Intervention de Barbara Pompili

Réunion du 7 mars 2016 à 20h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Barbara Pompili, secrétaire d'état chargée de la biodiversité :

Tel qu'il est actuellement rédigé, l'article 33 A résulte des travaux parlementaires, en particulier du remarquable travail accompli par la rapporteure, Mme Geneviève Gaillard. Dans la conception et la mise en oeuvre de leurs projets, les maîtres d'ouvrage doivent définir des mesures adaptées pour éviter, réduire et, en dernier lieu et en l'absence d'autre solution, compenser leurs impacts négatifs sur l'environnement.

Je tiens d'emblée à rassurer la Commission concernant les intentions du Gouvernement : le projet de loi ne remet naturellement pas en cause la séquence « éviter, réduire, compenser ». Ces dispositions de droit commun ne sont pas modifiées dans l'article L. 122-1 du code de l'environnement, bien au contraire : le projet d'ordonnance de modernisation de l'évaluation environnementale, qui transpose la directive de 2014 en cours de débat au Conseil national de la transition écologique, conforte le principe selon lequel les maîtres d'ouvrage doivent en priorité éviter et réduire les atteintes à l'environnement, et seulement en dernier recours les compenser.

L'objet du présent article consiste précisément à mieux encadrer les mesures compensatoires. À ce titre, le Gouvernement tire les enseignements des contentieux récents suscités par des projets contestés. Le projet de texte prévoit que les mesures compensatoires demeurent sous la seule responsabilité du maître d'ouvrage titulaire de l'autorisation et respectent l'équivalence écologique, qu'elles soient soumises à un agrément lorsqu'elles sont réalisées par un tiers, qu'elles fassent l'objet d'un suivi renforcé et soient stockées dans un système d'information dédié, qu'elles s'accompagnent de sanctions administratives en cas de défaillance et qu'elles permettent à l'autorité administrative d'exiger du maître d'ouvrage la constitution de garanties financières. L'État peut ainsi se prémunir contre le risque de faillite du maître d'ouvrage avant même que celui-ci n'ait pu satisfaire à ses obligations de compensation environnementale.

D'autre part, l'article 33 A prévoit des solutions alternatives à l'acquisition foncière des sites de compensation, vécue comme une double peine dans le monde rural dont les terrains sont d'abord grignotés par les projets eux-mêmes puis par les mesures compensatoires prescrites, et qui ne présentent pas toujours une garantie de pérennité car l'aménageur ne gère pas ces sites de compensation dans la durée. L'article 33 A permet donc au maître d'ouvrage de satisfaire à ses obligations de compensation en signant des contrats avec les propriétaires de terrains, notamment agricoles et forestiers. Les contrats civils attachés aux terrains et comportant une obligation réelle environnementale, en particulier, offrent les garanties de pérennité requises. En confiant les mesures compensatoires à un prestataire dit « opérateur de compensation », le maître d'ouvrage pourrait également, le cas échéant, acquérir des unités de compensation écologiquement équivalentes à ses obligations auprès d'une réserve d'actifs naturels agréée par l'État. Cette voie intéressante est en cours d'expérimentation et le projet de loi prévoit de l'encadrer.

Toutes ces dispositions sont contractuelles et conclues avec l'accord de l'ensemble des parties. En particulier, le propriétaire du terrain accueillant les mesures compensatoires reste libre d'accepter les termes du contrat, de le résilier dans les termes prévus dans le contrat initial et de disposer de son terrain comme il l'entend à l'issue du contrat passé avec le maître d'ouvrage. Dans tous les cas, le maître d'ouvrage demeure responsable de la bonne mise en oeuvre de la compensation prescrite.

Enfin, plusieurs députés ont déposé des amendements visant à supprimer les réserves d'actifs naturels au motif qu'elles participeraient à la financiarisation de la nature. Or, ces réserves respectent le principe de la compensation en nature et de l'équivalence écologique. En d'autres termes, il ne s'agit pas pour le maître d'ouvrage de solder ses obligations de compensation par un chèque, mais de contractualiser avec l'opérateur ayant réalisé la mesure compensatoire équivalente en amont en présentant des garanties.

Ce dispositif a donné lieu à plusieurs expérimentations, par CDC Biodiversité en plaine de Crau depuis 2008 et, depuis 2015, par EDF, par la société Dervenn et par le conseil général des Yvelines. Les premiers résultats semblent positifs. S'il fonctionne, ce dispositif aura pour avantage de permettre l'anticipation et la mutualisation des mesures compensatoires. En définitive, l'encadrement réglementaire et le recours à un agrément préalable de l'État offrent les garanties permettant d'éviter les dérives que vous craignez, y compris l'arrêt des réserves d'actifs s'ils ne s'avèrent pas concluants.

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