Intervention de Olivier Schrameck

Réunion du 23 janvier 2013 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Olivier Schrameck :

Je m'efforcerai à la concision en me concentrant sur la substance des problèmes évoqués. Mon exposé liminaire était tourné vers l'avenir, mais je tiens à dire l'estime chaleureuse que je porte à M. Michel Boyon, une estime que les contacts que j'ai noués avec lui dans la perspective de mon éventuelle nomination à sa succession n'ont fait que renforcer. Je tiens aussi à rendre hommage à l'action menée par les membres du collège, ceux qui restent comme ceux dont le mandat s'achève.

Les rapports entre le CSA et le Parlement peuvent se développer sur plusieurs plans. Je serai bien sûr ravi de répondre à l'invitation du président de votre Commission. Le rapport public annuel est une excellente base de discussion mais j'aimerais aller au-delà et, sans me limiter au bilan, vous présenter des projets.

La procédure de nomination à la présidence du CSA ne dépendant pas de moi, je ne puis répondre aux interventions sur ce point.

Je juge fondamental le respect de la diversité, dans la droite ligne du principe d'égale dignité de tous, que je chéris. Cela s'applique à tous, notamment à l'administration du CSA, dont j'ai dit tout le bien que je pense. Mais lorsque je lis que la proportion de personnes handicapées n'y est encore que de 3 % au lieu des 6 % qu'il faudrait, je considère de mon devoir que l'objectif soit atteint. Ce ne sont pas que des objectifs quantitatifs : ils ont trait aussi aux relations personnelles.

S'agissant des relations entre le CSA et l'ARCEP, vous m'avez trouvé prudent, mais la décision ne relève pas du président du CSA. Dire que tout regroupement est une tâche difficile ne signifie pas qu'il ne faille pas l'envisager. Il y a eu multiplication des agences et des opérateurs et, en période de contrainte budgétaire, nous devons rassembler nos forces – mais comment les rassembler au mieux ? Par des procédures de coordination, par des organes communs, ou faut-il aller au-delà ? J'apporterai ma contribution à la réflexion, mais je serais en contradiction avec moi-même si j'émettais un jugement péremptoire sans même avoir pris les fonctions dont il est question aujourd'hui.

Le plafond actuel de concentration des radios a été fixé en 1994. Défini par l'article 41 de la loi du 30 septembre 1986, il peut recouvrir des réalités techniques très différentes selon que l'on se réfère aux normes de l'Union internationale des télécommunications, à l'audience potentielle ou aux références démographiques de l'INSEE. Je souhaite qu'il n'y ait ni sous-estimation ni surestimation. Pour cela, peut-être faut-il trouver une méthode originale de critères cumulés. Ces problèmes me préoccupent au regard de la concurrence, de notre crédibilité économique et surtout du pluralisme.

Le très important sujet des télévisions locales a été souvent abordé. Plusieurs questions sont en jeu : la vie démocratique locale, la continuité du financement, l'indépendance à l'égard des pouvoirs politiques locaux. Nous devons élaborer des documents de référence, et le président du CSA devra se déplacer fréquemment pour rencontrer les acteurs locaux. Cette question doit avoir toute sa place dans les débats sur la poursuite de la décentralisation, car la vie audiovisuelle locale participe de la vie locale.

J'ai été très sensible, monsieur Herbillon, à ce que, comme d'autres de vos collègues, vous vous soyez refusé à tout procès d'intention à mon égard ; j'espère que vous ne regretterez en rien, et je ne l'oublierai pas

Le secteur public, qui s'assimile au service public, a un rôle central de référence et de garantie. Une réflexion devra avoir lieu sur la manière dont ce rôle s'exerce. On a parlé de contrat de mandature plutôt que d'un contrat trop marqué par des exigences économiques et financières - que l'on peut comprendre. Le secteur public doit rester au coeur du paysage audiovisuel français.

La décision relative à la FNSEA publiée au Journal officiel du 10 janvier est une illustration des risques face auxquels nous devons être vigilants.

Pour ce qui est des expertises, le pluralisme doit être ardemment recherché. Le CSA ne peut se substituer aux éditeurs de services, mais eu j'ai eu l'expérience, au Conseil d'analyse économique, d'un pluralisme véritable. Quant aux préoccupations environnementales, elles figurent dans la loi ; et quand j'ai parlé du respect de l'ensemble des missions du CSA, j'y ai bien sûr pensé.

