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Intervention de Delphine Batho

Réunion du 8 mars 2016 à 21h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Batho :

Sur ce sujet, il n'y a pas seulement une ou deux études scientifiques ; il existe plus de 1 100 études convergentes à l'échelle internationale. (Approbations) Nous ne discutons pas d'un vague problème lié à un produit chimique ; nous parlons d'un phénomène de contamination généralisée par un toxique extrêmement puissant ; l'une de ces substances est 5 000 à 10 000 fois plus puissante que le DDT interdit depuis bien longtemps.

Comme l'a indiqué Mme la secrétaire d'État, l'usage de ces substances augmentant, l'imidaclopride est passé en quelques années du cinquantième au douzième rang du classement des substances que l'on retrouve dans les cours d'eau et les rivières de France. Ces produits ont un impact sur la biodiversité, sur les pollinisateurs comme les abeilles, mais aussi sur les oiseaux et les milieux aquatiques. Ils ont aussi des conséquences sur un secteur de l'agriculture, l'apiculture, qui est confrontée à la diminution de 37 % des abeilles et des pollinisateurs sauvages en Europe.

S'il y a une brutalité, pour reprendre ce mot qui a été utilisé, c'est celle qui est subie par les abeilles. La dose létale de l'imidaclopride pour les abeilles est de 0,005 nanogramme ; cette dose multiplie par deux la mortalité des abeilles.

Les recommandations de l'ANSES – puisque ce n'est pas le rôle de l'Agence de prendre des décisions politiques – sont inapplicables parce qu'elles renvoient la responsabilité à l'agriculteur. Nous en revenons au même genre de débat que celui que nous avons eu sur l'affaire du registre. Selon le texte du Sénat, le ministre de l'agriculture prendrait un arrêté pour dire aux agriculteurs : vous ne devez pas planter des cultures attractives pour les pollinisateurs après des cultures provenant de semences traitées au néonicotinoïdes ou près de telles cultures. On rajoute un étage de complexité supplémentaire, faute d'avoir le courage politique de prendre la décision simple qui s'impose : interdire ces substances.

Certains évoquent des effets de transfert vers d'autres produits en cas d'interdiction des néonicotinoïdes. Si cet argument était recevable, Stéphane Le Foll, le ministre de l'agriculture, n'aurait pas courageusement interdit le Cruiser OSR, comme il l'a fait en juin 2012. Si cet argument était recevable, la France n'aurait pas défendu le moratoire partiel, en décembre 2013 au niveau européen. D'ailleurs, le terme « moratoire » est inapproprié puisqu'il ne s'agit que de certaines restrictions d'usage.

Selon tous les scientifiques, la logique des restrictions par culture ou par type d'usage ne donne aucun résultat. Pourquoi de telles dispositions sont-elles inopérantes ? Imaginons que l'on n'interdise ces substances que sur les cultures censées servir de nourriture aux abeilles et pas sur les céréales à paille. Compte tenu de la rémanence de ces produits, le tournesol planté dans un champ où était cultivé du blé Gaucho quelques années auparavant, sera contaminé par les néonicotinoïdes.

S'agissant de l'eurocompatibilité, je signale que certaines substances sont interdites en France tout en étant autorisées au niveau européen. Je peux en fournir la liste à ceux que cela intéresse.

Pour finir, je voudrais surtout insister sur la convergence d'intérêts qui existe entre agriculteurs et apiculteurs. Dans l'Union européenne, 84 % des cultures dépendent des pollinisateurs sauvages. Les études scientifiques montrent qu'il n'y a pas eu d'effondrement des rendements agricoles après les décisions de restrictions d'usage qui ont été prises ; elles indiquent, à l'inverse, que sans pollinisateurs sauvages, la productivité du colza s'effondre de 70 % et celle du tournesol de 50 %. Au lieu d'opposer les uns aux autres, il faut comprendre qu'il existe une convergence des intérêts de tous. Même les rendements agricoles ont tout à gagner à la survie des abeilles et des pollinisateurs sauvages.

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