Intervention de Rudy Salles

Réunion du 23 janvier 2013 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRudy Salles :

Le groupe UDI tient à souligner le fait que vous êtes, monsieur Schrameck, un grand serviteur de l'État, intègre et respecté. Vous avez un profil assez proche de celui de votre prédécesseur : un conseiller d'État ayant eu d'éminentes charges dans les cabinets ministériels.

Il existe toutefois une différence entre vous et M. Michel Boyon : l'absence dans votre parcours de toute trace d'une connaissance avérée de l'audiovisuel. Votre prédécesseur avait consacré toute sa carrière à ce secteur dans différentes fonctions de conseiller, d'administrateur ou de dirigeant. Votre brillant parcours ne me permet pas de dire que vous ayez jamais approché, de près ou de loin, les domaines dont vous aurez la charge. Il est donc bien difficile de se prononcer d'emblée sur la capacité du récipiendaire à exercer les charges qui lui sont proposées.

Il n'est du reste pas plus question de récipiendaire que de nomination envisagée, contrairement à ce que laisse à penser l'ordre du jour de notre Commission, puisque la nomination de M. Schrameck a déjà été annoncée par l'Élysée et largement relayée par l'ensemble des médias. L'avis de l'Assemblée nationale et du Sénat n'est que de pure forme : votre entrée en fonction est prévue après-demain. On ne saurait dire que le pouvoir en place s'embarrasse d'un excès de courtoisie à l'égard du Parlement, dont visiblement il n'attend rien, si ce n'est de servir de chambre d'enregistrement ou de greffier.

Je ne peux pas imaginer que nos collègues de la majorité et que le président de l'Assemblée nationale lui-même, qui s'était engagé à faire respecter les droits de l'Assemblée nationale, admettent une telle situation comme évidente. C'est un précédent fâcheux, qui augure très mal du respect de la règle fondamentale qui est la marque d'une démocratie : l'équilibre des pouvoirs.

Ce précédent est d'autant plus fâcheux que la majorité actuelle détient tous les pouvoirs. À partir de maintenant, démonstration est faite que tout est possible dans le silence des assemblées. Cela m'étonne d'autant plus que l'engagement du candidat François Hollande à la présidence de la République était aux antipodes d'une telle pratique et que la réforme des nominations dans l'audiovisuel par le président Sarkozy avait suscité des cris d'orfraie.

On me dira sans doute que le temps a manqué à la nouvelle majorité pour promulguer une nouvelle loi conforme aux engagements de la campagne. Il y a donc là soit un problème manifeste d'organisation du travail gouvernemental – ce qui ne serait pas inédit avec la nouvelle majorité – soit un choix purement cynique par lequel on impose au successeur ce que l'on n'a pas envie de s'imposer à soi-même. Vous pouvez aisément vous attribuer la phrase de saint Matthieu : « Faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais. »

Et si l'on ose nous dire que l'on attend le résultat de la mission Lescure pour adopter un dispositif législatif sur ce point, je serai tenté de répondre qu'il n'est pas nécessaire de redoubler de cynisme par une mascarade. N'a-t-on pas tenté de faire passer un décret sur l'aménagement des horaires scolaires avant la grande loi de réforme de l'école ? N'a-t-on pas fait adopter une loi sur les emplois d'avenir dont les limites étaient tracées par un texte alors inconnu, la loi créant les contrats de génération ?

M. François Hollande, qui disait vouloir affranchir ou déconnecter cette institution de l'exécutif, perpétue ainsi une vieille tradition que nous regrettons. C'est malheureusement la marque d'un président normal, trop normal. Je ne suis toutefois pas certain que ses électeurs aient donné à cet adjectif le même sens que lui.

Heureusement, Mme Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, nous a récemment rassurés en précisant sans rire que ce n'était pas une nomination politique – le groupe Écologiste en a été également convaincu… Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, a été plus explicite encore en déclarant qu'elle n'était même pas sûre que M. Schrameck ait la carte du parti socialiste.

Le groupe UDI que je représente est profondément attaché à la liberté d'expression et de pensée et au respect de toutes les diversités. Il ne peut donc approuver cette nomination politique à la tête d'une institution dont la mission est de veiller à la représentation de la diversité dans les programmes audiovisuels, de contribuer à la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations dans la communication audiovisuelle, d'assurer la transparence et le pluralisme de l'information. Nous sommes d'autant plus inquiets de cette nomination qu'on connaît le souhait du gouvernement d'assurer une forte coordination entre le CSA et l'ARCEP, laquelle n'a aucune logique opérative – nombre de commissaires ont déjà exprimé leur préoccupation à ce sujet.

Le pouvoir maîtrise tous les canaux de diffusion et d'information. C'est une situation sans précédent, d'une très grande gravité pour la démocratie et pour la liberté d'opinion et de pensée de tous nos concitoyens.

Dans ces conditions, le groupe UDI votera contre cette nomination.

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