Intervention de Tièman Hubert Coulibaly

Réunion du 15 janvier 2013 à 17h15
Commission des affaires étrangères

Tièman Hubert Coulibaly, ministre des affaires étrangères de la République du Mali :

J'ai laissé à l'Union européenne le soin de publier cette information, que j'ai eue depuis deux jours… Nous n'attendions d'ailleurs que l'aide budgétaire, l'aide aux projets n'ayant jamais été suspendue, dans la mesure où elle bénéficie directement aux populations. Il s'agit d'un montant important, de l'ordre de 92 millions d'euros.

Dès lors, je suis persuadé que les autres pays vont suivre. Il est probable que nous connaîtrons une situation budgétaire plus stable. L'utilisation des fonds n'en devra pas moins être encadrée.

La participation des bérets rouges soulève les problèmes internes à l'armée malienne. Je pense que nous allons trouver une solution durable à cette question. Je vous renvoie au message de voeux du Président de la République aux armées, dans lequel il a demandé l'union sacrée, avant même que nous ayons à faire face aux événements. Les militaires ont compris qu'il fallait dépasser certaines considérations. La république ne se bâtira pas sans une armée forte, bien formée et consciente de ses missions.

Les institutions sont en place. Lors du coup d'État, un trait de plume a suffi pour les suspendre, puis un autre pour les rétablir. L'Assemblée nationale siège aujourd'hui de plein droit. Nous avons donc déjà amorcé un retour à l'ordre constitutionnel : le Président de la République exerce ses fonctions en vertu des prérogatives constitutionnelles du président de l'Assemblée, qui assume l'intérim jusqu'à l'élection d'un nouveau président. Cependant, cela doit être consolidé, en raison du coup d'arrêt à la construction de la république que nous avons connu : les élections de 2012 auraient dû nous permettre de franchir un cap supplémentaire, mais elles ont débouché sur un échec, qui a été aussi celui de vingt ans d'exercice démocratique. Je rappelle, encore une fois, combien votre propre construction démocratique a été longue et que la constitution de la Ve République remonte seulement à 1958, soit deux ans à peine avant l'indépendance de nos pays. Nous sommes donc à une étape de la construction de nos États.

Le fichier électoral à venir sera biométrique, conformément à ce que la classe politique a décidé avec le ministre de l'administration territoriale. À cet égard, nous avons terminé l'enrôlement des Maliens de Côte d'Ivoire pour que les prochaines élections ne fassent pas l'objet de contestation. Il s'agit d'avoir une carte d'identité sur la base d'un numéro d'état civil servant aussi de carte d'électeur. Le ministère de l'administration territoriale et la délégation générale aux élections travaillent à la préparation des élections.

Mais il faudra finir de libérer les grandes villes du nord et obtenir que les citoyens partis du fait de l'absence de l'armée puissent revenir et exprimer leur vote. Que vaudrait un président élu par la moitié d'un pays ? Il serait contesté le lendemain. D'ailleurs, si nous admettions cela, ce serait accepter l'idée même de la partition du pays. Les concertations décideront de l'ordre des élections.

En tout état de cause, le Président actuel ne sera pas candidat, ni les ministres : nous avons accepté notre mission de dirigeants de la transition en connaissance de cause. Nous allons agir avec beaucoup de neutralité et faire en sorte que tout se passe au mieux.

En ce qui concerne la Françafrique, cette expression d'un autre âge n'a pas beaucoup de sens pour moi : je suis d'une génération qui n'a pas été colonisée ; je n'ai donc pas de complexe. Les Français ont aujourd'hui accepté d'aller verser leur sang pour nous : cela m'oblige à venir vous donner des explications et des assurances sur notre engagement et notre volonté de nous montrer dignes de votre solidarité.

L'engagement de la France revêt une signification incroyable pour nous : les Maliens s'arrachent aujourd'hui les drapeaux français pour les mettre sur des mobylettes ! Et le chef de bataillon Damien Boiteux qui va être enterré samedi a vu son nom donné déjà à deux garçons nés dans le Nord du Mali. Si c'est cela la nouvelle Françafrique, respectueuse de la morale, de la solidarité entre nos deux peuples et de tout ce pour lequel nous nous battons, je suis d'accord !

Tous les pays arrivant à se développer durablement le font sur la base de compromis. C'est ainsi que nous pourrons vivre ensemble : les minorités qui manifestent leur mécontentement, leur refus ou leur opposition, ont le droit de le faire, mais prendre des armes et les retourner contre ses compagnons et son pays doit prendre fin. Nous devons tout faire pour que ne puissent plus s'exprimer des rébellions sur une base ethnique ou confessionnelle.

Le pacte national, comme les accords de Tamanrasset et d'Alger, montrent que les autorités maliennes ont, à chaque étape, favorisé le dialogue politique. Nous le ferons encore cette fois-ci lorsque nous aurons achevé les engagements militaires contre le terrorisme.

Monsieur Lellouche, je ne suis pas en mesure de dire combien de temps cela prendra : il s'agit d'opérations militaires qu'il convient de laisser aux militaires. Je comprends que certains craignent l'enlisement : nous aussi ! Pour l'éviter, il faut acter la mise en route de la MISMA, qui va donner un coup de fouet pour que ces combats durent le moins longtemps possible.

Je souhaite enfin vous redire notre gratitude et la fierté que nous avons de vous compter parmi nos amis : c'est pour moi le message le plus important.

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