Intervention de Georges Salines

Réunion du 15 février 2016 à 15h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Georges Salines, président de l'association « 13 novembre :

Il convient tout d'abord d'instaurer un système d'information unique identifiant les blessés et les morts et interrogeable par les personnes recherchant des disparus. De nombreuses familles ont dû faire le tour des services d'urgence dans l'espoir de retrouver un de leur proche ; on parle là de gens qui vivent des heures épouvantables et qui en viennent à espérer que leur enfant se trouve dans le coma.

Monsieur le rapporteur, la lecture des tweets accompagnés du hashtag « Recherche Paris » le 14 novembre dernier constituait l'activité la plus triste qui soit.

Il ne suffit pas de mettre en oeuvre une base de données unique consultable par téléphone – qui constituerait néanmoins un progrès –, car un accompagnement humain s'avère indispensable dans ces moments. Il convient de s'appuyer sur le dispositif mis en place à l'École militaire, et des pays étrangers ont prévu l'envoi de travailleurs sociaux ou de psychologues au domicile des personnes recherchant un disparu afin de les accompagner dans cette épreuve.

Ce système d'information doit contribuer à identifier les victimes. M. Mohammed Zenak nous a fait part des difficultés qu'il avait rencontrées pour l'identification de sa fille, et la plateforme de l'assistance publique des hôpitaux de Paris (APHP) ne pouvait pas intégrer des renseignements sur les personnes recherchées en dehors de leur nom, de leur prénom et de leur date de naissance. Il faut améliorer ce système, notamment en y incorporant l'Institut médico-légal, afin d'engager des recherches plus précises au sujet des blessés non identifiés.

Alors que je me trouvais à l'hôpital européen Georges-Pompidou, l'un de mes amis est parvenu à joindre un agent à la cellule interministérielle de crise qui lui a annoncé le décès de ma fille. La cellule a diffusé un tweet indiquant un numéro permettant d'obtenir des nouvelles de Lola. De nombreuses personnes ont appelé ce numéro, si bien que des messages de condoléances ont été publiés sur les réseaux sociaux ; fort heureusement, je n'en ai pas eu connaissance. Il s'agissait d'une erreur majeure de confier cette mission à quelqu'un, en l'occurrence, M. Stéphane Giquel secrétaire général de la Fédération nationale des victimes d'accidents collectifs (FENVAC), qui n'était pas le mieux placé pour la mener, comme il l'a d'ailleurs reconnu. Une fois à la maison, j'ai rappelé ce numéro et M. Gicquel, qui m'a annoncé la mort de ma fille ; j'ai demandé à ce qu'un fonctionnaire me confirme la nouvelle, ce qu'un membre du cabinet de la ministre de la Justice, a fait avec beaucoup d'humanité et de compétence. Cinq minutes après, la cellule d'identification de l'Institut médico-légal nous a fait remplir par téléphone un questionnaire portant sur la taille, la couleur des cheveux et les signes particuliers de notre fille, alors que l'identification était déjà accomplie puisque l'on venait de nous prévenir de son décès. Enfin, la police judiciaire (PJ) nous a également joints pour nous apprendre la mort de notre fille. Il s'agit bien d'un ratage, car l'on ne devrait pas apprendre une telle nouvelle par téléphone et dans ces conditions. Et encore, je me considère comme chanceux, parce que des familles ont attendu trois jours et certaines ont veillé le corps d'un enfant qui n'était pas le leur. Il reste donc des marges de progrès considérables à accomplir.

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