Chères collègues – je me permets de m’adresser avant tout, aujourd’hui, aux femmes qui siègent sur ces bancs –, je ne peux prétendre ressentir les inégalités dont les femmes sont victimes au travail. Mais avant d’être élu député, j’ai été cadre dans le secteur privé, je suis devenu père, et j’ai pu voir un des aspects les plus cyniques du monde du travail. J’ai été témoin du dilemme que vous connaissez trop souvent : le travail et son accomplissement, d’un côté, la joie de fonder une famille et d’élever ses enfants, de l’autre. Si j’avais été confronté à ce choix, ma vie aurait-elle été différente ? Serais-je là aujourd’hui ? Je présume que les hommes présents dans cet hémicycle se posent eux aussi la question.
L’examen de ce texte me rappelle une réalité bien cruelle, qu’il n’est jamais inutile de dénoncer. Les filles sont plus douées à l’école que les garçons, les jeunes femmes réussissent leurs études, c’est un fait. Et pourtant, les femmes sont moins présentes dans les conseils d’administration des grandes entreprises, elles sont sous-représentées au Parlement, elles gagnent en moyenne beaucoup moins que les hommes, et ce, sans raison.
Nous devons lutter pour tendre vers l’égalité professionnelle, et de manière plus générale, vers l’égalité entre les hommes et les femmes. Dans la société du XXIe siècle, la loi doit protéger la position des mères sur le marché du travail. C’est l’objectif de cette proposition de loi.
Le groupe écologiste salue donc cette initiative. L’avancée des droits des femmes est une valeur commune, que nous sommes heureux de défendre aux côtés de nos collègues du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Lorsque l’on sait que 4 % des femmes enceintes perdent leur emploi parce qu’elles portent la vie – une chose merveilleuse ! –, que selon l’institut CSA, 28 % des femmes ayant été enceintes pendant leur vie active ont eu le sentiment d’être victimes de discrimination sur leur lieu de travail en raison de leur grossesse, on comprend qu’il est urgent d’apporter des correctifs au droit du travail et de limiter le comportement de certains employeurs – je dis bien de certains employeurs, car les autres partagent en grande majorité l’idée de progrès que représente l’égalité entre les femmes et les hommes.
Certes, nous ne nous pouvons prévenir tous les abus des employeurs, notamment lorsqu’ils trouvent des moyens détournés pour se séparer d’une jeune maman. Je pense aux cas, malheureusement trop fréquents, où les employeurs poussent de jeunes femmes fragilisées par leur grossesse à la démission ou à une rupture conventionnelle. Nous ne pouvons pas non plus accorder une protection absolue aux mères contre les licenciements, car cela constituerait un mauvais signal pour l’incitation à l’embauche.
Cependant, la proposition du groupe radical que nous examinons aujourd’hui semble trouver un compromis équitable sur le sujet. En portant à dix le nombre de mois… pardon, de semaines, pendant lesquelles le licenciement d’une femme qui vient de connaître une grossesse ne peut être décidé, on institue une protection qui est convenable dans le temps. Cette période prolongée sera l’occasion, pour les femmes, de trouver leur nouveau rythme et de s’adapter à leur nouvelle vie sans être soumises à une précarité persistante ou à une exigence de productivité insupportable, inacceptable. Même si nous n’arrivons pas à écarter totalement le risque de licenciement, efforçons-nous d’aller de l’avant.
J’invite tous ceux qui auraient la tentation de ne porter la période d’interdiction de licenciement à l’égard des mamans qu’à six semaines au lieu de dix à se tourner vers des pays que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier d’« archaïques ». Le Venezuela, le Gabon, la Moldavie, par exemple, se sont dotés de législations beaucoup plus fortes que la nôtre. Les périodes de protection n’y sont pas de six ou de dix semaines, elles se comptent en années ! Et je ne parle pas des pays de l’Union européenne, qui sont tous très protecteurs en matière de retour à l’emploi des femmes après une grossesse.
J’appelle également l’attention de chacun sur le fait que le Défenseur des droits trouve cette période de dix semaines adaptée et nécessaire. Le groupe écologiste partage cette analyse. Que cela soit dit : nous nous prononcerons contre toute modification de cette durée.
Je parlais tout à l’heure de l’inégalité professionnelle dont les femmes sont victimes et du dilemme prégnant entre vie professionnelle et vie de famille, alors que leur épanouissement ne devrait pas dépendre d’un choix entre l’une ou l’autre voie. J’aimerais que l’examen de ce texte soit l’occasion de dire que, si nous voulons une véritable égalité entre hommes et femmes au travail, il convient aussi de repenser le congé parental et de faire en sorte qu’il soit plus souvent partagé par les deux conjoints, peut-être en le rémunérant de façon plus étendue. Je rappelle que Mme la ministre Vallaud-Belkacem avait émis le souhait que 20 % des congés soient partagés entre femmes et hommes. Fondamentalement, c’est dans cette voie qu’il faut oeuvrer.
Quoi qu’il en soit, et je le dis à certains de mes collègues, il n’y a pas d’avancée inutile en matière de droit des femmes, il n’y a pas de protection assez forte pour tendre vers l’égalité professionnelle entre les sexes. C’est pourquoi le groupe écologiste et moi-même soutenons sans détours ni conditions cette proposition de loi dont je remercie très chaleureusement les auteurs, mes amis du groupe RRDP. Ces collègues portent en effet des valeurs fondamentales que nous oublions parfois et que, dans ces périodes difficiles, nous savons retrouver.
Le 13/03/2016 à 09:34, laïc a dit :
"Les filles sont plus douées à l’école que les garçons, les jeunes femmes réussissent leurs études, c’est un fait."
C'est un peu simpliste de dire ça. Les filles ont sans doute plus de facilités à rester 4 heures d'affilé (par exemple) assises à leur bureau pour étudier, tandis que les garçons auront envie de courir et de jouer au foot. Dans ces conditions, ce n'est pas tant l'aptitude intellectuelle qui doit être prise en compte pour évaluer la facilité scolaire qu'une disposition naturelle à l'étude, à son mode de vie particulièrement immobile et fastidieux. Sans compter que l'étude scolaire a comme finalité de reproduire le discours professoral, ce à quoi les filles seront plus aptes que les garçons, plus dans l'information et la réflexion, voire la critique, tandis que l'esprit féminin n'est pas porté sur la critique, et apprend ses leçons docilement sans chercher la contestation.
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