publics. Cette autorégulation ne doit pas nous priver du devoir de légiférer, lequel, en l’occurrence, est un devoir d’agir.

Cette proposition de loi ne résoudra évidemment pas tous les problèmes qui se posent à la presse. Nous sommes parfaitement lucides sur ce point. J’évoquais ce matin avec Éric Fottorino le très beau choix de sommaire que l’équipe rédactionnelle a fait pour le dernier numéro de l’hebdomadaire Le 1, dont le titre est : « Qui choisit l’info ? » C’est un domaine dans lequel l’intervention du législateur ne saurait résoudre les questions qui se posent aujourd’hui.

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