Intervention de François Demarcq

Réunion du 23 janvier 2013 à 9h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

François Demarcq, directeur général délégué du Bureau de recherches géologiques et minières, BRGM :

Comme vous le savez, le BRGM est un organisme de recherche et d'expertise au service de la nation. J'ai participé aux travaux de la commission Tuot et je me concentrerai ici sur certains des points qui y ont été abordés, d'opportunité juridique essentiellement.

Pourquoi une réforme du code minier est-elle nécessaire ? Le manque d'information et de participation du public, ainsi que le défaut d'études d'impact – d'études publiques en tout cas – dans certaines phases de travaux d'exploration ont suscité beaucoup d'émoi. À cette occasion, on s'est aperçu que des permis exclusifs de recherche avaient été antérieurement accordés sans enquête publique préalable. Remédier à cette absence d'information du public et de prise en compte des enjeux environnementaux est le premier objectif de la réforme.

Celle-ci se fonde également sur la remise en cause de l'intérêt même d'exploiter des ressources minérales. C'est une question de principe de politique minière et, lorsqu'il s'agit d'hydrocarbures, d'articulation avec la politique énergétique.

Le coeur du code minier traite des substances dites concessibles. Pour ces richesses, la nation a historiquement jugé que leur intérêt justifiait une exception, avec les titres miniers, aux droits du propriétaire du sol : l'État exploiterait lui-même ces substances – hypothèse assez théorique aujourd'hui, mais en vogue par le passé – ou en concèderait l'exploitation exclusive à des entreprises. Au terme de la phase de production, c'est l'État qui assume la responsabilité de l'après-mine.

Parce que ses procédures étaient plébiscitées, notre droit minier a été, par mimétisme, étendu à d'autres usages du sous-sol comme le stockage souterrain de gaz et de dioxyde de carbone. Il inclut même désormais la géothermie et l'exploitation des granulats marins.

C'est également sur ce code minier que l'on s'est appuyé pour améliorer la connaissance de notre sous-sol, connaissance toujours difficile et coûteuse. Le droit fait ainsi obligation à toute personne réalisant des fouilles ou des forages de plus de dix mètres de profondeur de déclarer tout ce qu'elle a repéré dans le sous-sol. L'une des missions de service public du BRGM est de capitaliser, numériser, organiser en banque de données puis mettre à disposition du public toutes ces données souterraines. Sont concernés les résultats de forages pétroliers, de prélèvements d'échantillons…

Nous avons formulé, notamment au sein de la commission Tuot, diverses propositions de modernisation de ce dispositif, mal financé et imparfait sur le plan administratif. La mise à disposition de ces informations, utiles non seulement aux exploitants miniers mais aussi aux bâtisseurs d'infrastructures comme le tunnel transalpin de la ligne ferroviaire Lyon-Turin et les stations de métro du Grand Paris, pourrait être à la fois plus ambitieuse et plus efficace.

Nous avons également fait des propositions sur le cas particulier de la géothermie. Un débat s'est engagé au sein de la commission Tuot sur le meilleur support législatif pour traiter ses différentes formes. Nul ne conteste que la géothermie profonde relève du code minier et qu'elle doit faire l'objet de permis d'exploration et de concessions. Il y va différemment de la géothermie de surface. Lorsqu'une commune se dote d'un équipement comme un hôpital, elle peut aujourd'hui recourir à la technique de pieux ou de fondations énergétiques qui permettent de transmettre la chaleur du sous-sol au bâtiment, rendant celui-ci très économe en énergie. Il n'y a sans doute pas besoin du code minier pour cela ; le code civil pourrait suffire. Dans certains cas, des procédures administratives sont nécessaires. Je pourrai, si vous le souhaitez, vous détailler nos propositions en la matière.

J'en viens à la politique énergétique. La dimension géographique d'un schéma fixé par la loi interpelle puisqu'on ne sait pas a priori exactement où se trouve telle ou telle ressource. Dans certaines zones – je pense à la Guyane qui possède désormais son propre schéma départemental d'orientation minière (SDOM) –, une longue concertation a eu lieu sur le zonage, mais ce n'est pas et ce ne sera pas le cas sur l'ensemble du territoire.

La France connaît aujourd'hui une fringale de matières premières, car c'est ce que requiert l'industrie moderne. Certes, l'économie circulaire et le recyclage se développent, mais on en est encore à un stade où l'on incorpore de plus en plus de matières premières. La nécessité de rechercher de nouvelles ressources minérales s'impose donc. À la demande du ministre du redressement productif, nous avons fait plusieurs propositions sur la reprise d'un inventaire des ressources du territoire national et sur ce que pourrait être une mine moderne. La question de la stratégie, s'agissant des hydrocarbures, reste un sujet en soi.

J'oserai un dernier mot sur la fiscalité. Les mines d'hydrocarbures comme les mines de substances métalliques constituent un bien national ; il est donc logique que la nation – au niveau central ou décentralisé – bénéficie d'une partie des recettes ou de la rente qu'elles procurent. On parle de rente lorsque le prix d'une matière première sur le marché mondial est très supérieur à son prix de revient, ce qui permet de réaliser des bénéfices élevés quoique généralement transitoires. En effet, le cours de ces matières est très volatil : il faut trouver les mécanismes d'une répartition équitable de la richesse sans menacer la bonne exploitation des gisements.

La géothermie haute température devrait devenir une ressource énergétique significative de l'outre-mer. C'est le moyen le plus efficace et le moins cher de produire de l'électricité dans les îles volcaniques. Une fiscalité spécifique doit permettre d'intéresser les collectivités territoriales à son développement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion