Intervention de Laurence Abeille

Réunion du 23 janvier 2013 à 10h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Abeille, rapporteure :

C'est avec beaucoup d'espoir que je vous présente cette proposition de loi du groupe écologiste.

Dès le début de mon mandat, j'ai approfondi les questions soulevées par l'utilisation des ondes électromagnétiques. Pour l'élaboration de la présente proposition de loi et la préparation de son examen, j'ai procédé avec nos collègues Suzanne Tallard, rapporteure pour avis, et François Pupponi à de nombreuses auditions, d'associations, d'élus locaux, d'opérateurs de téléphonie mobile, d'équipementiers, d'agences de l'État telles que l'Agence nationale des fréquences (ANFR), l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), l'Institut de veille sanitaire (InVS), l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), les administrations centrales et, hier encore, de la ministre belge de l'environnement…

L'attente de la population est forte car l'inquiétude est profonde. Il n'est guère de Français qui ne vivent tout près de l'une des 100 000 antennes relais que compte ce pays ; tout le monde, ou presque, utilise la technologie wifi et possède un téléphone portable. Le sujet concerne donc l'ensemble de nos concitoyens.

Si les ondes artificielles sont émises, depuis des dizaines d'années, par la radio et par la télévision, l'essor des télécommunications depuis les années 2000 amène à reconsidérer le sujet. Ce bain d'ondes électromagnétiques dans lequel nous vivons se densifie, le spectre électromagnétique artificiel s'élargit et se remplit : une accumulation qui, inévitablement, inquiète.

Une des plus fortes incitations à agir vient de la classification, par l'OMS, de l'ensemble des ondes électromagnétiques comme potentiellement cancérigènes. Le législateur doit entendre ces alertes et reconnaître les risques, pour la santé publique, d'une exposition continue aux ondes. C'est pourquoi la présente proposition de loi vise à appliquer en la matière le principe de précaution.

Bien des arguments hostiles lui ont été opposés.

Certains considèrent qu'il n'y a pas de risque pour la santé et vont même jusqu'à nier qu'on puisse douter de l'innocuité des ondes. Si les risques ne sont pas encore clairement établis, convenons au moins que les doutes existent, y compris pour des expositions à de faibles niveaux. C'est bien pourquoi nous proposons d'inscrire dans la loi un principe de sobriété applicable aux émissions d'ondes électromagnétiques.

Nous savons déjà que celles-ci sont dangereuses à des niveaux élevés d'émission. C'est pourquoi le décret de 2002 fixe des niveaux d'exposition maxima entre 41 et 61 volts par mètre, qui protègent des effets dits thermiques, c'est-à-dire des échauffements. Mais des doutes existent – pour ma part des certitudes – quant aux effets sur la santé d'une exposition permanente aux ondes électromagnétiques à des niveaux beaucoup plus faibles que 41 volts par mètre.

On dit aussi que le calendrier d'examen de la proposition de loi ne serait pas opportun. L'ANSES doit en effet rendre un nouvel avis en juin prochain. Mais notre texte intègre les travaux menés dans le cadre du Grenelle des ondes et dont les premières conclusions ont été présentées par l'ANFR. Dans son rapport de juin 2009, l'ANSES recommandait « de rechercher les quelques points du territoire où les niveaux d'ondes de radiofréquences sont nettement plus élevés que la moyenne, de les cartographier et de proposer une procédure pour réduire les niveaux ». « Cette démarche, ajoutait-elle, s'inscrit dans une logique environnementale où, dès lors qu'une exposition peut être réduite, elle doit être envisagée. ». Pourquoi donc attendre l'actualisation de ce rapport, prévue pour 2013 ? Des scientifiques, des associations et des élus se sont engagés sur ce sujet depuis plusieurs années. Il me paraît donc superflu de différer encore de premières mesures de protection.

Enfin, à défaut de se soucier de la santé des citoyens, certains se soucient de celle des opérateurs de téléphonie mobile. Mais notre proposition de loi est suffisamment équilibrée pour ne pas remettre en cause leur équilibre économique. Si les opérateurs traversent actuellement une passe difficile, il faut en tenir compte sans pour autant nous interdire d'agir pour protéger la santé de nos concitoyens.

Le texte qui vous est soumis traite principalement de la question des radiofréquences, même si l'inquiétude porte sur l'ensemble du spectre électromagnétique.

En voici les principales dispositions.

En premier lieu, elle demande, avant tout lancement d'une nouvelle application technologique, une étude d'impact sanitaire et environnemental. On installe aujourd'hui la 4G sans savoir, faute d'étude préalable, si elle comporte des risques. Je relève qu'avant toute mise sur le marché d'un médicament, on procède à de nombreuses études. Il convient de prévoir un processus analogue pour les applications émettant des ondes électromagnétiques.

En deuxième lieu, la proposition de loi traite de la question du wifi, source d'émissions électromagnétiques en plein essor depuis quelques années. Des solutions simples peuvent être trouvées pour limiter l'exposition des populations, comme la modulation de la portée du wifi et la possibilité de le désactiver simplement.

En troisième lieu, le texte propose de privilégier les connexions filaires dans les établissements scolaires et d'interdire le wifi dans les structures d'accueil de la petite enfance. Il me paraît en effet essentiel de protéger les enfants, particulièrement vulnérables, des risques potentiels liés aux ondes. Le développement numérique dans les écoles doit passer par des liaisons filaires. Et je ne vois vraiment pas l'intérêt de connexions wifi dans les crèches...

En quatrième lieu, la proposition aborde l'intolérance aux ondes électromagnétiques dont souffrent les personnes qualifiées d'électro-hypersensibles. Cette nouvelle pathologie pourrait constituer un important problème de santé publique au fur et à mesure que se développeront les technologies sans fil.

En cinquième lieu, le texte rend obligatoire la délivrance d'un permis de construire pour l'implantation d'une antenne relais. Tous les élus locaux connaissent les problèmes qui en découlent. Notre objectif n'est pas de contraindre les opérateurs mais de rendre les implantations et les informations techniques qui les concernent plus transparentes, comme d'instaurer davantage de concertation avec les élus et avec la population.

En sixième lieu, si la détermination des niveaux de seuil d'exposition relève bien du pouvoir règlementaire, il revient à la loi, et c'est le point central de notre proposition, d'exiger l'application du principe low as reasonably achievable (ALARA) – en français, « une exposition aussi basse que raisonnablement possible. » En effet, le décret de 2002, qui fixe des seuils à 41, 58 et 61 volts par mètre, est devenu obsolète, comme le démontre le recensement par l'ANFR de tous les points dits « atypiques », à plus de 6 volts par mètre. Il convient désormais de lancer un plan d'abaissement des seuils d'exposition fondé sur les expérimentations déjà réalisées à 0,6 volts par mètre.

En septième lieu, alors que la communauté scientifique est désormais unanime pour reconnaître la dangerosité d'une utilisation immodérée du téléphone portable, une campagne de prévention doit être menée par l'INPES. Je suis également convaincue de la nécessité d'un encadrement plus strict de la publicité. C'est pourquoi j'ai pris connaissance avec satisfaction des amendements déposés à ce sujet, qui rejoignent l'esprit des miens.

Enfin, notre texte propose l'établissement d'un rapport sur la mutualisation des antennes relais et la création d'un réseau national de téléphonie mobile. Un réseau unique présenterait en effet l'avantage de la cohérence, à l'image de ce qui existe déjà pour le rail et pour l'électricité. À l'aube du déploiement de la 4G, il ne semble pas pertinent que les quatre opérateurs déploient quatre réseaux similaires.

Je vous invite donc à adopter cette proposition.

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