Intervention de Jean-Marie Sermier

Réunion du 8 mars 2016 à 21h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Sermier :

Si nous décidions d'interdire les néonicotinoïdes à compter du 1er janvier 2017, nous irions tout droit vers un recours justifié, et qui aurait toutes les chances de succès, en vertu du règlement européen n° 11072009.

Quelles seraient les conséquences d'une interdiction ? Comme il n'y a pas de molécule de substitution pour l'enrobage des semences, l'interdiction conduirait une utilisation plus importante des insecticides foliaires. Il faut bien traiter les ravageurs de cultures. Or nous n'avons aucun produit de substitution pour traiter la jaunisse de la betterave ou la flavescence dorée de la vigne. Pour venir à bout des cicadelles, nous serions obligés d'utiliser d'autres insecticides. Une interdiction des néonicotinoïdes se traduirait par une augmentation de l'utilisation d'autres insecticides qui ne sont pas meilleurs pour la santé quand ils sont mal utilisés.

Nous avons déjà eu ce débat tout à l'heure. Pour ma part, je fais confiance aux agriculteurs et aux viticulteurs. Ils savent comme tout le monde que les produits phytosanitaires présentent à la fois des avantages et des risques ; ils ne s'en servent pas pour le seul plaisir d'utiliser leur pulvérisateur. Il faut considérer ces produits comme des médicaments pour les cultures, qui peuvent être victimes de ravageurs et de maladies. Or un malade respecte la posologie prescrite par son médecin, il ne prend pas dix fois la dose. Quand ils sont utilisés avec bienveillance et dans le respect de la loi, ces insecticides ne présentent pas les dangers dont vous parlez.

Vous évoquez la pollinisation et les abeilles. Or l'étude qui nous a été présentée dans cette salle est extrêmement claire : elle indique que le risque pour les abeilles ne peut pas être démontré, qu'il n'y a pas de certitude sur le plan statistique. Une chose est sûre : la mortalité des abeilles est plus forte dans le nord de l'Europe, là où l'on n'utilise absolument pas les néonicotinoïdes. Par conséquent, il faut faire attention à ce qu'on dit et aux relations directes, parce qu'on s'est aperçu que les abeilles étaient notamment victimes de certains problèmes sanitaires qui n'étaient pas mis en avant.

Rappelons aussi que les néonicotinoïdes ne sont pas seulement utilisés en agriculture. Certains biocides contiennent des néonicotinoïdes. Tous ces produits vont-ils être supprimés ? Va-t-on renoncer à lutter contre les insectes et les parasites qui sont vecteurs de maladies humaines telles que la typhoïde ou la tuberculose, ou de maladies animales telles que la fièvre aphteuse ou la peste porcine ?

Madame Laurence Abeille, je reconnais que certaines études alertent sur les dangers de ces substances, un peu comme Gilles-Eric Séralini dénonçait la toxicité du Roundup : si on met du glyphosate dans leur boisson, les rats développent des tumeurs, nous disait-il. Évidemment ! (Murmures divers) À ces niveaux d'ingestion, il y a évidemment des problèmes et des maladies. Les néonicotinoïdes ont obtenu des autorisations de mises sur le marché (AMM) qui continuent d'être valides et de faire l'objet de recherche de la part des organismes des vingt-huit pays de l'Union européenne et d'autres. Il faut faire confiance à la recherche.

Les sénateurs ont trouvé un point d'équilibre. Considérant que ces produits sont sans doute dangereux, ils ont cherché le moyen d'encadrer leur usage. Ils proposent que, dans les trois mois après la promulgation de la loi, le ministre de l'agriculture prenne un arrêté pour préciser l'utilisation des néonicotinoïdes. Une interdiction à compter de janvier 2017 serait inévitablement source de pollution supplémentaire par d'autres insecticides.

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