Intervention de Gilles Lurton

Séance en hémicycle du 10 mars 2016 à 9h30
Rémunération du capital des sociétés coopératives — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste a souhaité inscrire dans sa journée d’initiative parlementaire une proposition de loi relative à la rémunération du capital des sociétés coopératives. Au nom du groupe Les Républicains, je me réjouis de l’opportunité qui nous est donnée d’adopter un texte attendu par le mouvement coopératif et qui devrait nous réunir sur tous les bancs si nous en jugeons l’unanimité qui a prévalu en commission des lois la semaine dernière.

Au premier abord, cette proposition de loi peut paraître uniquement technique. Elle prévoit que tous les membres d’une coopérative se voient attribuer des parts sociales dès lors qu’ils sont supposés participer au fonctionnement et à la gouvernance de la coopérative.

Ces parts sociales sont rémunérées dans des conditions définies par la loi de 1947 portant statut de la coopération, qui a mis en place un plafond fixé au regard du taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées. Or les auteurs de la proposition de loi, au premier rang desquels notre collègue rapporteur, Joël Giraud, font le constat suivant – je cite l’exposé des motifs – : « Avec l’environnement des taux bas, l’intérêt versé aux " parts sociales " des sociétés coopératives a notoirement baissé au cours des deux dernières années ».

Ainsi, cette méthode de calcul pose désormais question dans la mesure où le TMO ne cesse de décroître et ne permet plus de rémunérer les parts sociales qu’à un maximum par exemple de 1,89 % au titre de l’année 2014. Cette tendance doit encore se renforcer en 2015, du fait de la chute des taux d’intérêt des emprunts d’État, avec un TMO qui est passé nettement sous la barre des 1 %, s’établissant à 0,91 %.

La proposition de loi du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste prévoit en conséquence de modifier le plafond prévu par la loi de 1947, en prenant comme référence les taux moyens de rendement des obligations des sociétés privées au cours des trois années civiles précédant la date de leur assemblée générale, avec une majoration de deux points.

L’aspect technique de la rédaction de la proposition de loi ne doit cependant pas masquer les conséquences pratiques de ce texte : il s’agit tout simplement de rendre plus attractif le modèle coopératif, en permettant une meilleure rémunération des parts sociales des sociétaires. Cette idée, nous l’avons déjà exprimée au moment de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2015. En effet, à cette occasion, les sénateurs avaient introduit un article reprenant exactement les termes de la présente proposition de loi. L’Assemblée nationale n’avait pas remis en cause cet article.

Le Gouvernement, par la voix du secrétaire d’État au budget, Christian Eckert, et l’Assemblée nationale par celle de Gilles Carrez, président de la commission des finances, ou encore Charles de Courson, avaient clairement affiché leur soutien à cet article. Certes, lors des débats, la question de sa constitutionnalité s’était posée mais les parlementaires avaient accepté de prendre ce risque. Dans sa décision du 29 décembre 2015, le Conseil constitutionnel a malheureusement censuré cet article considérant qu’il était un cavalier budgétaire, puisqu’il ne rentrait pas dans le champ d’application d’une loi de finances.

Il fallait donc une loi ordinaire pour introduire cette disposition. C’est ce qui explique le sujet sur lequel nous travaillons aujourd’hui. Le mouvement coopératif est l’un des maillons essentiels de l’économie sociale et solidaire dans notre pays, puisque la France est le deuxième pays le plus coopératif au monde. Je reprendrai, monsieur le rapporteur, les chiffres indiqués dans votre rapport, qui permettent de mesurer l’ampleur du mouvement : 22 500 entreprises coopératives, qui interviennent dans tous les secteurs d’activité et notamment les banques de détail, l’agroalimentaire et le commerce de détail ; 1,2 million de salariés ; 26 millions de sociétaires et 307 milliards de chiffres d’affaires. Ce mouvement est en pleine expansion puisqu’entre 2008 et 2014, l’emploi salarié a augmenté de 0,9 % et le chiffre d’affaires de 15 %. Au-delà des chiffres, le mouvement coopératif permet de maintenir l’attractivité des territoires, puisque 73 % des plus grandes coopératives ont leur siège en dehors de la région parisienne.

En tant qu’élu breton, je peux témoigner de l’importance de ce mouvement et du rôle prépondérant des coopératives. Elles sont devenues des acteurs structurants de nos territoires, de l’économie agricole et agroalimentaire. C’est un phénomène qui n’est pas nouveau pour la Bretagne. En 1960, pour la première fois, l’effectif de la population urbaine de cette région a dépassé en nombre celui des campagnes. La Bretagne rurale a alors changé de visage : les agriculteurs se sont restructurés et se sont tournés vers des cultures maraîchères comme l’artichaut ou le chou-fleur et vers l’élevage. Les coopératives sont alors devenues de grandes puissances économiques et l’un des outils majeurs de cette restructuration. Aujourd’hui, elles représentent en Bretagne un chiffre d’affaires de 29 milliards d’euros, 70 000 salariés et 205 sites industriels.

Ces coopératives, qu’elles soient bretonnes ou nationales, ne se sentent pas toujours soutenues par les pouvoirs publics et sont souvent traitées de manière inéquitable. Cela a été le cas avec la loi sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui a privé les coopératives de la mesure de suramortissement qu’elle créait pour toutes les autres entreprises, au motif que les coopératives bénéficient déjà d’un régime fiscal spécifique. De même, à ce jour, les coopératives ne peuvent toujours pas bénéficier du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, alors que la loi de finances rectificative pour 2012 le prévoyait très clairement. Toutes ces dispositions ont pour effet de fragiliser les coopératives, de les appauvrir et de les priver de moyens.

Alors que notre pays traverse une grave crise en termes d’emplois, il est important que nous nous retrouvions pour encourager des secteurs économiques qui fonctionnent et des initiatives utiles.

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