Intervention de Isabelle Attard

Réunion du 23 janvier 2013 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

Monsieur Schrameck, vous avez été choisi par le Président de la République pour présider le CSA : je reviendrai sur les modalités de cette nomination.

Compte tenu de la diversité des missions de ce Conseil, votre tâche sera lourde. Parmi les nombreux défis qui vous attendent, comment ne pas relever les difficultés, notamment financières, du groupe France Télévisions ? Elles sont alarmantes et suscitent des mouvements sociaux importants, les rédactions régionales de France 3 étant particulièrement touchées par la situation. Pour sortir de la crise, il faudra être capable d'assurer à la télévision publique un avenir stratégique, mission dans laquelle nous pensons que le CSA a un véritable rôle à jouer. Pourriez-vous préciser le sens dans lequel vous entendez agir ?

Dans un souci de pluralisme, le groupe Écologiste est intervenu la semaine dernière contre la décision du CSA de favoriser la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) aux dépens des autres syndicats agricoles, notamment la Confédération paysanne et la Coordination rurale. Les chambres d'agriculture étant en période électorale, les trois plages d'expression directe attribuées à la FNSEA et à elle seule constituent une violation patente du principe du pluralisme syndical. Nous espérons vivement que de telles erreurs seront évitées à l'avenir.

Nous sommes attachés aux télévisions locales, qui sont un outil de l'expression citoyenne et donc de la démocratie. Je me réjouis vivement de votre souhait de les soutenir. J'évoquerai simplement le cas de Télé Bocal, rétrogradée du canal 21 au canal 31 de la TNT francilienne, dégradation qui lui a fait perdre quelque 20 % de ses téléspectateurs. Je prends acte avec une réelle satisfaction de votre volonté de trouver un remède à ce problème.

Quelles dispositions le CSA compte-t-il mettre en oeuvre pour garantir une plus grande représentation dans les médias de la diversité française en termes d'idées, de personnalités et de cultures ? Je prendrai le pire exemple, celui des experts invités dans les émissions économiques, qui sont souvent les mêmes. En effet, en 2011, les experts « orthodoxes », dont aucun n'avait vu arriver la crise, ont occupé la plupart des écrans de télévision : Jacques Attali a eu droit à quatorze passages sur France Télévisions, Daniel Cohen à dix-huit et Élie Cohen quarante-trois mais Frédéric Lordon à un seul. Cela vaut aussi pour les questions environnementales.

Quelle est par ailleurs votre vision du CSA à court, moyen et long termes ? Quelle est votre conception de sa gouvernance, conception qui illustrera nécessairement le degré d'indépendance réelle de cette autorité administrative ? Une direction collégiale avait été annoncée dans un premier temps. Comment envisagez-vous le mode futur de désignation des membres du CSA afin que sa composition soit plus démocratique ? Quelle représentation des professionnels du secteur et des usagers prévoyez-vous ? Dans quelle mesure serait-il possible d'introduire au CSA une plus forte représentation directe des préoccupations des citoyens ? Que pensez-vous de l'idée d'y faire entrer un médiateur citoyen, chargé d'encourager, de recueillir et de défendre la parole des citoyens sur la question essentielle de l'information ?

Je me suis rendue la semaine dernière à une table ronde organisée par Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, sur la neutralité des réseaux. Des programmes audiovisuels – vous l'avez rappelé – sont de plus en plus souvent diffusés sur l'internet. Ces nouvelles pratiques posent la question d'un rapprochement du CSA avec l'ARCEP, alors que les modes de diffusion télévisuels et électroniques sont totalement différents. Dans le premier cas, le téléspectateur n'a accès qu'à un nombre restreint de canaux de diffusion : il était donc justifié de créer une autorité de régulation spécifique, notamment pour éviter la prise de contrôle et l'asservissement des chaînes de télévision à des intérêts privés – l'Italie est le premier exemple des dangers que la France a su éviter. Les téléspectateurs sont contraints par les programmes qu'on leur propose, ce qui n'est pas le cas avec l'internet, où chaque internaute est libre de consulter les sites et de regarder les vidéos de son choix, parmi une multitude d'offres que l'humanité n'a jamais connue. Il apparaît donc inconcevable d'appliquer une politique de quotas aux médias internet - du reste, comment pourrait-elle fonctionner ? C'est pourquoi nous recommandons l'instauration d'une législation claire sur la neutralité des réseaux, en espérant que vous soutiendrez ce principe.

Enfin, le CSA est l'autorité chargée notamment du contrôle du respect des lois par les éditeurs et diffuseurs de programmes audiovisuels, de l'impartialité des chaînes publiques et surtout du respect du pluralisme politique et de l'honnêteté de l'information. À ce titre, votre nomination par le Président de la République nous pose un problème. C'est le circuit de décision qui vous a conduit ici, monsieur Schrameck, qui ne convient pas aux écologistes, et non votre parcours ou vos éminentes compétences. Et c'est pourquoi, bien que Mme la porte-parole du gouvernement ait insisté sur le fait que votre nomination soit tout sauf politique, le groupe Écologiste a fait le choix de s'abstenir lors du vote.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion