Intervention de Jean-Yves Caullet

Réunion du 8 mars 2016 à 21h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Caullet :

Tout le monde peut s'accorder sur deux choses : le caractère toxique de ces produits ; la nécessité d'avoir des agricultures qui, petit à petit, se libèrent des pesticides ou, tout au moins, qui y recourent le moins possible. Mais un autre constat s'impose : ce n'est pas l'interdiction d'une molécule qui peut entraîner, à elle seule, le basculement de tout système agronomique. Même si nous adoptions ces amendements, le système agronomique français ne changerait pas au 1er janvier 2017 ; son évolution prendra du temps.

Prenons les traitements de semences. En la matière, l'ANSES préconise des précautions d'utilisation et non pas une interdiction totale. Si ces préconisations étaient appliquées au 1er janvier 2017, elles provoqueraient un report vers d'autres produits dans les exploitations, parce que le système ne sera pas devenu agro-écologique dans l'intervalle. À système agronomique égal, l'interdiction d'une substance conduira à un report vers d'autres produits.

Selon l'ANSES, l'utilisation des néonicotinoïdes en enrobage de semences n'est pas anodine : il y a des transmissions dans la plante, des rémanences, etc. J'en suis tout à fait convaincu et cela a d'ailleurs été parfaitement démontré. Cela étant, je suis sûr aussi que les effets les plus dramatiques de ces substances, ceux qu'a cités notre collègue Bapt sur la santé humaine notamment, sont liés aux aspersions. Avec ce mode d'utilisation, les néonicotinoïdes présentent une dangerosité directe pour les utilisateurs comme pour les consommateurs de produits.

Nous ne sommes pas obligés de choisir entre tout ou rien. Il n'y a pas, d'un côté, la solution courageuse consistant à interdire et, de l'autre, l'aveuglement conduisant à ne rien faire. Le Sénat ne propose pas de ne rien faire. Sa proposition peut être jugée insuffisante mais soyons clairs : il ne s'agit pas de ne rien faire et le Gouvernement réaffirme au passage sa volonté d'aller vers la diminution puis la substitution complète, voire l'interdiction, de ces produits toxiques.

Se pose, en outre, le problème, que j'allais dire corrélatif, concernant l'usage de ces produits en dehors de l'agriculture, notamment dans les biocides utilisés en milieu hospitalier. Seul Philippe Plisson visait spécifiquement le domaine phytosanitaire dans son amendement qu'il a malheureusement abandonné. Tels qu'ils sont rédigés, tous les autres amendements posent un problème sur lequel nous serons bien obligés de revenir.

À titre de comparaison, on cite souvent l'Allemagne, pays qui a un climat beaucoup plus continental que le nôtre et qui n'est évidemment pas exposé aux mêmes attaques d'insectes sur ses cultures de céréales. Et, pour la France, les céréales représentent une production majeure.

Tout en ayant le même objectif que les auteurs de ces amendements, c'est-à-dire faire en sorte que l'agriculture française finisse par se passer des néonicotinoïdes, je pense qu'il faut procéder par étapes. Nous avons déjà interdit leur usage là où il n'était pas indispensable, à savoir sur les voies publiques et dans les jardins. Nous avons interdit leur pulvérisation. Que l'on restreigne leurs autres usages, au fur et à mesure que les progrès agronomiques le permettront, et nous toucherons au but sans avoir brisé notre système agronomique.

Une fois cette mutation achevée, l'agriculture française pourra en tirer un avantage compétitif. À terme, il faudrait d'ailleurs que les néonicotinoïdes ne soient plus du tout utilisés au niveau européen, et qu'une interdiction d'importation de produits qui en contiendraient des traces figure dans les traités transatlantiques. Ce serait une victoire supplémentaire.

Pour toutes ces raisons, je préfère la voie empruntée par le Sénat, même si on peut muscler leur proposition, si je puis dire. Une interdiction serait certes un acte très démonstratif, mais nous aurions beaucoup de mal à la gérer dans les délais prévus.

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