Dans la gouvernance, il faut faire une part à l'ouverture. Les contacts avec les acteurs de la vie associative doivent être renforcés de beaucoup ; il faut trouver les moyens d'y parvenir. Par nature, la structure du CSA doit être ouverte. Un poste de médiateur a déjà été créé, mais pour le problème particulier de la circulation des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles ; cette démarche doit être étendue.

Je redis mon attachement à la neutralité sur l'internet. Tous les flux de données doivent être diffusés dans les mêmes conditions, sans sélection et non tronqués ; le CSA et l'ARCEP doivent s'attaquer à cette tâche, dans leur rôle respectif. Alors que chacun peut désormais choisir son programme, le moment où il l'entend ou le regarde et le terminal qui lui convient le mieux, nous devons impérativement adapter nos schémas traditionnels de régulation – il ne s'agit pas de décalquer sur l'internet le mode de régulation que nous connaissons. Mais vous ne trouverez pas en moi un apôtre de la dérégulation.

Je regrette que des oppositions à ma personne se soient manifestées mais je les respecte. J'espère convaincre ceux qui les ont exprimées en leur apportant, une fois à l'oeuvre, des preuves contraires.

Je serai très attentif aux conflits d'intérêts. Le projet de loi annoncé à ce sujet par le Président de la République permettra d'en débattre.

S'agissant de l'extension de la TNT à plusieurs chaînes supplémentaires, je suis attentif aux objections qui ont été formulées – la saturation du marché publicitaire, l'équilibre économique. Je pense aussi qu'il faut prendre garde à une trop grande fragmentation des publics, qui risquerait d'affaiblir la cohésion nationale.

Nous devons penser aux jeunes, mais aussi aux personnes âgées, qui éprouvent des difficultés particulières. Le passage à la TNT et la renumérotation des chaînes ont été un bouleversement pour elles. Une action d'envergure pourrait consister à éduquer aux médias audiovisuels, afin que tous nos concitoyens sachent l'éventail de l'offre, gratuite ou payante, qui leur est proposée. La multiplicité de l'offre induit une grande opacité qu'il faut dissiper.

Je partage les préoccupations exprimées à propos de la téléréalité. Nous devons avoir pour perspective première la protection des jeunes et le respect de la législation sociale, et être attentifs aussi aux exigences de la production audiovisuelle, car la création est elle aussi menacée par ce biais. Pour toutes ces raisons, le CSA doit être en première ligne.

J'ai dit ce que je pensais du nécessaire pluralisme des chaînes locales. Un exemple, outre-mer, a été donné, que je connais ; j'y porterai un grand intérêt. Bien entendu, la télévision ne saurait être le canal de propagande politique ; j'espère que ce que vous ai dit à propos du pluralisme vous aura persuadés que c'est ma conviction.

Il ne me revient pas de vous parler de l'évolution du statut du CSA mais, selon moi, une autorité telle que le Conseil doit avoir conscience que son indépendance lui vient des missions que la loi lui a confiées, et qu'elle se doit d'être respectueuse de cette indépendance, qui est pour elle un devoir plus qu'une prérogative. C'est dans cet esprit que je rendrai compte : il ne s'agit pas d'aller chercher une instruction ici ou là mais d'entendre les préoccupations, et en premier lieu celles des représentants légitimes de la nation.

Je suis conscient des dévoiements possibles des paris et des jeux en ligne, et j'en suis très préoccupé.

Je suis très attentif à la promotion des femmes et aux atteintes de toutes natures qui leurs sont portées, dans les publicités mais aussi dans le jeux de rôle que reflètent certaines émissions où elles sont effectivement très peu conviées dans la fonction d'expertise. Dans le respect du rôle des éditeurs de service, nous devons sans cesse exercer une pression, sans laquelle aucun progrès significatif n'aura lieu. Une de mes lignes de vie est la promotion de l'égalité des femmes et des hommes, qui participe de l'égale dignité de tous.

La Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique a formulé plusieurs recommandations dont certaines ont trait au CSA ; l'une tend à substituer la règle de l'équité à celle de l'égalité pour les temps de parole des candidats entre le moment où la liste officielle est connue et celui où la campagne commence. Il conviendrait aussi de s'interroger sur les règles à observer lors de primaires, ce que la Commission n'a pas fait ; j'y veillerai.

Pour conclure en quelques mots, j'ai été très sensible à la densité et à la qualité du débat que vous avez bien voulu avoir avec moi. Je voudrais que vous soyez convaincus de ma sincérité et de mon engagement pour cette tâche, si elle m'est confiée. Je ne souhaite qu'une chose : que vous en soyez les témoins, et les critiques réguliers s'il le faut.

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